Nous luttons contre l'emploi sous toutes ses formes.
Il dégrade la qualité de l'environnement, la vie de l'employé.
Nous ne nous opposons pas à l'activité, à la passion, à la patience, à la volonté, au labeur.
Nos pistes pour faire baisser le chômage? Interdire l'emploi,
ôter des mains des employeurs le pouvoir exorbitant de qualifier un
poste et qualifier les travailleurs eux-mêmes. Pour ce faire, il suffit
de socialiser les salaires sur le modèle de la sécurité sociale (mais pour l'intégralité du salaire) et la valeur ajoutée (pour que les travailleurs récupèrent la propriété d'usage de leur outil de travail, de leur travail et du fruit de leur travail).
La baisse des cotisations ne fait que baisser la valeur ajoutée, le PIB produit par unité de temps - ce qui n'aide certainement pas à sortir de la crise (et du chômage).
On m'envoie une question aux partis politiques en ces temps électoraux. Je vous relaie cette interpellation.
Quelle est la position des partis concernant ...
1. la concertation sociale (proposent-ils une vraie démocratie sociale, 1 salarié = 1 voix, càd l'accès à la concertation sociale interprofessionnelle pour les producteurs salariés hors emploi que sont les pensionnés, les chômeurs, les malades, les invalides, etc.)
2. la protection sociale. Ont-ils des propositions sociales plutôt que fiscales, à savoir : développer non pas une taxation du capital mais une hausse des cotisations/prestations sociales (et un déplafonnement de ces dernières), càd un modèle social qui renoue avec ce que l'on a connu avant les années Reagan-Thatcher-Blair-Delors, Schmidt, etc., et soit en phase avec la manière dont les salaires (et le partage des salaires) se développent partout dans le monde sauf dans la vieille Europe racrapotée sur la rente et la lutte contre l'inflation et le salaire (requalifié en coût)
3. l'Europe sociale. Doit-elle passer par un Office Européen de Sécurité sociale sur le modèle de l'ONSS ou par un Centre Public Européen d'Aide Sociale sur le modèle de nos CPAS; Bref, Tarabella, Lamberts, Decroly et les autres veulent-ils d'une protection sociale européenne par les salaires (construite à côté d'une Europe qui fout le camp grace à un nouveau cadre que les politiques donnent à une concertation sociale ou que les organisations syndicales sont à meme de revendiquer) ou une protection sociale basée sur la charité privée (philanthropie) et publique (taxation des profits et re-distribution) ?
Le système de production capitaliste suit des cycles. À des périodes euphoriques de croissance succèdent des crises de surproduction. Pour casser les revendications salariales, les revendications de diminution (ou de suppression) de l'emploi des travailleurs, les employeurs les mettent en concurrence entre eux.
La
mise en concurrence privilégiée est celle qui repose sur les origines.
Le texte dont nous citons un large extrait nous raconte les massacres
d'immigrés italiens à Aiguës-Mortes en 1893.
L'employeur
met en concurrence des groupes de producteurs définis par leur origine,
les groupes se battent entre eux et laissent l'employeur les exploiter.
Comment ne pas penser au fascisme, aux partis racialistes ou au travailleurs détachés
que le parlement européen vient de légaliser, partis "socialistes" en
tête? Contre le bain de sang des nôtres, nous devons trouver l'humble
chemin de l'union, nous devons nous souvenir que nous produisons la
richesse, nous les salariés, dans l'emploi et hors emploi, quelles que
soient nos origines, nos croyances, nos mœurs.
L'article que nous citons est issu du blogue de Matthieu Lépine (ici, en français). Il fait le lien entre la guerre aux salaires, la mise en concurrence des travailleurs et la violence raciste.
Extrait
Contexte
C’est durant la seconde moitié du XIXe
siècle, que l’essor puis le triomphe du système capitaliste s’opèrent en
France. Ce changement va venir bouleverser les équilibres économiques
et sociaux et transformer le monde du travail (recherche du profit,
rationalisation du travail, mise en concurrence des travailleurs…).
Avec la révolution industrielle, la
France ne possédant pas une population active suffisante, les besoins en
main d’œuvre étrangère vont être importants. Comme aujourd’hui, les
travailleurs immigrés sont appelés à venir occuper les emplois que les
français, les jugeant trop exténuant ou dégradant, n’ont pas voulu
occuper. Cette main d’œuvre, essentiellement composée de populations
pauvres fuyants la misère et le chômage dans leur pays (Italie,
Belgique…), est une aubaine pour les chefs d’entreprise. En effet,
exploités car prêts à endurer des conditions de travail précaires, les
ouvriers étrangers sont mis en concurrence avec les travailleurs locaux,
notamment afin de faire baisser les salaires de ces derniers.
Durant le dernier quart du XIXe siècle,
l’Europe va cependant être touchée par la première grande crise du
système capitaliste. Comme celle que nous traversons actuellement, elle
va provoquer une montée du chômage et être créatrice de frustrations, de
désarroi et de colère. Les travailleurs immigrés vont être montrés du
doigt et désignés comme seuls responsables. Cette situation va
intensifier, voir même parfois générer les violences xénophobes de
l’époque.
En 1881 à Marseille, des affrontements
violents vont opposer ouvriers français et ouvriers italiens. Trois
personnes trouveront la mort. En 1892 à Drocourt (Pas-de-Calais), des
ouvriers français vont violemment agresser des mineurs belges, leur
reprochant notamment d’accepter des salaires inférieurs aux leurs. Ils
seront plus d’un millier à devoir quitter précipitamment la France avec
leurs familles. C’est en 1893, que sera cependant atteint le paroxysme
des violences xénophobes, avec le massacre des ouvriers agricoles
italiens d’Aigues-Mortes.
Aux origines du massacre d’Aiguës-Mortes, la mise en concurrence d’ouvriers français et étrangers
En 1868, un groupement de
propriétaires possédant la quasi-totalité des marais salants
d’Aigues-Mortes (Gard) se transforme en une société par actions, la
Compagnie des salins du Midi (CSM). Cet événement marque selon Gérard
Noiriel, « l’irruption des rapports de production
capitalistes » dans la région. Rapidement, cette société va détenir le
monopole de la production et du transport du sel.
Ne disposant pas d’une main-d’œuvre
locale suffisante, elle va devoir faire appel à des ouvriers agricoles
venus d’ailleurs, plus particulièrement des zones montagneuses d’Italie
du nord et du centre. En effet, ce pays voisin est à l’époque fortement
touché par la crise. Le chômage y est important et une grande partie de
la population est plongée dans la misère. Cette situation offre à la
Compagnie des salins du Midi (CSM) l’opportunité de recruter une main
d’œuvre peu exigeante prête à supporter des conditions de travail
difficiles.
Durant l’été, période de la récolte du sel5,
Aigues-Mortes est en effervescence. Près de 2000 ouvriers saisonniers
sont à l’époque recrutés. Aux cotés des italiens, on trouve des ouvriers
venus des zones montagneuses de France ou encore des chômeurs et des
vagabonds venus de tout le pays, ceux que Gérard Noiriel présente comme
« les laissés-pour-compte du capitalisme ».
Tous ne sont pas affectés aux mêmes
tâches. Si le transport du sel est en général effectué par la main
d’œuvre locale, le ramassage, opération la plus pénible, est lui
accompli par les ouvriers italiens (1/3 des effectifs). Cherchant à
sortir coûte que coûte de la misère ceux-ci acceptent plus facilement
des tâches pénibles (journée de travail de plus de 12h, chaleurs
importantes, paiement au rendement…).
Cependant, la polémique sur le travail
des ouvriers immigrés en pleine période de crise et donc de baisse des
effectifs de saisonniers, va pousser la CSM à changer sa logique de
recrutement. Ainsi des Français, choisis parmi les ouvriers les plus
démunis (chômeurs…), vont être intégrés dans les équipes italiennes de
ramassage du sel. C’est dans ces équipes « mixtes » que de violents
affrontements vont se produire en août 1893.
La triste histoire d’un conflit entre exploités
Au matin du 16 août 1893, de vives tensions
vont éclater dans des salins à 8 kilomètres d’Aigues-Mortes. Ne
supportant pas la cadence imposée par les italiens, habitués à ce type
de tâche, les ouvriers français vont être rapidement dépassés.
Cependant, la paie est collective, elle se base sur le rendement de
l’ensemble de l’équipe.
Entre les Français, vexés de ne pas tenir
la cadence, et les Italiens, pour qui l’enjeu économique est crucial,
des conflits vont alors apparaître. La mise en concurrence de ces
travailleurs va aboutir à des provocations, des disputes et des bagarres entre eux.
Plus nombreux, les Italiens vont prendre
le dessus sur les ouvriers français lors d’affrontements dans les
marais salants. Ceux-ci vont cependant décider de retourner en ville,
afin de « chercher des renforts et de se venger ». Là-bas, ils vont
tomber sur de nombreux ouvriers frustrés de ne pas avoir été recrutés
par la CSM. Associés à leur désarroi, les événements du début de journée
dans les salins, vont suffire à les convaincre de chasser les ouvriers
italiens. Ainsi, rejoints par une partie des aiguemortais,
ils vont être plusieurs centaines jusqu’au lendemain après-midi, armés
de marteaux, de manches de pelle ou encore de fusils, à parcourir la
ville et les marais à leur recherche. « Vive la France », « mort aux Italiens » scanderont certains d’entre-deux.
C’est le 17 août que les scènes de
lynchage seront les plus violentes. Cette chasse à l’Italien fera selon
les sources, entre 7 et 17 morts. Pour Gérard Noiriel, « en mettant en
concurrence des ouvriers de toutes provenances pour faire baisser les
salaires, la Compagnie des salins du Midi a effectivement créé les
conditions de cette tuerie ». Pour l’historien, le désarroi des laissés
pour compte du capitalisme (ouvriers au chômage, vagabonds…) s’est
transformé en violence ce jour-là. Leur colère ne visait pas les Italiens selon-lui, mais ce système qui les avait mis de côté et ne leur
donnait pas de place.
La
rapporteuse des Nations Unies sur la vente, la prostitution et la
pornographie infantiles, Najat Maalla M'jid a signalé que la situation
au Honduras était particulièrement préoccupante. Les enfants risquent de
tomber dans les griffes des pédophiles du fait de la pauvreté, de
l'insécurité et de l'inaccessibilité des organismes de défense.
Mise en perspective
À l'heure où les politiques européennes de guerre au salaire nous promettent un devenir économique comparable à ce que traverse le Honduras, nous avons lieu de nous inquiéter pour l'avenir de nos enfants.
La
guerre au salaire a été menée avec une rare efficacité dans ce pays,
les ressources communes ont été consciencieusement privatisées et l'État
a maintenu les privilèges de la propriété
lucrative au détriment du bien être de la population ... comme en
Grèce, comme en Espagne et, demain, comme en France ou en Belgique.
L'essentiel des terres agricoles est accaparé
par United Fruit dans ce pays longtemps considéré comme une république
bananière. La pauvreté et la disette sont endémiques dans ce pays qui
nourrit donc les Américains.
La prostitution infantile est une forme d'emploi extrême qui, par ses côtés insupportables en révèle l'exploitation.
- L'employé doit toujours vendre du 'temps
de disponibilité' pendant lequel il doit obéir à l'employeur, pendant
lequel il est privé de ses droits civiques les plus élémentaires. Il se
soumet, en quelque sorte, aux caprices du client-patron.
-
L'enfant subit dans sa chaire et dans son psychisme les outrages de la
maltraitance de la prostitution. Comme les médicaments ou les doses
radioactives mortelles pour les enfants sont toujours également
nuisibles pour les adultes, l'hypersensibilité des enfants révèle que
l'emploi-prostitution nous nuit à tous, que nous en gardons des
séquelles, des traumatismes, des blessures, que la liberté vendue a un prix: notre bonheur, notre santé.
Une femme témoigne de son vécu de chômage-emploi au premier ministre très réformiste en Belgique. Chronique
brute, émouvante, de la guerre de l'emploi ou de la guerre du chômage, deux faces d'une
même pièce, celle de la guerre à la qualification, au droit à vivre
librement, celle de la misère, de l'aiguillon de la nécessité, de la
dégradation des conditions de travail.
Extrait
Lors du journal télévisé sur RTL-TVI, à la question "que répondez-vous aux chômeurs qui vous critiquent suite à la réforme du système d’allocations de chômage?", M. Di Rupo a répondu: "Je voudrais qu’ils essayent de me comprendre."
Soyons
honnêtes: ces personnes-là, celles directement visées par votre
réforme, celles qui ne vont plus savoir payer leurs factures, celles qui
vont envahir les CPAS ; ces personnes-là ne vont pas essayer de vous
comprendre, pas un seul instant. Ces gens-là, vous les brisez
; vous les envoyez se démerder avec des problèmes financiers et
professionnels gigantesques, des problèmes dont vous n’avez même pas
idée et dont vous n’aurez probablement jamais idée. Mais il y a
ces gens-là et puis il y a les autres. Les gens comme moi. Ceux qui
n’ont jamais été au chômage. Ceux qui ont vécu une enfance-adolescence
au sein d’une famille relativement aisée. Ceux qui ont la chance d’avoir
fait des études, supérieures ou universitaires. Ceux qui ont trouvé un
emploi, qui en ont aussi changé au cours des 10 dernières années mais
qui ont toujours connu le chômage de très loin.
Et puis, c’est la vie, il arrive parfois ce qu’on peut appeler un "coup dur", un licenciement. Brutal.
En
l’occurrence, un licenciement 2 jours après un retour de congé de
maternité. Parce que dans notre pays, certains hommes et femmes, chefs
d’entreprise, ont cette idée qu’une femme, mère de 2 enfants, n’a "plus
le profil requis pour la fonction".
Alors, on se retrouve,
subitement, à aller s’inscrire dans un bureau de chômage et à rendre une
carte bleue vierge, à la fin du mois, afin de percevoir ces fameuses
allocations de chômage.
Mais on ne s’abat pas, on se relève, on n’a pas le choix et on se dit qu’on va rapidement retrouver du travail,
que tout cela n’est qu’une mauvaise passe… Mais, vous le savez comme
moi, les temps sont durs et le monde professionnel n’ouvre plus ses
portes si facilement qu’avant. Comme tout le monde le dit "c’est la
crise".
La crise, vous la connaissez encore mieux que nous, finalement…vous ne la subissez pas mais vous êtes supposé travailler pour la traverser… Pour
pouvoir trouver un job, on est prêt à accepter des conditions qu’on
n’aurait jamais pensé connaitre: des semaines d’intérim, payées en
dessous du barème légal. Puis un PFI. Puis un CDD. Malheureusement non
renouvelé parce que l’entreprise a besoin "de fric" et donc, elle
préfère engager un jeune homme sorti des études. Qui ne s’absentera pas
pour cause de varicelle ou de bronchiolite. Qui pourra travailler jusque
21h parce qu’il n’a pas d’enfants à aller chercher à la crèche ou à
l’école.
Une maman, c’est malheureux (?!), c’est elle qu’on
appelle quand l’enfant tombe à l’école ou c’est à elle à se débrouiller
quand son fils se réveille avec 40° de fièvre.
Alors, on retourne dans la grande valse du chômage. Et on apprend que nos allocations, que l’on a perçu… 3 mois seulement, finalement, vont très prochainement diminuer.
Tellement diminuer que payer le remboursement du prêt de sa maison et
la crèche de son enfant seront les SEULES dépenses possibles.
Alors,
évidemment, avec une famille, une maison à payer, on s’inquiète, on
s’affole. On se dit que peu importe l’épanouissement personnel et
intellectuel, peu importe le plaisir et le bonheur de travailler, tout
ça ne compte manifestement plus ici. Ce qu’il faut, c’est bosser. Envers
et contre tout.
On m'envoie ce texte anarchisant, vigoureux et rafraîchissant en ligne ici extrait de The Abolition of work. C'est une saine base de réflexion garantie 100% anti-emploi. Nous distinguons autrement les mots travail et emploi mais, derrière un usage différent des mots, il y a une commune dénonciation de l'emploi comme privation de temps, de liberté et de vie.
Extrait
Les conservateurs, les ultra-libéraux et les démocrates de gauche qui dénoncent le totalitarisme sont des faux-culs,
des pharisiens. Il y a plus de liberté dans n'importe quelle dictature
vaguement déstalinisée que dans l'entreprise américaine ordinaire. La
discipline qu'on applique dans une usine ou dans un bureau est la même
que dans une prison ou un monastère. En fait, comme l'ont montré
Foucault et d'autres historiens, les prisons et les usines sont apparues
à peu près à la même époque. Et leurs initiateurs se sont délibérément
copiés les uns les autres pour ce qui est des techniques de contrôle.
Un travailleur est un esclave à temps partiel. C'est le patron qui
décide de l'heure à laquelle il vous faut arriver au travail et celle de
la sortie - et de ce que vous allez y faire entretemps. Il vous dit
quelle quantité de labeur il faut effectuer, et à quel rythme. Il a le
droit d'exercer son pouvoir jusqu'aux plus humiliantes extrémités. Si
tel est son bon plaisir, il peut tout réglementer: la fréquence de vos
pauses-pipi, la manière de vous vêtir, etc. Hors quelques garde-fou
juridiques fort variables, il peut vous renvoyer sous n'importe quel
prétexte - ou sans la moindre raison. Il vous fait espionner par des
mouchards et des cheffaillons, il constitue des dossiers sur chacun de
ses employés. Répondre du tac au tac devient dans l'entreprise une forme
intolérable d'insubordination - faute professionnelle s'il en est -
comme si un travailleur n'était qu'un vilain garnement : non seulement
cela vous vaut d'être viré mais cela peut vous priver de prime de départ
et d'allocations-chômage.
Sur le blogue Entre les lignes, Entre les mots (ici), nous avons relevé d'intéressantes notes de lecture sur
- Barnier, Canu, Vergne, La Fabrique de l'employabilité, Syllepse.
Nous n'avons pas lu le livre mais nous nous permettons de vous partager ces notes de lecture très complètes - nous vous en recommandons la lecture. La question du glissement pédagogique de la production d'une société à la production de producteurs rentables est un enjeu fondamental.
Il s'agit notamment
- de renvoyer celui qui est formé à sa responsabilité, il doit devenir l'entrepreneur de sa productivité
- d'organiser la formation selon les besoins du marché.
Extrait de la note
Les auteurs
soulignent, entre autres, le basculement des années 2000, la place prise
par la notion de compétitivité des entreprises, la dénégation des
dimensions conflictuelles des rapports sociaux, le nouveau paradigme de
« la formation tout au long de la vie », le caractère profondément
individualiste de l’employabilité, les présentations enchantées du
paritarisme social, l’invention du « gagnant/gagnant » ou du « compromis
acceptable »… « Il n’y a pas
partenariat ni cause commune mais affrontement à partir d"intérêts
fondamentalement divergents, quand bien même ce que gagnera l’un ne sera
pas nécessairement totalement défavorable à l’autre (la lutte des
classes n’est jamais binaire mais toujours portée par des
contradictions) ».
Louis-Marie
Barnier, Jean-Marie Canu, Francis Vergne traitent ensuite de la
subordination néolibérale de la formation, de la reconfiguration « de la
force de travail », du rôle des institutions européennes, de la
« Stratégie de Lisbonne »… Ici pas de politique du laisser faire, mais
bien une stratégie identifiable, pilotée par des institutions, un « processus de surveillance, de normalisation, de repérage des progrès accomplis ». La formation doit être subordonnée à l’économie des entreprises.
Les auteurs analysent les dimensions comportementales (« apprendre à se bien comporter »),
l’auto-évaluation des salarié-e-s, la responsabilité à entretenir leur
employabilité… (...) [Les auteurs] n’omettent pas de souligner les
contradictions et les résistances à ces nouvelles modalités de
formation. Ils indiquent que « le
potentiel de la formation professionnelle peut excéder dans son contenu
et sa finalité l’horizon des rapports sociaux existants ».
Un travail largement socialisé nécessite des collaborations et des
solidarités, bref un part importante d’initiative collective.
MyEurop résume les attaques dont est victime le salaire minimum de par l'Europe ici. Nous résumons.
La guerre contre les salaires est toujours menée au nom de l'emploi.
Cette guerre ne crée pas le moindre emploi (avec les salaires, ce sont
les carnets de commandes des entreprises qui se vident) mais dégonfle
par contre avec beaucoup d'efficacité les salaires.
En France,
Pascal Lamy et Pierre Gattaz, chef d'une petite officine patronale (le
Medef) évoquent l'idée d'emplois payés moins que le SMIC (pour les
jeunes pour Gattaz).
Cette
idée nauséeuse est évidemment à condamner avec la plus grande fermeté:
ce sont les salaires qui soutiennent l'économie, ce sont les salaires
sociaux qui doivent relancer une économie et servir de base à sa
démocratisation, indispensable au regard des enjeux écologiques. Il faut
libérer l'économie des propriétaires lucratifs et de l'avidité.
En Grèce, la déglingue du salaire, la guerre au salaire a déjà remporté des victoires significatives. Extrait
Le Smic a, en effet, été grignoté de 22% (passant de 751 à 586 euros
brut, soit 487 euros net), assorti d'une diminution complémentaire de
10% prévue pour les jeunes de moins de 25 ans).
En Allemagne où le SMIC sera d'application le premier janvier 2018, il sera obéré par de nombreuses exceptions. Extrait.
Ce texte prévoit une rémunération de 8,50€ brut de l’heure pour tous les secteurs d’activité et trois exceptions:
Les chômeurs de longue durée qui retrouvent un emploi pourront être
rémunérés en dessous de ce smic horaire durant les six premiers mois de
leur contrat.
Les mineurs pourront être rémunérés en dessous de cette barre
symbolique des 8,50€. Le but de la ministre du travail Andrea Nahles est
d’inciter les jeunes à poursuivre leurs études et leurs formations au
lieu d’entrer trop tôt sur le marché du travail.
Les stages de moins de 6 semaines échappent au Smic. En revanche,
passées 6 semaines, les étudiants et apprentis recevront les 8,50€ de
l’heure réglementaires
En Grande-Bretagne, le SMIC instauré par Tony Blair connaît lui aussi de nombreuses exceptions. Extrait.
Le salaire horaire minimum est actuellement de 3,72£ (4,39 euros) pour
les 16-17 ans, 5,03£ (5,93 euros) pour les 18-20 ans et 6,31£ (7,44
euros) pour les autres. Un jeune de moins de 18 ans peut donc être
rémunéré 41% de moins qu’un adulte de plus de 20 ans pour le même
emploi. Le taux pour les 16-17 ans a été mis en place en 2004: le
gouvernement s'est aperçu que de nombreux jeunes de cette classe d’âge
étaient exploités par leurs employeurs.
(...)
Une enquête
publiée un mois plus tôt sur les années 2008-2010 était pourtant
formelle: le salaire minimum des jeunes n’avait pas influé sur le nombre
d’emplois, mais plutôt sur les revenus: une hausse de 3% des taux
juniors avait entraîné une réduction d’environ 10% des heures
travaillées, ce qui s’était traduit par une perte d’environ 7% des
revenus.
En Espagne, les
patrons font eux aussi pression pour instaurer un SMIC jeune encore plus
misérable. Pourtant, ce pays, avec un chômage massif et un SMIC à 645€
constitue une preuve vivante de l'inanité de la guerre au salaire pour
diminuer le chômage. Dont acte.
Nous proposons exactement l'inverse: une guerre à l'emploi pour augmenter les salaires.
Les salaires sociaux
disparaissent au profit des dividendes au nom de la compétitivité
C.I. 80 €
Investissements 5 €
Dividendes 10 €
Sal. ind. 5 €
Voir (2)
Sous la pression du
chômage, les salaires individuels se réduisent fortement
C.I. 80 €
Investissements 5 €
Dividendes 12 €
S.I. 3 €
Voir (3)
La demande baisse, les
prix baissent sous la pression de la concurrence
C.I. 64 €
Inv, 4 €
Dividendes 4 €
S.I. 3 €
Fig. 1 Les salariés (hors emploi et dans l'emploi) créent le PIB, la valeur
ajoutée de leur salaire (et donc baisser ces salaires amène la crise, la
baisse du PIB)
Explication du dessin:
(1)
C'est la structure de la valeur ajoutée telle que nous l'avons connue.
Une partie part en profit (dividendes et investissement) et une partie
part en salaire (socialisés et directs).
(2)
Depuis quarante ans, les salaires socialisés et les impôts, les
salaires des fonctionnaires, sont régulièrement sapés, diminués,
marginalisés avec l'étonnante complicité des syndicats. Cette diminution
ne profite absolument pas aux salaires individuels, aux salaires
directs ni aux investissements: ce sont les dividendes qui ont augmenté.
(3)
La diminution des salaires socialisés a permis d'embaucher les nouveaux
travailleurs avec des conditions de travail dégradées, avec des
salaires directs amoindris. La diminution de la masse salariale globale
n'a pas profité aux investissements mais exclusivement aux dividendes, une fois encore.
(4)
Mais les entreprises sont soumises à une concurrence acharnée. Les
clients-travailleurs sont rincés puisque les salaires directs et
socialisés ont diminué. Les entreprises doivent donc réduire leur prix
si elles ne veulent pas disparaître. La baisse des prix diminue les
dividendes et, une fois que les prix sont baissés (disons d'un quart),
les consommations intermédiaires et les investissements sont eux aussi
diminués puisque les prix des marchandises achetées comme
investissements ou comme consommations intermédiaires ont baissé
globalement.
La baisse générale des prix est ce qu'on appelle une déflation.
C'est une catastrophe économique qui fait exploser le chômage et les
dettes (ça ne vous dit rien?). Le PIB, la somme de toutes les valeurs
ajoutées nationales, diminue. Les carnets de commande des entreprises
demeurent vides puisque les clients n'ont plus de salaire à dépenser.
Face à l'absence de commande, les entreprises vont licencier leur
personnel et accentuer les effets cycliques.
Peut-être connaissez-vous Le Vagabond des étoiles, un roman de Jack London dans lequel le héros, de plus en plus maltraité par ses geôliers s'évade dans l'espace, dans le temps et dans son imagination pour - aussi entravé soit-il - se créer un monde de liberté et y vivre?
Josh Eidelson dans Salon (ici, en anglais) nous parle d'un prisonnier parti en grève pour dénoncer les conditions de travail esclavagiste en cabane. Dans un article ici, nous vous avions déjà évoqué les conditions de travail dans les prisons françaises.
Le gréviste refuse de travailler ce week-end pour dénoncer le travail gratuit et espère faire tache d'huile. Il appelle les prisonniers à le suivre. Joint au téléphone par le journaliste, l'intéressé, Melvin Ray, explique les conditions de travail en Alabama en prison. Les prisonniers travaillent à la cuisine, à la blanchisserie, ils travaillent dans la chimie et font des plaques d'immatriculation, des meubles. Selon lui, le département de l'agriculture de l'Alabama a évoqué l'idée de remplacer les saisonniers dans l'agriculture par des prisonniers en 2011. En 2012, le sénat de l'état a passé une loi qui autorise le secteur privé à utiliser de la main-d’œuvre en prison. Des prisonniers ont déjà fait grève à St Clair, Holman et Elmore, trois prisons de l'état, plusieurs jours en janvier dernier. Selon Ray - en dépit d'une version officielle très édulcorée - l'essentiel des 1.300 prisonniers de St Clair et presque tous les 1.100 prisonniers de Holman avaient suivi la grève alors. Il a prédit que l'arrêt de travail de ce week-end devrait s'étendre et être plus important que celui de janvier. Il a également accusé la direction d'entraver le mouvement en en menaçant les leaders, en les envoyant au cachot. "C'est un enfer, c'est pour ça qu'ils ont créé ce truc: pour détruire les gens". Les grévistes veulent assurer un programme d'éducation et une vraie réhabilitation, en finir avec la surpopulation, avec la prison à vie sans liberté conditionnelle et "le système de travail libre". Il n'a même aucune prétention à la correction, c'est un empire esclavagiste. Le système pénitentiaire de l'Alabama est soumis à une enquête fédérale mais, selon le bouillant prisonnier, c'est aux prisonniers à conquérir les choses. Le mouvement de grève se veut non-violent - les antécédents de certains détenus excluent le recours à la violence dont ils veulent se défaire.
Si l'arrêt de travail dure une semaine, il peut rester confiné à une seule prison mais, s'il dure deux semaines, il peut s'étendre. Après trois semaines, il pourrait se généraliser. Le syndicat anarchiste [vers lequel vous pouvez trouver un lien dans nos copains] IWW soutient pleinement les grévistes et la plateforme avec lui.
Isidro Jiménez Gómez réfléchit le monde de la publicité et de ses fantasmes, publicité qui se sert de l'emploi comme argument de vente dans Diagonal (ici, en espagnol). Nous ne résistons pas au plaisir de traduire et résumer l'article. Cet article parle du discours publicitaire et c'est dans ce cadre qu'il explique l'évolution de l'emploi. Il ne s'agit pas d'une évolution en soi mais d'une évolution de la représentation du travail employée dans les discours publicitaires.
Extrait (traduction et résumé)
Jusqu'où êtes-vous prêts à aller pour avoir un boulot? (Photo extraite de l'article)
Avant que la crise de 2008 ne transforme l'emploi en luxe, en un imaginaire de cols blanc gris à cravate colorée dans leur cube de verre, la banque Barclays invitait ses employés en voyage à Rio comme récompense. L'employé de bureau voyait alors les heures supplémentaires comme du temps perdu, comme un châtiment divin genre Adam et Ève ou Charlie Chaplin dans Les Temps modernes où le loisir et le tourisme occupaient la place du jardin d'Éden.
La publicité propose une rébellion en édulcorée en kit pour les classes moyennes - genre 4x4. Le cadre qui fuit la ville cherche des contrées exotiques inconnues - et c'est pourquoi l'emploi est devenu l'objet de fantasme. Gillete propose le "travail de ta vie", un poste dans le département communication de la sélection espagnole de football pour le prochain Mondial. "Combiner le travail et la passion est une expérience inoubliable" précise-t-elle.
L'emploi acquière un nouveau statut pour les grandes entreprises, un nouveau pouvoir attractif, la professionnalisation du plaisir devient plus excitante que l'aventure du loisir - ce qu'ING a résumé par un concept "fan professionnel", en offrant 3000€ de salaire mensuel pour accompagner Fernando Alonso au championnat de F1. Les 33.000 candidats ont envoyé leur CV par vidéo sur YouTube.
L'annonceur affiche alors sa capacité à offrir un emploi attractif, comme s'il n'y avait pas d'autres prestations professionnelles. Il affirme sa responsabilité sociale coopérative, l'emploi acquière une nouvelle valeur et soigne la réputation sociale des grandes multinationales. La banque de Santander, après avoir licencié 3.441 employés, parraine sans complexe la section emploi du journal Expansión. Cependant, le BBVA coutumier des prépensions (plus de 2.300 depuis 2011), diffuse à grand fracas "Yo soy empleo" ["Moi, je suis emploi", Ndt, ça ne s'invente pas] pour aider les entreprises qui créent de l'emploi.
L'emploi-argument de vente s'explique avec un chômage à plus de 25% [en Espagne], dans ces conditions, ils n'ont pas besoin de "fan professionnels". Bien que les gérants de supermarché, les concessionnaires automobiles et les énormes boutiques de vêtements pour jeunes fassent valoir chaque semaine un catalogue impressionnant de promesses, ce n'est peut-être pas suffisant. Et si le travail espace d'insatisfaction méthodique devenait le nouvel espace de l'expérience de plaisir?
Nous avons le plaisir de vous présenter nos notes de lecture de
F. Ruffin, Pauvres actionnaires! Quarante ans de discours économique du FN passé au crible, Fakir Éditions, 2014.
Nous nous contenterons de relever les considérations du journaliste relatives à la position du parti quadragénaire relatives à l'emploi - ces notes de lecture n'ont nullement la prétention d'épuiser tous les sujets qu'aborde ce petit livre, très dense, dont nous recommandons vivement la lecture (6€, même en Belgique).
Le FN prône l'augmentation des bas salaires en les subsidiant par la TVA à l'importation - 200€ de subsides pour les salaires jusqu'à 1500€.
Cette mesure vise à
- diminuer les salaires réels.
Quand les salaires sont subventionnés, la partie non-subventionnée du salaire a tendance à baisser ... du même montant que celui de la subvention: les producteurs sont en concurrence et doivent admettre des baisses de salaire faute d'être envoyés au chômage. L'argent de la subvention va donc permettre aux patrons de diminuer les salaires d'autant (à niveau de vie inchangé pour les travailleurs). La différence va d'abord aller dans les dividendes de l'actionnaire avant de disparaître purement et simplement du PIB.
Ce n'est plus l'entreprise qui paie ses salaires (ou les cotisations sociales de ses employés) mais l'État, c'est-à-dire les contribuables, c'est-à-dire, essentiellement, les travailleurs eux-mêmes, les classes moyennes.
- mettre la question salariale au niveau de la redistribution et non de la distribution
La redistribution entérine le fait qu'il faut d'abord admettre la distribution primaire entre travailleurs et propriétaires, entre travail et capital pour venir (éventuellement) après arranger les choses. En l'occurrence, la redistribution se fait exclusivement au niveau du monde du travail sans que le capital soit le moins du monde inquiété. Cette manière de poser le problème évacue la question de la distribution entre le capital et le travail, elle évacue la problématique de la lutte de classe dans un irénisme béat (ou cynique).
Le FN veut promouvoir l'emploi en s'appuyant sur les PME et PMI. Il n'y pas une seule ligne concernant les actionnaires.
Il
s'inscrit à l'instar de la quasi totalité du corps politique dans la
perspective d'un esclavagisme, d'une minorité économique pour la
majorité, pour les travailleurs, dans l'emploi et hors emploi, au bénéfice des possédants. Le parti Le Pen ne remet en cause en aucune façon la légitimité de la propriété lucrative: les patrons restent des patrons et les actionnaires restent des actionnaires (pas même taxés).
Pour le FN, le patron embauche les travailleurs compétents et licencie quand il n'a plus besoin d'eux ou que leurs compétences ne conviennent plus. Dans le programme (Notre Projet) de 106 pages, on ne trouve nulle mention de l'intérim.
Ce pouvoir sur la qualification et sur la production économique demeure évident, indiscuté, pour le père comme pour la fille.
Le FN entend utiliser le protectionnisme pour préserver l'emploi français en France (pour les Français, etc.).
Il s'agit d'un parti qui prétend lutter pour l'emploi. Son protectionnisme revendiqué s'oppose aux libre-échangisme du père dans les années 80, quand Jean-Marie Le Pen se réclamait de Reagan. Ce protectionnisme coûteux pour les consommateurs et délicat pour les relations internationales serait unilatéral. Au nom de l'emploi, le FN n'hésiterait pas à mettre en péril les relations diplomatiques et le budget des ménages. Le parti Le Pen ne dit strictement rien sur
- les conditions de travail - l'importance des salaires dans l'économie - la précarité - l'insupportable aliénation qu'est l'exclusion du pouvoir économique de celles et ceux qui la crée - les stages bidons, les employeurs mauvais payeurs - les grèves, le droit de grève, la libertésyndicale, la liberté d'association - la propriété lucrative - la nécessaire propriété d'usage de l'outil de travail par les travailleurs.
Ce parti s'est opposé aux mouvements pour la défense des retraites, contre les (sous) emplois jeunes, etc. Du point de vue de l'émancipation des travailleurs, de la libération du travail et de l'abolition de la propriété lucrative, ce parti ne présente aucun intérêt.
Une petite vidéo en anglais (que nous vous avons traduite ci-dessous) ici nous explique ce que coûtent les bas salaires aux contribuables aux États-Unis. Elle illustre à merveille les aberrations de la politique de l'offre chère à Hollande.
Il s'agit de faire assumer les salaires (vus comme des coûts) par les contribuables, de rendre l'emploi pour ainsi dire gratuit, ce qui l'assimile à de l'esclavage.
Cette guerre au salaire est menée au nom de l'offre, de la réduction des prix. On constate ici, en l'occurrence, que la guerre au salaire et le misérabilisme, l'évergétismecaritatif dégoulinant qui l'accompagne permet de gagner 1,4% du prix pour le consommateur - une proportion ridicule qu'explique aisément le mode de formation des prix: la valeur ajoutée (salaire, investissement
et dividendes) n'est qu'une petite partie du prix surtout composé des
consommations intermédiaires, de l'achat des produits nécessaires à la
transformation.
L'idée de cette guerre au salaire est de rendre l'emploi gratuit et de le financer par l'impôt.
À l'extrême, s'il n'y a plus aucun salaire, on voit mal qui paiera
encore les impôts pour subventionner les revenus des
travailleurs-esclaves. Cette idéologie de réduction du salaire (au nom
de la concurrence) est la même que celle qui amène à réduire les prestations sociales, à exclure les chômeurs (qui ont un salaire) et à les envoyer vers la charité publique (financée par les contribuables).
Traduction (un peu télégraphique) des idées clés de la vidéo. Nous sommes passés à la ligne pour chaque changement d'image.
68 centimes = coût du paquet de chips
avec les salaires inférieurs au minimum vital, avec les bons
alimentaires payés par le contribuable.
Les bons alimentaires sont dus en
dessous d'un revenu de 20.449$ par an pour une famille de deux
personnes (une maman qui travaille à Walmart et une personne à
charge). Cela fait 15.730€ par an, soit 1310€ par mois.
En Ohio, 15 % des employés de
Walmart ont recours aux bons alimentaires selon des analystes, les caissières
gagnent en moyenne 8,81$ (6,80€) l'heure.
L'année dernière, les bons
alimentaires ont représenté 76 milliards de $ (58 milliards €) dont les employés de
Walmart ont dû utiliser 18 %, soit 13 milliards de $ (10 milliards €).
Pour prendre l'Ohio, les employés de
Walmart utilisent 300 millions de $ de bons alimentaires par an pour leurs courses
alimentaires, notamment chez … Walmart.
Une employée qui travaille chez
Walmart va recevoir des bons alimentaires et les dépenser chez
Walmart.
Pour amener cette mère célibataire
avec un enfant à charge au-dessus du seuil éligible pour les bons
alimentaires, en admettant qu'elle travaille 30 heures par semaine, 50 semaines par
an (un profil typique pour ce genre de métier), il faudrait que son
salaire horaire passe de 8,81$ à 13,63$ (10,50€) .
Si Walmart augmentait tous ses
employés, cela coûterait 4,8 milliards $ par an aux propriétaires
de l'enseigne. Si les clients devaient assumer cette augmentation,
les prix devraient augmenter de 1,4 %.
Le paquet de chips passerait de 68
centimes à 69 centimes pour épargner 300 millions $ des contribuables
américains chaque année.
Rachel Knaebel dans Basta (ici) sonde les pratiques esclavagistes des instituts de sondage.
Extrait.
Installés à Berlin, ils travaillent pour le plus grand institut de
sondage et d’études marketing français : Ipsos. Comme la plupart des
entreprises du secteur, Ipsos recourt en France à des vacations et à des
CDD d’usage très précaires. En Allemagne, l’institut de sondage a
encore trouvé plus « compétitif » : des enquêteurs sous statut
d’auto-entrepreneurs, rémunérés sur factures, sans cotisations
patronales à acquitter, et à des tarifs défiant toute concurrence. Une
précarité qui se délocalise et fait partie intégrante du business des
sondages. Y êtes-vous favorable, plutôt favorable ou pas du tout
favorable ?
C'est ce qu'on appelle de faux indépendants. Les cotisations sociales sont payées sur le salaire famélique du travailleur qui n'a aucune prise sur les conditions de travail, les horaires,
les relations à la clientèle ou les prestations fournies. Tous les
risques sont assumés par le travailleur - comme dans le contrat zéro heure - et il n'y a pas salaire socialisé sans
que le salaire individuel ne soit augmenté. Ceci correspond à une
ponction d'un tiers du salaire individuel, au moins, et à une
dégradation de la qualité des prestations sociales.
Au niveau macro-économique, cette ponction salariale grève la productivité et crée une crise de la demande, une crise de surproduction - la dérégulation de la finance et du travail renforce les tendances cycliques.
Dans un magnifique article du blogue de Rue89 ici, Rural Rules, Fabien Granier partage un moment autour du feu. On y parle travail et emploi.
Extrait
Mon voisin, sans doute le plus drôle et le plus virulent de l’équipe,
me raconte sa vie. Je l’imaginais éleveur : il était boulanger. Un
métier de chien, boulanger, qu’il me dit. Mais qu’il a pris à bras le
corps, vingt ans durant. Vingt ans d’un dévouement laborieux. Obstiné. Puis voilà qu’un matin, tout change. Brutalement. Il se réveille :
impossible de se rendre au labo. Son corps ne le porte plus. Son cœur
est dans une pierre de meule. Son souffle est mort. Il panique à l’idée
même d’approcher la farine, le pétrin le rend fou de peur. Il pleure
sans raison. Sa femme le retrouve prostré au pied du lit. Il ne se
redresse pas. Et ça dure. Ça dure. Il met des mois à comprendre ce qui lui arrive : la dépression. Ce mot terrible qui ne s’applique qu’aux autres. Pendant dix ans, il n’en sort pas. C’est un cercle implacable. Le sol
se dérobe inexorablement sous ses pieds. Plus il se démène, plus il
s’enfonce. Il ne prend plus de décisions. Ne s’engage plus. Ne travaille
plus. Ne fait plus rien. Sa femme le supplie de vendre le fond pendant qu’il est encore temps.
Il s’y refuse. Sa boulangerie, c’est sa planche de salut. Il reviendra
au fournil. Il reviendra. Il le sait. Alors il attend, surmédicamenté.
Et elle attend, désespérée
La vie foutue d’un autre
Un jour, il flotte sans passion dans l’énième piscine d’un énième
centre de repos. Il est là, à se sentir con, à ressasser sa peur et ses
idées, quand il voit un homme dans un brancard se faire guider vers
l’eau par l’infirmier. Plus de mains, plus de pieds, plus de lèvres : le
pauvre bougre a le corps entièrement brûlé. C’est un tremblement de terre. Le cycle est cassé : d’un seul coup,
il se voit par en-dessus, encore jeune et en bonne santé, à flotter
mollement dans un piscine médicale. Le boulanger saute hors de l’eau.
S’habille en vitesse. Fait son paquet et s’enfuit de la cure. En un mois, il est guéri. Et depuis ce jour là, quand il sent pointer
la rechute, ce qui le sauve, c’est l’image de cet homme dévoré par les
flammes. La vie foutue d’un autre. Son salut. Il retourne dans sa boulangerie, les compteurs au maximum. Prêt à en
découdre à nouveau. Mais en dix ans, l’invraisemblable inflation
normative a fait son œuvre. Il apprend que plus rien ne va : ses
farines, ses fournisseurs, son équipement, ses techniques. Tout a
changé. « Voilà ce qu’est la vie. » Il ne se démonte pas. Casse la tirelire. Vend. Emprunte. Investit.
S’équipe de neuf... Pour s’apercevoir dès les premières heures de la
reprise que son corps n’accepte plus la farine.
On travaille en ville, maintenant. En ville
Il se couvre d’eczéma. Des pieds à la tête. Des plaques rouges et
purulentes. Il fait des analyses, et les médecins déclenchent une
guillotine : c’est une allergie sans appel. Le métier qui te refuse,
boulanger. Tout s’effondre. Tout s’abat. Il n’a pas d’autre choix que tout abandonner. Il a cinquante ans. Il
ne sait rien faire d’autre. Toutes les économies de son existence, il
les a diluées dans la fabrication du pain des autres. « Et voilà ce
qu’est la vie. » Il aurait pu retourner dans son cycle de peur. Mais l’homme brûlé est
là, qui veille. Quelques jours à peine après le verdict des médecins,
il se résout à vendre. On est en 2009 : la crise est passée par là et
son fond ne vaut plus un quignon. Bien sûr, il vient de tout refaire à neuf, mais personne ne veut
d’une boulangerie. On travaille en ville, maintenant. En ville. C’est
pas nouveau, mais ça a empiré. Plus personne ne veut d’un commerce dans
son coin de vallée, où les pierres de taille remplacent les tuiles. Il redit : « Voilà ce qu’est la vie. » Son commerce, il a fini par le
vendre à un Hollandais de passage. Deux fois moins cher que ce qu’il
l’avait acheté trente ans plus tôt. Il a bien tenté de remonter des
affaires par la suite, mais quel banquier prêterait de l’argent à un
semi-vieillard capable de perdre autant ? Pas de chômage. Pas de revenus. Il refuse le RSA. Sa femme,
heureusement, a trouvé un boulot de caissière dans un Vival à coté.
Naïvement, je lui demande de quoi il vit. Il éclate de rire :
« Qu’est-ce que tu crois que je fous ici ? »
Il fait du bois. Il roule de la paille. Il cure des étables. Il rend
des services. Tout ça au black, bien sûr. Voilà de quoi il vit. « Voilà
ce qu’est la vie. » Je sens à ses yeux secs qu’il pense au gars qui brûle.
Nous vous traduisons et résumons un article de Jana Kasperkevic paru dans The Guardian (ici, en anglais). Les photos sont extraites de cet article.
Quatre jeunes précaires états-uniens nous partagent leur expérience professionnelle dans des jobs sous-payés. Cet article est un peu long mais il a le mérite d'entrer dans le concret des boulots les plus merdiques, les moins bien payés, ces boulots qui peuplent nos restaurants fast-food ou nos centres commerciaux, ces boulots vous les croisez tous les jours - même si vous êtes fonctionnaires.
Ces témoignages sont per se une charge impitoyable contre l'emploi et un plaidoyer pour le salaire. Ils montrent que ces boulots déconsidérés sont aussi charpentés par la qualification.
Quant on sait la pression subie par les employés aux États-Unis, la situation décrite dans l'article révèle une souffrance au travail indicible. Nous nous surprenons à rêver que ce pays, si prompt à parler de liberté, si prompt à valoriser le travail bien fait, le travail en main,se prenne en main en se débarrassant des propriétaires lucratifs et des employeurs, en affranchissant l'activité de l'emploi.
L'économie de bouts de ficelle est celle qui prévaut depuis maintenant plus de cinq ans. Les boulots bien payés, à plein temps se font rares.
Un dixième des chômeurs américains de longue durée font face à l'emploi intermittent - une semaine, ils ont du travail, une autre ils n'en ont plus. 14% d'entre eux se contentent d'emplois stables à temps partiel.
La seule alternative, c'est de se retirer complètement de l'emploi. Il y a actuellement 3,8 millions d'Américains qui n'ont pas eu d'emploi depuis plus de six mois. 40% d'entre eux environ ont entre 16 et 34 ans. Beaucoup d'entre eux ont leur bac et acceptent cependant des boulots mal payés pour avoir des revenus réguliers. Plus de 18% d'entre eux sont sous-employés et ils sont pourtant fiers du travail qu'ils font ou qu'ils ont fait dans de tels emploi.
Beaucoup de ces jobs sont payés au salaire minimum, souvent moins de trente heures par semaines et exigent beaucoup de travail manuel subalterne. Ils sont l'un des rares choix qui se présentent à celles et ceux qui cherchent du travail. Tout le monde n'est pas capable d'éplucher les offres d'emploi dans le commerce de détail ou dans l'industrie des services. Quatre témoignages.
Caroline Albanese, 23 ans, Long Island, New York
More than just hot air. Photograph: Jezper/Alamy
Au début, la plupart des employés ici à Party City étaient des étudiants qui avaient besoin d'argent de poche pour leur voiture. En 2007, au début, il n'y avait que peu d'employées depuis longtemps, l'une d'elles travaillait de 6h à 16h et allait chercher ses enfants à l'école. Cela payait son loyer. Le manager était plus âgé aussi.Au fur et à mesure que je suis restée là, les employés sont devenus de plus en plus âgés. Comme je sortais de l'école à deux heures, je restais ici de trois heures à neuf heures. Je faisais cela presque tous les jours. Dès que j'ai eu une voiture, j'ai commencé à travailler les week-ends et j'ai commencé à venir plus tôt puisque je ne devais plus me tracasser d'être ramenée. Quand vous êtes au lycée, on ne vous donne pas des tâches aussi difficiles que quand vous êtes plus vieux. Ils mettent plus les filles de 16 ans aux caisses parce qu'ils savent que si vous aviez le choix, vous partiriez en moins de deux mois. Ils ne vont donc pas vous secouer ou vous donner des responsabilités. En deuxième, à l'université, j'avais besoin de plus d'argent parce que je payais mes frais de scolarité, j'ai donc demandé d'avoir un emploi de superviseur. On me laissa alors le choix entre un boulot à plein-temps (et l'école à temps partiel) avec un paie plus élevée - et ce n'était pas vraiment un horaire de temps plein. C'était juste que je serais payée davantage et aurais plus de responsabilités et qu'ils m'appelleraient si quelqu'un devait manquer pour que je le remplace. Je n'aurais pas pu le faire parce que je n'aurais pas pu suivre à l'université, je n'aurais plus pu étudier. Je devais trouver une autre façon d'y arriver: au lieu d'avoir plus d'heures en semaine, je travaillerais plus le week-end et un jour par semaine, quand je n'avais pas classe ou quand j'avais classe le soir. Je travaillais quelque 30 heures par semaine sur trois jours. J'étais alors au comptoir des ballons. 90% de leur commerce est autour des ballons et de tout ce qui est saisonnier. Je me levais alors généralement vers 4 heure du matin, quittais ma maison à 5, arrivais là à 5 heures et demi, avant qu'ils n'ouvrent. J'attendais que le manager nous ouvre les portes et allais directement au comptoir. Je recevais alors les commandes de ballon du jour - jusqu'à un certain point puisque les ballons se dégonflent. Il y en avait des dizaines que je devais gonfler jusqu'à 8 ou 9 heures, je devais les attacher ensemble et en vérifier l'agencement une fois que les commandes avaient été remplies. Une fois que le magasin était ouvert, je devais continuer à remplir les commandes pour le reste de la journée tout en courant partout dans les allées pour descendre les stocks pour le reste de la semaine. On avait des oreillettes avec lesquelles ils m'appelaient si j'étais au comptoir à ballons et qu'ils avaient besoin de moi dans l'allée. Les clients étaient horribles. On dit que c'est parce que le magasin est situé dans la partie riche de Long Island que les clients sont très chics. Je pense que c'est comme cela qu'on voit l'industrie du service: que l'on attend d'elle qu'elle fasse tout pour vous. À la fin, j'étais tellement fatiguée. C'était un travail subalterne. Les magasins étaient jonchés de paillettes, de confettis. Les enfants aimaient toucher des choses qu'ils n'auraient pas dû toucher. Il fallait balayer beaucoup. Souvent, ce n'était pas dur mais c'était épuisant parce qu'on était debout, à attacher des ballons, à monter et descendre des échelles, à gérer des clients difficile tout en s'assurant que le magasin reste propre et en se débrouillant avec la gestion de l'espace de travail. Il fallait obéir aux managers, y compris à ceux qui ne vous aimaient pas. Il y a beaucoup d'endroits avec des pointeuses pour entrer et sortir comme tout le monde savait quand vous arriviez et quand vous partiez. Les gens qui sont là quand vous travaillez font une coupure pour gagner l'argent dont ils ont besoin. Quand je suis partie parce que j'avais trouvé un emploi ailleurs, les gens étaient heureux, non par jalousie mais parce qu'ils étaient soulagés que j'aie pu m'en aller.
Ng Ju San, 25 ans, Chinatown, New York, NY
Mon premier emploi aux États-Unis, c'était au Macdo. J'avais alors 19 ans et c'était le seul job que je pouvais décrocher puisque je venais juste d'arriver aux USA de Malaisie. Je ne pense pas que j'aurais pu avoir un autre boulot. J'ai donc étonnamment décroché ce job Macdo.
While working at McDonald's isn't exactly fun, it's not all bad either. Photograph: Graeme RobertsonÀ ce moment-là, je crois que mon anglais n'était pas assez fluide pour être caissière. Le manager m'a donc placée dans l'équipe restaurant. Je devais y préparer les frites, retourner les burgers et m'occuper de l'arrière-cuisine. Je ne parlais jamais aux clients. Il n'y a eu littéralement aucune formation. Le premier jour de travail, votre entraînement, c'est de faire tout ce que fait le gars à côté de vous. S'il retourne le burger, vous retournez le burger. Vous apprenez en faisant, c'est votre formation.
Ma première semaine là, j'ai travaillé cinq jours, par périodes de huit heures. Vous restez debout et bougez. Je devais nettoyer. Je devais passer la serpillière au sol et nettoyer, notamment, la friteuse, la dégraisser. Cette friteuse, c'est une énorme machine en plastique dans laquelle vous jetez vous frites. À la fin de la journée, il faut la dégraisser entièrement, jeter l'huile. Il faut l'essuyer jusqu'à effacer les taches d'huile dessus. C'est une des tâches les plus pénible. Je travaillais le matin de 7h à 15h au Macdo. Je travaillais après de 18h à minuit, dans un restaurant chinois comme serveuse. Je ne pouvais pas aller à l'école car j'avais raté le délai d'automne et il n'y avait rien à faire à part travailler pendant les six premiers mois.
Je suis restée six mois au Macdo avant de commencer à travailler, à 20 ans, au Starbucks. C'était terrible. Il n'y avait aucun Américain d'origine. Beaucoup de travailleurs étaient Porto-ricains, Nicaraguayen ou Dominicains. C'était une bonne expérience d'apprentissage pour moi. J'étais la seule Asiatique, mais je ne me sentais pas étrangère. C'était un bon endroit pour m'habituer à l'environnement de New-York.
Not so bad. Photograph: Stephen Chernin/Getty ImagesLes travailleurs là avaient à peu près mon âge ou un tout petit peu plus. Ce que j'aimais chez Macdo, c'est les gens avec qui je travaillais: je me sentais chez moi. Notamment parce que nous partagions le même passif: les États-Unis ne sont pas leur pays d'origine, ils sont venus ici comme immigrés. L'anglais n'est pas leur langue maternelle. Ils comprennent mes difficultés à communiquer.
Le manager passait son temps à regarder le système "point of sales" (POS), un logiciel pour restaurant qui permet de contrôler que personne n'ait trop d'heures pour ne pas devoir les payer trop. Parfois, il y avait trop de clients, mais le POS faisait remarquer au manager 'Eh, vous payez trop en salaire'. Il disait alors: 'Oh, vous devez rentrer chez vous'. Même lorsque tout le monde travaillait au maximum parce que les commandes rentraient. Il vous renvoyait tout de même parce que l'algorithme lui disait qu'il avait trop de frais et qu'il fallait qu'il coupe jusqu'à ce qu'il n'améliore les profits. Ceux qui restaient se retrouvaient avec encore plus de commandes mais moins de collègues pour travailler.
À Starbucks, c'est moins agité. C'est plus froid, plus calme. Très différent de Macdo. La clientèle est meilleure, c'est différent. L'environnement est différent. Il n'y a pas cet environnement moite, huileux, gras qu'on associe à Macdo. À Starbucks, je travaillais de 25 à 30 heures semaine et allais à l'école à temps plein. Je travaillais systématiquement pendant les week-ends et les vacances. Dans ce secteur, quand tout le monde est en vacances, vous ne l'êtes pas, vous devez travailler. Après ces deux boulots, j'ai eu un emploi de réceptionniste juridique dans une association sans but lucratif au centre ville. Au Macdo, je gagnais 7,25 $ l'heure (5,6€). À Starbucks, je gagnais un peu plus de 8$ (6,2€). Il fallait travailler très dur dans les endroits. C'était un travail manuel, alors que, dans le travail de réceptionniste et comme traductrice, je gagne 15$ (11,5€) l'heure juste pour être assise et ne rien faire.
Jessica Flores, 24 ans, Queens, New York
Je travaille dans un supermarché, Waldbaums. C'est une épicerie. J'étais caissière mais, maintenant, je suis un volant. Je suis un superviseur en fait. Je fais un peu de travail de bureau. Je m'assure que tout l'argent des registres soit correct, je vérifie la monnaie. Je nettoie le magasin. Si un caissier a un problème, ils doivent m'appeler pour que je puisse régler les choses avant qu'un manager soit impliqué.
Cashier wanted. Photograph: Mark Lennihan/AP PhotoCela fait plus de six ans que je travaille ici. J'ai commencé en Octobre 2007. C'était mon premier job, en fait. Je suis encore à l'école. Le magasin est juste au coin de la rue où je vis. C'est un emploi syndiqué, ce n'est donc pas si mal et il me reste du temps libre pour me concentrer sur les cours.
J'ai toujours travaillé à temps partiel. L'entreprise, outre les managers, n'engagerait aucun emploi à plein temps maintenant. Ils avaient quelques temps plein mais ils sont partis à la retraite. Et depuis que l'Obamacare a fait son apparition, même si vous le voulez, personne ne peut être à plein temps. Mon entreprise n'est pas si bonne. Ils diminuent sans arrêt le nombre d'heures de travail. À un moment, je faisais 35 heures par semaine. Maintenant, j'en fais 27. C'est le maximum qu'ils vous donnent pour une semaine. Mon horaire change toutes les semaines - toujours entre 20 et 27 heures.
En ce moment, je suis des cours en ligne et j'essaie d'obtenir une licence de vétérinaire. Outre ce job, je travaille dans deux cliniques. J'essaie d'en obtenir un autre. Si tout marche bien pour moi, je pourrai alors quitter ce boulot. Les employés sont mélangés ici. La plupart des gens du matin sont des travailleurs plus âgés qui travaillent pour l'entreprise depuis 20 ans. C'est leur principale source de revenu. À partir de 15h, ce sont surtout des jeunes qui sont à la fac, de 22 ou 23 ans. À Waldbaums, tout le monde commence avec le salaire minimum. Chaque année, vous avez une petite augmentation. Comme volant, je n'ai pas vraiment été augmenté. C'était un contrat syndical - notre syndicat n'est pas très bon - avec la compagnie qu'il n'y aurait pas d'augmentation avec un an, pas d'augmentation pour qui que ce soit. Je fais la même chose que ce que je faisais avant.
James Lanning, 23 ans, Brooklyn, New York
Je travaille à The Bean, un salon de café à New-York. D'habitude, je travaille de 15h à 1h du matin. Je suis chef d'équipe. Il y d'habitude trois personnes par équipe tout le temps. Je doit m'assurer que tout soit fait dans le magasin. Je dois contrôler les gens autour. En fait, je dois m'assurer du boulot et suis responsable de tout ce qui doit être fait.
Votre barman pourrait avoir un master. Photograph: Andrew Bret Wallis/Getty Images J'ai commencé comme barman une semaine avant Noël. Je n'ai travaillé que quelques mois ici. Après un mois et demi au travail, j'ai eu une promotion. Mon boulot, c'est préparer des boissons, m'assurer que le magasin soit propre, vérifier les poubelles, nettoyer le comptoir - typiquement le genre de chose que vous faites dans n'importe quel job d'industrie de service dans lesquels vous devez être à l'aise pour nettoyer la vaisselle ... et pour les poubelles, ce qui est universel. J'ai été diplômé à l'université de New-York en 2012. Un master en journalisme et études africaines, mais je n'ai jamais poursuivi. J'ai déménagé pour six mois à Silver Spring (Maryland). C'est à près de 20 km au nord de Washington DC. J'ai eu un job comparable à celui que j'ai ici dans une pizzeria. J'ai travaillé comme caissier et je m'occupais des commandes. J'ai alors emménagé ici. Et, une fois que je suis revenu, je suis retourné à Brooklyn, je suis devenu barman. J'ai rebondi dans ce genre de travail d'industrie des services depuis que je suis diplômé. Au The Bean, j'ai commencé à 6,9€ de l'heure. Tout le monde commence là. Maintenant, je gagne 7,7€. Je travaille au moins 40 heures par semaine et mes heures supplémentaires sont payées. Ils sont très complaisant pour les horaires, très compréhensifs. Il y a beaucoup de rotation (turnover), comme dans les salons de café ou les restaurants mais il y a toujours de 12 à 15 employés à tout le temps de telle sorte que les gens ne doivent pas faire des heures supplémentaires s'ils ne le souhaitent pas. Il y a des gens de tous horizons - la majorité sont dans l'enseignement supérieur ou sont diplômés. Quelques personnes sont plus âgées, elles étudient l'art ou la musique. C'est en quelque sorte pourquoi je travaille ici en ce moment. Il n'y a que deux personnes qui ont plus de 26 ans. J'ai beaucoup de prêts étudiants. J'en ai pour un moment à les rembourser. La partie la plus difficile de ce genre de boulot, c'est les gens - pas les gens avec qui vous travaillez mais les managers et les propriétaires. À The Bean particulièrement, ils sont étonnants et compréhensifs. Dès que vous avez besoin de repos, ils vous disent de simplement leur faire savoir. Avec les clients, il y en a toujours un ou deux ... Je comprends les gens qui ont eu une mauvaise journée.
Souvent les gens disent 'Oh, ne vous inquiétez pas. Vous allez trouver un vrai travail bientôt'. Surtout quand vous avez un master, que vous avez été dans l'enseignement supérieur. En fait, c'est assez humiliant comme chose à entendre, pour être franc, puisque je ne vois pas le problème à être barman ou quoi que ce soit. Tant que vous travaillez, tant que subvenez aux besoins de votre famille, je pense qu'il n'y a pas de raison d'en être honteux.