S'organiser

En Belgique, au nom de la paix communautaire, on nous a vendu un gouvernement de coalition, une alliance hétéroclite de partis politiques censée apporter la paix communautaire.

On a surtout constaté que les accords gouvernementaux cassaient les acquis sociaux. Les allocations de chômage étaient réduites substantiellement; les chômeurs 'd'attente' (maintenant 'd'insertion') se voyaient exclus quand ils sont cohabitants ou quand ils n'ont pas suffisamment travaillé dans les trois années précédentes.



Ces mesures mettent fin de facto au droit aux allocations de chômage sans limite dans le temps en Belgique. Elles précipitent des dizaines (à terme, des centaines) de milliers de ménages dans la misère au moment où le marché de l'emploi se contracte.

Les exclus du chômage se retrouveront au CPAS (équivalent du RMI). Cette mesure concerne tout le monde puisque le chômage est payé par le partage de la valeur ajoutée alors que le CPAS est payé par les impôts. Ce que la valeur ajoutée des entreprises payait va être financé par les impôts acquittés essentiellement par ceux qui paient des impôts, les classes moyennes. La partie de la valeur ajoutée qui allait en salaires socialisés, en chômage va évidement aller aux profits, aux dividendes.



Pour résumer, les contribuables vont devoir payer pour dédouaner les entreprises de leurs responsabilités (ce sont elles qui organisent le chômage) et les chômeurs vont sombrer dans la misère. Plongeant dans la misère, ils vont devoir accepter n'importe quel emploi, mal payé, au noir, dangereux, dans des conditions épouvantable sous la pression du besoin.

Ces armées de miséreux vont vendre leur force de travail à un prix sacrifié, ce qui poussera les salaires et les exigences des travailleurs à la baisse. Tout ceci va favoriser les propriétaires et va enfoncer le pays dans la crise continentale puisque les futurs-ex allocataires vont consommer moins, ils vont moins faire tourner la machine productive, ce qui va augmenter le chômage, etc.

La réaction logique de la part des intéressés qui vont commencer à se faire exclure du chômage en janvier 2014, c'est de chercher un emploi à tout prix. Rien de damnable: les producteurs sont contraints de céder au chantage de la misère. Néanmoins, si une partie d'entre eux s'organisait, elle pourrait bénéficier d'une force de frappe assez considérable. Sans juger qui que ce soit, sans prétendre nous positionner en donneurs de leçon, nous avons fait un inventaire de pistes partielles et partiales pour sortir de cette impasse par le haut.



1. Pour les producteurs, les productrices au chômage

On pourrait imaginer une grève des chômeurs, c'est-à-dire un refus de leur part de chercher de l'emploi ou de l'accepter; un soutien aux employés en grève et/ou un blocage des institutions économiques (voies de communication, etc.). Cette grève serait parfaitement imaginable si les chômeurs se réunissent au moment où ils n'ont plus rien à perdre (et la plateforme relayerait l'information) en terme de revenu. Il y a déjà eu des grèves des chômeurs. Elles sont susceptibles d'être très payantes en terme politique dans le mesure où elles appuient, où elles s'appuient sur des grèves d'employés, dans la mesure où le chômage rapporte énormément aux propriétaires d'entreprises.

On pourrait imaginer des actions médiatiques, des actions (éventuellement en synergie avec les syndicats ou avec des associations plus ou moins concernées par le problème - je pense par exemple à Riposte-CTE).

Les chômeurs peuvent aussi prendre leur autonomie, devenir une force matérielle parallèle, organiser des potagers, des soupes populaires, des occupations, etc.

Ces trois options ne s'opposent pas entre elles. Leur réussite dépendra de la motivation des participants (c'est-à-dire de leur détermination à défendre leurs droits), de leur coordination, de leur rapidité et de leur unité.



2. Au niveau des syndicats

En Belgique, les élections professionnelles ne concernent essentiellement que les employés et les ouvriers en CDI dans les grosses entreprises. Les retraités, les malades, les chômeurs et les précaires sont exclus de facto de la représentation syndicale alors qu'ils représentent les trois quarts des producteurs. Il y a là un combat à mener en Belgique où dans la plupart des centrales, les troupes de chômeurs représentent 30% des effectifs.

Faire entrer les producteurs hors emploi dans les structures syndicales est un enjeu pour tous car
- les intérêts des producteurs hors emploi seraient représentés dans les organismes paritaires (sécu) qui décident de leurs affaires
- pour les producteurs sous emploi, la question du chômage, des retraites amène l'intersectoriel, permet l'unité des luttes syndicales et l'harmonisation des revendications.
- pour tous les producteurs, la représentation syndicale formulée sous cet angle permet de poser les problème en terme de salaire, de répartition de la valeur ajoutée, pas en terme de question sociale éthique. La question de la répartition de la valeur ajoutée pose le problème de la lutte de classe et, de ce fait, permet de tracer des lignes unitaires en faveur du salaire, contre le profit - c'est-à-dire pour le salaire social, pour le travail et contre l'emploi.

Il reste également une option intéressante pour les chômeurs, les retraités, les malades (et les employés, les ouvriers favorables au salaire social): créer leur propre syndicat, beaucoup plus ferme que les deux syndicats majoritaires quant aux mandataires et aux mandats. Cette option, en Belgique, se heurte à une difficulté juridique: il faut 60 mille adhérents pour pouvoir prétendre à cette possibilité. La difficulté juridique contrevient aux droits de l'homme (liberté d'association) et à la liberté syndicale. Une action en justice peut faire avancer les choses. Le système syndical belge est en effet sclérosé par un syndicat unique bifide (CSC-FGTB) qui sert un discours d'impuissance depuis quarante ans alors que ces syndicats comptent plus de trois millions de membres dans un pays de onze millions d'habitants. Normalement, ils devraient être tout puissants alors qu'ils courent à reculons depuis quarante ans.



3. Au niveau des salariés sous emploi

Il y a bien sûr le grand classique: la grève au finish avec un cahier de revendications appétissant. Cette option est délicate quand les employés et les ouvriers sont sous pression salariale depuis quarante ans, qu'ils sont endettés et comptent leurs pièces jaunes. Une grève coûte cher aux employés. Ce n'est pas la seule option qui se présente à eux.

Les conseils d'entreprise, par exemple (comité d'entreprise en France) permettent un terrain d'action syndicale absolument gratuit et très efficace: il suffit de faire appliquer les lambeaux de ce qui reste du droit social ou de réclamer des amendements au règlement d'ordre intérieur qui respectent la loi. Par ailleurs, le CE procure aussi des renseignements toujours utiles en cas de conflit social.

Par contre, il faut savoir que le patronat joue à fond la carte communautaire en Belgique. Le refus d'un accord au fédéral se traduira par exemple par des accords dans les entreprises en Flandre et un refus d'accord en Wallonie. Cette tactique empêche les fronts communs syndicaux nationaux et transforme un problème social en problème communautaire. Inutile de dire que le communautarisme est un piège mortel pour le mouvement social. La communautarisation de la sécu implique sa fiscalisation, c'est-à-dire la disparition des salaires sociaux au profit des profits et au détriment des contribuables (voir Plateforme contre l'emploi - Ceci n'est pas un pays).

De nouveau, les 'réformes' concernant les chômeurs touchent le pays dans son entièreté et donnent l'occasion d'une synchronisation nationale.


Voilà les quelques pistes que la plateforme peut avancer pour le moment pour faire avancer le débat. N'hésitez pas à nous formuler vos remarques, vos suggestions sur fb, nous les intégrerons dans le présent article.

Et, pour finir, n'oubliez pas que l'économie doit justifier de sa valeur auprès de ce qui est vivant et non l'inverse. Elle sert à nourrir l'humain, à répartir et à créer les ressources pour la vie. Ce n'est pas la vie qui doit justifier de son utilité à l'économie: la voiture doit justifier de son utilité auprès de son conducteur et non l'inverse.

Courage à toutes et à tous.