9 août 2013, 09:54
Bonjour à toutes, bonjour à tous,
Petites précisions
A partir d'un article glané sur fb, je vais considérer la question du revenu de base du point de vue de (la lutte contre) l'emploi. D'expérience, je sais que le débat peut être passionné tant les tenants du revenu de base sont attachés à leur idée. Pour être clair dès le début, matériellement, cette solution m'arrangerait donc, de manière pragmatique, je ne suis pas un opposant farouche à l'idée d'un revenu de base. Ce qui suit ne sera pas un point de vue personnel, ce sera une étude de l'impact d'un éventuel revenu de base sur la situation de l'emploi du point de vue de la plateforme.
On peut reprocher à l'emploi, globalement:
1. d'induire dans la misère des millions de personnes dans une société en surproduction
2. de subordonner l'environnement ou les considérations humaines à la logique de la production
3. de corseter l'activité humaine en l'encadrant dans un cadre limité, en interdisant ou en entravant l'activité hors du cadre de l'emploi
4. de considérer le salaire, l'humain, comme un coût en dépit du succès de la relance par le salaire de Roosevelt ou du compromis de Philadelphie: l'économie doit servir les intérêts de l'humanité (et non l'inverse!)
5. d'accentuer la pression à la productivité dans l'activité professionnelle à tel point que les maladies mentales, les burn-out, les dépressions se multiplient de manière criminelle et ... contre-productive.
6. de ne pas reconnaître la partie de la valeur économique produite en dehors du cadre de l'emploi. Ceci pénalise particulièrement les femmes dans les sociétés patriarcales puisqu'elles prestent l'essentiel des services économiques non valorisés. De même, les handicapés, les chômeurs ou les artistes ne peuvent s'insérer dans le cadre de l'emploi - qui peut prétendre n'être nullement artiste, n'être nullement handicapé? - alors que leur production de valeur est également essentielle.
A l'aune de ces 6 critères, je vous propose d'examiner le revenu de base proposé dans un article du Houston Chronicle récemment (référence ci-dessous, en anglais).
Basic Income to end the welfare state
Avant toute chose, je précise qu'il s'agit d'une proposition, pas de toutes les propositions qui existent à ce sujet. Il faut les étudier une à une pour les évaluer. Cet étude ne constitue qu'une étude d'un cas isolé.
1. la misère
L'article parle d'un revenu qui permette de sortir de la misère, soit 10000$ par an par adulte (à peu près 8000€). Il n'y aurait effectivement plus de gens qui meurent de faim aux USA. A ce niveau, le revenu de base serait un indéniable succès. L'article propose de financer le revenu de base par un impôt sur les revenus supérieurs à 25000$ (à la louche, 18000€) annuels. L'article parle de supprimer la sécurité sociale en échange ce qui n'est pas sans poser quelques problèmes, notamment en Europe où la sécurité sociale est, dans certains pays, un salaire: cette évolution diminuerait le salaire social (la sécu) et donc la part du salaire dans la valeur ajoutée. Notons que l'article propose de conserver les soins de santé et de les universaliser. C'est une condition absolument nécessaire pour éviter la misère des malades chroniques.
2. la subordination de l'activité
Par contre, les activités professionnelles resteraient subordonnées à la logique de l'emploi. Par contre, pour peu que le revenu de base soit suffisant - et les chiffres avancés dans l'article sont un peu bas - les gens pourraient mener des activités non professionnelles en dehors de l'emploi. L'article précise que l'incitation à travailler dans le cadre de l'emploi demeurerait et la désincitation à travailler dans ce cadre disparaîtrait. Une idée donc parfaitement compatible avec l'emploi.
3. le corsetage de l'activité
Avec le revenu de base, l'investissement demeurerait hors d'atteinte des producteurs, comme maintenant, les gens ne pourraient pas y prétendre. L'activité professionnelle demeurerait soumise au joug de l'emploi - même si, répétons-le, le fait d'être de toute façon rémunéré permet d'envisager de mener des activités (mais non professionnelles par nature) sans la pression de l'argent.
4. le salaire est un coût
Avec le revenu de base, cette vision aberrante des choses demeure mais le revenu de base crée une brèche puisqu'il s'agit d'un droit et non d'un coût.
5. la pression à la productivité
Pour les travailleurs dans le cadre de l'emploi, cette pression demeure inchangée mais ils ont un filet de sécurité rassurant, un revenu garanti. Ils sont moins angoissés par une perte de revenu mais les relations de travail dans l'emploi et l'activité professionnelles sont toujours gangrénées par l'impératif du temps, de la productivité.
6. reconnaissance de la valeur produite ailleurs
Les producteurs hors emploi se verraient reconnaître un droit, une dignité humaine inconditionnelle. C'est déjà extraordinaire mais ce droit ne serait pas lié à leurs contribution de producteur qui resterait à reconnaître.
En conclusion, il ne faut pas négliger l'intérêt du revenu de base - et je pense notamment aux millions de gens dans la misère la plus noire ou à la liberté de mener des activités hors du cadre de l'emploi - mais cette solution ne résout pas les contradictions de l'emploi et ne libère pas l'activité professionnelle, elle ne permet pas de changer le rapport au temps dans l'emploi. Le revenu de base garantit le droit à l'oisiveté - ce qui est une très bonne chose - mais il ne libère que très partiellement le droit à l'activité.
Du point de vue de la guerre des classes en cours (les riches se battent contre les producteurs), il faut voir si un revenu de base qui poserait le problème au niveau de la redistribution ne ferait pas fausse route en termes tactiques puisque cette solution défausse les riches et leurs activités de toute responsabilité par rapport à la pauvreté qu'ils créent en accaparant les ressources. Dans la redistribution, ce sont les contribuables qui paient des impôts pour soulager la misère ce qui fait l'impasse sur les enjeux de justice, de rapport de force social de la distribution.
C'est une piste qui n'épuise pas les questions de l'emploi, ni aux States, ni en Europe.
Petites précisions
A partir d'un article glané sur fb, je vais considérer la question du revenu de base du point de vue de (la lutte contre) l'emploi. D'expérience, je sais que le débat peut être passionné tant les tenants du revenu de base sont attachés à leur idée. Pour être clair dès le début, matériellement, cette solution m'arrangerait donc, de manière pragmatique, je ne suis pas un opposant farouche à l'idée d'un revenu de base. Ce qui suit ne sera pas un point de vue personnel, ce sera une étude de l'impact d'un éventuel revenu de base sur la situation de l'emploi du point de vue de la plateforme.
On peut reprocher à l'emploi, globalement:
1. d'induire dans la misère des millions de personnes dans une société en surproduction
2. de subordonner l'environnement ou les considérations humaines à la logique de la production
3. de corseter l'activité humaine en l'encadrant dans un cadre limité, en interdisant ou en entravant l'activité hors du cadre de l'emploi
4. de considérer le salaire, l'humain, comme un coût en dépit du succès de la relance par le salaire de Roosevelt ou du compromis de Philadelphie: l'économie doit servir les intérêts de l'humanité (et non l'inverse!)
5. d'accentuer la pression à la productivité dans l'activité professionnelle à tel point que les maladies mentales, les burn-out, les dépressions se multiplient de manière criminelle et ... contre-productive.
6. de ne pas reconnaître la partie de la valeur économique produite en dehors du cadre de l'emploi. Ceci pénalise particulièrement les femmes dans les sociétés patriarcales puisqu'elles prestent l'essentiel des services économiques non valorisés. De même, les handicapés, les chômeurs ou les artistes ne peuvent s'insérer dans le cadre de l'emploi - qui peut prétendre n'être nullement artiste, n'être nullement handicapé? - alors que leur production de valeur est également essentielle.
A l'aune de ces 6 critères, je vous propose d'examiner le revenu de base proposé dans un article du Houston Chronicle récemment (référence ci-dessous, en anglais).
Basic Income to end the welfare state
Avant toute chose, je précise qu'il s'agit d'une proposition, pas de toutes les propositions qui existent à ce sujet. Il faut les étudier une à une pour les évaluer. Cet étude ne constitue qu'une étude d'un cas isolé.
1. la misère
L'article parle d'un revenu qui permette de sortir de la misère, soit 10000$ par an par adulte (à peu près 8000€). Il n'y aurait effectivement plus de gens qui meurent de faim aux USA. A ce niveau, le revenu de base serait un indéniable succès. L'article propose de financer le revenu de base par un impôt sur les revenus supérieurs à 25000$ (à la louche, 18000€) annuels. L'article parle de supprimer la sécurité sociale en échange ce qui n'est pas sans poser quelques problèmes, notamment en Europe où la sécurité sociale est, dans certains pays, un salaire: cette évolution diminuerait le salaire social (la sécu) et donc la part du salaire dans la valeur ajoutée. Notons que l'article propose de conserver les soins de santé et de les universaliser. C'est une condition absolument nécessaire pour éviter la misère des malades chroniques.
2. la subordination de l'activité
Par contre, les activités professionnelles resteraient subordonnées à la logique de l'emploi. Par contre, pour peu que le revenu de base soit suffisant - et les chiffres avancés dans l'article sont un peu bas - les gens pourraient mener des activités non professionnelles en dehors de l'emploi. L'article précise que l'incitation à travailler dans le cadre de l'emploi demeurerait et la désincitation à travailler dans ce cadre disparaîtrait. Une idée donc parfaitement compatible avec l'emploi.
3. le corsetage de l'activité
Avec le revenu de base, l'investissement demeurerait hors d'atteinte des producteurs, comme maintenant, les gens ne pourraient pas y prétendre. L'activité professionnelle demeurerait soumise au joug de l'emploi - même si, répétons-le, le fait d'être de toute façon rémunéré permet d'envisager de mener des activités (mais non professionnelles par nature) sans la pression de l'argent.
4. le salaire est un coût
Avec le revenu de base, cette vision aberrante des choses demeure mais le revenu de base crée une brèche puisqu'il s'agit d'un droit et non d'un coût.
5. la pression à la productivité
Pour les travailleurs dans le cadre de l'emploi, cette pression demeure inchangée mais ils ont un filet de sécurité rassurant, un revenu garanti. Ils sont moins angoissés par une perte de revenu mais les relations de travail dans l'emploi et l'activité professionnelles sont toujours gangrénées par l'impératif du temps, de la productivité.
6. reconnaissance de la valeur produite ailleurs
Les producteurs hors emploi se verraient reconnaître un droit, une dignité humaine inconditionnelle. C'est déjà extraordinaire mais ce droit ne serait pas lié à leurs contribution de producteur qui resterait à reconnaître.
En conclusion, il ne faut pas négliger l'intérêt du revenu de base - et je pense notamment aux millions de gens dans la misère la plus noire ou à la liberté de mener des activités hors du cadre de l'emploi - mais cette solution ne résout pas les contradictions de l'emploi et ne libère pas l'activité professionnelle, elle ne permet pas de changer le rapport au temps dans l'emploi. Le revenu de base garantit le droit à l'oisiveté - ce qui est une très bonne chose - mais il ne libère que très partiellement le droit à l'activité.
Du point de vue de la guerre des classes en cours (les riches se battent contre les producteurs), il faut voir si un revenu de base qui poserait le problème au niveau de la redistribution ne ferait pas fausse route en termes tactiques puisque cette solution défausse les riches et leurs activités de toute responsabilité par rapport à la pauvreté qu'ils créent en accaparant les ressources. Dans la redistribution, ce sont les contribuables qui paient des impôts pour soulager la misère ce qui fait l'impasse sur les enjeux de justice, de rapport de force social de la distribution.
C'est une piste qui n'épuise pas les questions de l'emploi, ni aux States, ni en Europe.