Nous nous associons pleinement à cette dénonciation de l'austérité et à la valorisation d'activités non capitalistes. Néanmoins, nous nous permettons
- de suggérer l'extension de la fonction publique, des salaires à la qualification personnelle à l'ensemble du secteur (et aux autres secteurs, d'ailleurs), ce qui permettra aux intéressés de se consacrer pleinement à leurs activités utiles et non à des demandes chronophages de subventions aléatoires
- de répéter que la création de toute valeur économique n'est pas liée à l'emploi mais aux salaires (le travail concret crée les biens et les services concrets): il faut développer les salaires, les déconnecter de l'abominable logique de l'emploi.
Voici la lettre (obligeamment relayée par Reporterre, ici)
Le premier ministre a annoncé mercredi 16 avril la réduction des dépenses publiques de cinquante milliards d’euros en trois ans et de onze milliards de la dotation de l’État aux collectivités d’ici 2017 (soit trois milliards par an).
Ces décisions auraient pour conséquence, si elles sont appliquées, la disparition de très nombreuses associations et de dizaines de milliers d’emplois associatifs. La diminution du montant des dotations publiques constitue en effet la principale variable d’ajustement laissée aux collectivités territoriales pour compenser la perte de leurs ressources tout en maintenant les crédits destinés à exercer leurs compétences obligatoires.
Ce gouvernement, comme les précédents, semble ignorer que les richesses produites par la très grande majorité les 1 300 000 associations sont constituées avant tout de développement humain, de démocratie et de participation à la vie de la cité, de renforcement du lien social et d’épanouissement des personnes.
Paradoxalement, cette annonce tombe au moment même où le premier ministre affirme qu’il a besoin des associations pour gagner la bataille de l’emploi et reconstruire l’espérance, notamment dans les quartiers et les territoires ruraux ou périurbains où le désarroi gagne chaque jour du terrain.
Les ruptures de financements publics ont des conséquences extrêmement graves pour les associations : un recul général de leurs capacités d’agir, y compris pour celles dont l’action ne repose que sur l’engagement bénévole, une forte dégradation des conditions de travail, tant pour les salariés que les bénévoles, la destruction de dizaines de milliers d’emplois qualifiés, porteurs d’expérience et de savoir faire associatifs, leur remplacement partiel par des emplois précaires et sous qualifiés, souvent en substitution de services publics territoriaux détruits par ailleurs.
En particulier la signature de milliers de contrat temporaires dit « emplois d’avenir », destinés à des jeunes peu qualifiés, ne saurait masquer durablement la réalité de ce plan social déguisé.
Les associations petites et moyennes sont les plus frappées par ces mesures et par la multiplication des appels d’offres. À cette approche comptable s’ajoutent toutes les conséquences humaines et les souffrances que cela entraîne par la destruction progressive des liens sociaux.
La réduction aveugle des subventions est un non-sens, car la suppression des actions de prévention et de lien social génère des coûts bien supérieurs de maladie, de sécurité, d’action de réparation, etc….
Le coût des cotisations sociales perdues et des prestations de chômage induites par les licenciements est supérieur au montant des subventions supprimées.
Uniquement préoccupés par leurs effets d’annonce et une vision court-termiste, les pouvoirs publics ne semblent plus s’intéresser à la globalité des choses. Leur seul objectif : appliquer l’idéologie de ce capitalisme libéral dominateur en France, dans l’Union Européenne et dans le monde.
Face à ces décisions inacceptables, nous appelons les associations, en lien avec les collectivités et tous les acteurs qui partagent les mêmes valeurs d’égalité, de liberté, de fraternité et de démocratie, à se mobiliser par tous les moyens, avec leurs bénévoles, leurs salariés, leurs adhérents et usagers, pour résister à leur asphyxie et à la dégradation continue de nos conditions de vie ensemble.
Nous demandons la mise en œuvre de politiques publiques concertées prenant en compte tout le tissu associatif et pas seulement quelques milliers de grosses associations, la restauration de relations avec les acteurs publics fondées sur le partenariat et non sur la commercialisation de prestations, le retour à des financements publics stables et garantis aux associations qui contribuent à l’intérêt général et au bien commun. « La reconduction à l’identique de la circulaire Fillon du 18 janvier 2010, qui tend à réduire les associations à un simple acteur économique, constituerait en l’occurrence une atteinte de plus à la vie associative » déclare Didier Minot, porte-parole du CAC, ajoutant qu’une mobilisation spécifique sur ce dossier était lancée.
Les associations citoyennes refusent le désastre social qui attend la France au bout de cette course à l’austérité (aggravant les déficits publics), expérimenté dans d’autres pays européens comme le Portugal, l’Irlande ou la Grèce, et dans plus de quatre-vingt pays depuis trente ans. Rester silencieux aujourd’hui à ce sujet, c’est faire courir un risque majeur à notre pays à brève échéance.