La secrétaire générale de la FGTB, syndicat belge apparenté socialiste, exprime ses bons voeux sur la télévision locale, la RTBF.
RTBF - Anne Demelenne fait sa rentrée
Dans son discours, on apprend la ligne que se donne une organisation
représentant des travailleurs, des producteurs:
- Elle dénonce les très gros salaire comme immérités. C'est un argument récurrent et, même s'il dénonce à juste titre ce qu'il faudrait appeler des détournements de fonds, l'argument lui-même est piégé. Il lie le salaire au mérite (notion pour le moins peu socialiste et encore moins rigoureuse) au lieu de lier le salaire à la valeur ajoutée ou au droit.
- Elle prétend que les travailleurs sont victimes de la crise. Autre argument fallacieux: cette crise n'existe que pour comprimer les salaires, notamment les plus formidables d'entre eux, les salaires socialisés (chômage, retraites). Les travailleurs ne sont donc pas victimes de la crise; c'est la crise qui sert de prétexte pour voler les salariés d'une partie de leur dû. En se mettant sur le terrain de la crise, les syndicalistes se condamnent à la velléité, à l'impuissance incantatoire puisque, comme c'est la crise, on ne peut rien y faire, n'est-ce pas, il va falloir accepter des sacrifices. Une fois qu'on est sur ce terrain-là, on est cuits. En fait, il faut placer les choses là où elles sont: il s'agit d'une lutte de classe entre producteurs (avec ou sans emploi) et propriétaires. De cette façon, le syndicat peut espérer se mettre en situation de force.
- La secrétaire générale assimile le gel des salaires à une attaque contre l'emploi. C'est un renversement des termes assez vertigineux: la logique de l'emploi, c'est une propriété lucrative qui achète des employés pour leur piquer une partie du fruit de leur travail dans des conventions plus ou moins encadrées, plus ou moins respectée selon le contexte. L'intérim est l'acmé de l'emploi, son maximum. Remplacer le CDI par de l'intérim, c'est lutter pour l'emploi, c'est-à-dire contre le salaire et les producteurs. L'emploi n'est pas la solution, c'est le problème puisqu'il s'agit d'un lien de subordination incompatible avec le socialisme ou avec les intérêts des producteurs dont se réclame la FGTB.
- De manière fort inquiétante, la syndicaliste confond le travail et l'emploi. Elle souhaite 'valoriser le travail', 'instrument possible d'une relance' alors qu'elle parle de l'emploi. L'emploi ne peut être instrument d'une relance parce qu'il est fondé sur le profit du propriétaire ce qui, au fil du temps, constitue une pyramide de Ponzi et sur la mise en concurrence via le marché de l'emploi des producteurs des travailleurs ce qui conduit inéluctablement à la compression des salaires. Or, le problème aujourd'hui, c'est la compression des salaires.
- 'La FGTB est prête à aider les employeurs à revaloriser les travailleurs'. Phrase extraordinaire puisqu'elle situe la lutte sociale sur le terrain de l'aide au propriétaire. On croit rêver - l'antithèse de la lutte syndicale. Les syndicats vont demander gentiment aux patrons d'augmenter les salaires et les patrons, convertis par la pertinence des arguments des syndicats, vont bien sûr augmenter illico les salaires, réduire leur marge en disant merci. A ce stade, il ne s'agit plus de naïveté syndicale mais d'éloge habile de l'impuissance. Rappelons que les producteurs n'ont pas besoin des propriétaires mais les propriétaires ont besoin des producteurs (c'est la dialectique du maître et de l'esclave - vous croyez qu'on rigole sur la plateforme?). Se place sur le terrain de l'adversaire est décidément une marque de fabrique pour la secrétaire de la FGTB. Continuons.
- Dans ses propositions, la secrétaire parle de valoriser l'emploi (et non le travail comme elle persiste à le prétendre), à redynamiser l'économie et à mettre l'accent sur les énergies durables. Pour ce faire, la secrétaire propose de taxer les dividendes, ce qui mettrait l'état sous la coupe du profit puisque ce profit financerait son budget. On imagine sans peine les représentants de l'état appeler des grévistes à la reprise du travail, appuyés par les syndicats, au nom de l'équilibre budgétaire. A ce moment-là, la fonction politique et sociale d'un syndicat sombre dans le ridicule et les intérêts des producteurs ne sont techniquement plus représentés.
- Par contre la secrétaire fédérale appelle au maintien des salaires - ce que nous ne pouvons qu'approuver - même s'il ne faut pas demander le maintien mais l'exiger par un rapport de force. Question d'efficacité: on franchit mieux l'obstacle quand on se met sur un terrain connu, maîtrisé, dont on connaît les pièges, les chausse-trappe. Tant qu'à faire, aussi demander sa socialisation, ce qui poursuivrait le beau mouvement syndical entamé avec les congés payés.
- L'appel à l'isolation des bâtiments est assurément un voeu pieux de bonne politique. Mais pourquoi nécessairement via l'emploi? N'y a-t-il pas d'autre façon d'isoler un toit qu'en enrichissant un propriétaire lucratif, via des contrats d'emploi contraignants? En formulant la chose de cette façon, la secrétaire se place définitivement sur le terrain de l'emploi, de la soumission (plus ou moins) légale à l'employeur. C'est Spartacus qui discute de la longueur des chaînes. Il ira peut-être loin mais ne sera jamais libre.
- Pour finir, l'appel à la fiscalité est un piège grossier. Ce sont les classes moyennes qui financent la fiscalité puisqu'elles dépensent (contrairement aux pauvres) l'essentiel de leurs revenus (contrairement aux riches). Les classes moyennes se retrouvent donc à financer une politique publique alors que les riches éludent, fraudent les taxes - le capital est plus mobile, plus difficile à contrôler - ce qui les dédouane de toute responsabilité. Pour prendre un raccourci à peine exagéré, ce sont les classes moyennes qui vont payer pour les pauvres pendant que les riches profitent sans limite. Le comble, c'est l'idée de financer la formation professionnelle par l'impôt: cette formation bénéficie aux propriétaires qui voient la productivité de la main d'oeuvre augmenter au détriment des contribuables, les classes moyennes. Ce sont alors les classes moyennes, des producteurs, qui vont payer pour les propriétaires via l'impôt.
Un programme en toute chose opposé au 'pouvoir d'achat' dont parle la secrétaire, sauf celui des actionnaires, bien sûr, mais est-ce là la préoccupation d'un syndicat socialiste?