Une femme témoigne de son vécu de chômage-emploi au premier ministre très réformiste en Belgique. Chronique
brute, émouvante, de la guerre de l'emploi ou de la guerre du chômage, deux faces d'une
même pièce, celle de la guerre à la qualification, au droit à vivre
librement, celle de la misère, de l'aiguillon de la nécessité, de la
dégradation des conditions de travail.
Extrait
Lors du journal télévisé sur RTL-TVI, à la question "que répondez-vous aux chômeurs qui vous critiquent suite à la réforme du système d’allocations de chômage?", M. Di Rupo a répondu: "Je voudrais qu’ils essayent de me comprendre."
Soyons honnêtes: ces personnes-là, celles directement visées par votre réforme, celles qui ne vont plus savoir payer leurs factures, celles qui vont envahir les CPAS ; ces personnes-là ne vont pas essayer de vous comprendre, pas un seul instant. Ces gens-là, vous les brisez ; vous les envoyez se démerder avec des problèmes financiers et professionnels gigantesques, des problèmes dont vous n’avez même pas idée et dont vous n’aurez probablement jamais idée.
Mais il y a ces gens-là et puis il y a les autres. Les gens comme moi. Ceux qui n’ont jamais été au chômage. Ceux qui ont vécu une enfance-adolescence au sein d’une famille relativement aisée. Ceux qui ont la chance d’avoir fait des études, supérieures ou universitaires. Ceux qui ont trouvé un emploi, qui en ont aussi changé au cours des 10 dernières années mais qui ont toujours connu le chômage de très loin.
Et puis, c’est la vie, il arrive parfois ce qu’on peut appeler un "coup dur", un licenciement. Brutal.
En l’occurrence, un licenciement 2 jours après un retour de congé de maternité. Parce que dans notre pays, certains hommes et femmes, chefs d’entreprise, ont cette idée qu’une femme, mère de 2 enfants, n’a "plus le profil requis pour la fonction".
Alors, on se retrouve, subitement, à aller s’inscrire dans un bureau de chômage et à rendre une carte bleue vierge, à la fin du mois, afin de percevoir ces fameuses allocations de chômage.
Mais on ne s’abat pas, on se relève, on n’a pas le choix et on se dit qu’on va rapidement retrouver du travail, que tout cela n’est qu’une mauvaise passe… Mais, vous le savez comme moi, les temps sont durs et le monde professionnel n’ouvre plus ses portes si facilement qu’avant. Comme tout le monde le dit "c’est la crise".
La crise, vous la connaissez encore mieux que nous, finalement…vous ne la subissez pas mais vous êtes supposé travailler pour la traverser…
Pour pouvoir trouver un job, on est prêt à accepter des conditions qu’on n’aurait jamais pensé connaitre: des semaines d’intérim, payées en dessous du barème légal. Puis un PFI. Puis un CDD. Malheureusement non renouvelé parce que l’entreprise a besoin "de fric" et donc, elle préfère engager un jeune homme sorti des études. Qui ne s’absentera pas pour cause de varicelle ou de bronchiolite. Qui pourra travailler jusque 21h parce qu’il n’a pas d’enfants à aller chercher à la crèche ou à l’école.
Une maman, c’est malheureux (?!), c’est elle qu’on appelle quand l’enfant tombe à l’école ou c’est à elle à se débrouiller quand son fils se réveille avec 40° de fièvre.
Alors, on retourne dans la grande valse du chômage. Et on apprend que nos allocations, que l’on a perçu… 3 mois seulement, finalement, vont très prochainement diminuer. Tellement diminuer que payer le remboursement du prêt de sa maison et la crèche de son enfant seront les SEULES dépenses possibles.
Alors, évidemment, avec une famille, une maison à payer, on s’inquiète, on s’affole. On se dit que peu importe l’épanouissement personnel et intellectuel, peu importe le plaisir et le bonheur de travailler, tout ça ne compte manifestement plus ici. Ce qu’il faut, c’est bosser. Envers et contre tout.