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Chers concitoyens électeurs du PTB (de la LO, de la LCR, de la NPA, de Vega),
Vous rêvez d'un monde meilleur. Un monde où tout le monde aurait sa place, où les services publics seraient de très bonne qualité, où les plus pauvres jouiraient de tous leurs droits, où l'État redistribuerait les ressources, un monde où l'écologie ne serait plus un vœu pieux ou un argument publicitaire ...
Nous partageons votre aspiration à la justice, à un monde où tout le monde serait bienvenu, où l'humain serait au centre des préoccupations.
Cette aspiration à la justice, à l'égalité voire à la fraternité fait de vous une des forces les plus précieuses, les plus prometteuses de notre société. Vous faites partie de l'énergie qui emmène le corps social vers des jours meilleurs, loin de la barbarie.
Comme nous, vous avez parfois lu des économistes critiques, certains d'entre vous ont même lu Marx ou Luxemburg.
Vous participez à des luttes, à des actions politiques, à des rencontres qui vous remplissent de bonheur. Elles se terminent toujours trop tôt et ... vous retournez à une vie dont la grisaille peut vous peser à l'occasion.
Ce que nous avons à vous dire - et nous le faisons avec tout le respect que votre engagement force, avec toute la proximité entre vos idéaux et les nôtres - c'est qu'il est possible que le quotidien soit aussi vibrant que les fêtes ou les actions politiques qui ponctuent votre parcours, qu'il est possible que la liberté et l'égalité aillent de pair.
Marx pensait que le travail sous le capitalisme - ce que aujourd'hui on nomme l'emploi - était une aliénation, une abjection. Il avait démontré - et avec quel talent, avec quelle fougue - que le travail capitaliste ne servait que les intérêts des propriétaires, qu'il minait les enfants, qu'il détruisait la santé de peuples entiers et qu'il dégradait les conditions de vie.L'innovation amène périodiquement une augmentation de la productivité. Cette augmentation qui pourrait être libératoire pour les producteurs les rend - nous rend - au contraire encore plus pauvres parce qu'ils s'opposent les uns contre les autres par le truchement de la concurrence.
La technique n'a jamais émancipé le prolétariat, l'ensemble de celles et ceux qui doivent vendre leur force de travail pour subsister.
Par contre, une autre pratique de la valeur peut libérer du joug capitaliste. Il est possible - et la chose existe - de travailler librement, de prendre ensemble les décisions de producteurs et de libérer le temps du travail de l'emprise de la plus-value, de la productivité. Comment? Tant que le salaire demeure dans les mains du propriétaire lucratif, tant que la qualification est liée à un poste, c'est le propriétaire, le bourgeois, qui décide qui produit de la valeur, combien il attribue aux producteurs, ce qui sera produit, comment, par quel mode d'organisation et avec quel encadrement simplement parce qu'il est propriétaire lucratif, parce que son titre de propriété lui donne le droit de s'accaparer le fruit de notre travail, le fruit concret - ce que nous faisons - mais aussi les richesses abstraites, économiques que nos salaires produisent.
Mais vous savez - nous savons - que cette propriété, sa richesse, les propriétaires la tiennent de notre travail à nous, producteurs. N'opposons pas une propriété lucrative privée à une propriété lucrative d'État, nous n'aurions que changé les uniformes de ceux qui nous maintiennent étrangers à notre vie, opposons plutôt la propriété d'usage à la propriété lucrative, la qualification des personnes à la qualification des postes. Libérons le travail, libérons-nous des investisseurs dont nous n'avons nul besoin.
Vous voulez taxer les investisseurs?
Je vous propose de récupérer ce qui est à nous, producteurs, je vous propose un salaire sans lien avec l'emploi - comme celui que touchent les chômeurs, les vacanciers ou les retraités.Vous voulez taxer les profits?
Je vous propose de socialiser les moyens de production non en remplaçant les patrons privés par des patrons publics mais en remplaçant la propriété lucrative des actionnaires par la propriété d'usage des travailleurs.
Cessons de réclamer les chaînes de l'emploi, cessons surtout de réclamer des chaînes de l'emploi un peu plus longues, un peu moins serrées. Reprenons nos usines, nos bureaux, nos trains, nos écoles, nos entreprises. Nous savons que l'argent ne crée rien et que ce sont les travailleurs qui créent. Nous, travailleurs, nous créons la valeur économique par nos salaires - en étant parasités par la rente du capital - nous, travailleurs, nous créons la richesse par notre travail concret.
En définissant le travailleur de la sorte, nous retrouvons le prolétariat cher à Marx, un prolétariat qui intègre de plein droit les chômeurs, les précaires, les fonctionnaires, les retraités, les vacanciers, les marginaux ... Ce prolétariat redéfini de la sorte ouvre des perspectives politiques susceptibles d'incarner aussi bien vos idéaux, votre envie d'intégration sociale, de faire société que la justice la plus élémentaire ou l'envie de révolution, de changement radical.Ne demandez jamais d'emploi au nom de Marx: l'exploitation de l'homme par l'homme lui répugnait profondément. Prenez plutôt les clés de l'usine.
Ne regardez jamais les chômeurs ou les retraités comme des coûts au nom de Marx: voyez plutôt ces producteurs créer de la valeur économique sans employeur, voyez-les comme une promesse de société possible, de société de la propriété d'usage, de la dignité du travail concret, de la liberté.
Ne demandez jamais la charité ou la solidarité au nom de Marx: reprenons ce qui nous appartient à nous, les prolétaires, les producteurs de valeur économique, en emploi ou hors emploi. N'implorons pas la pitié, établissons la justice.
Les nombreux exclus qui partagent vos idéaux, vos convictions ou votre culture marxiste, les nombreuses personnes fatiguées des compromissions syndicales, les nombreux épris de justice et de liberté vous en sauront gré.
Unissons-nous contre l'emploi, pour le salaire et la socialisation des moyens de production. Cessons de nous battre pour enrichir un patron: nos vies valent infiniment mieux que cela - mais, ça, vous le saviez déjà.