Ceci n'est pas un pays

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En Belgique, le problème communautaire revient sur la table à tout bout de champ. Que l'on parle salaire, droits sociaux, réseau sociaux, rocade à construire autour d'une ville ou oies bernaches, le débat retombe sur le communautaire. Ce communautaire, si c'était de l'humour, ce serait un running gag, si c'était un outil, ce serait un marteau-piqueur, si c'était une névrose, ce serait un trouble obsessionnel compulsif.


Notez bien que la plupart des gens s'en fichent ou, quand ils ne s'en fichent pas, consacrent leur temps à des activités plus importantes ou plus ludiques selon leur situation mais, dans le champ médiatique du plat pays, le communautaire règne sans partage, des deux côtés de la frontière linguistique.

Bien sûr, on peut expliquer les tensions communautaires par l'histoire, par le fait que, il y a 120 ans, on ne pouvait être jugé qu'en français - ce qui excluait certainement les Flamands mais également les Wallons pas plus à l'aise alors dans la langue de Molière ou les Bruxellois.

Passons, les témoins ont passé le relais. Par contre, un ami m'exposait une thèse intéressante que je vous soumets non comme certitude mais comme hypothèse. Il y a, en Flandre, un gros parti régionaliste, la NVA (mais, tous les 20 ans, un nouveau parti nationaliste naît en ces contrées et fait reculer le précédent dans la marginalité politique) et, en Wallonie, un gros parti socialiste - PS pour les intimes. La NVA tient logiquement un discours indépendantiste musclé - elle est pour ainsi dire payée pour cela - qui n'a pas son pendant wallon (ou bruxellois).

La thèse est celle-ci: la FGTB, syndicat socialiste lié historiquement si ce n'est organiquement au PS, encouragerait la fiscalisation de la sécurité sociale. En effet, en l'état, une sécurité sociale financée par la cotisation sociale oblige à maintenir une institution nationale alors que l'impôt régionalisé pourrait remplir la même fonction. Ce syndicat serait appuyé par la CSC, l'autre grand syndicat belge lié au pôle chrétien-démocrate.


Ce n'est bien sûr qu'une thèse, une idée, inspirée par les prises de position dudit syndicat en faveur de la CSG ou très silencieuse sur la réduction des cotisations sociales. Elle est aussi inspirée par le fait que le dernier lien qui unit tous les Belges, c'est la sécurité sociale.

Quoi qu'il en soit, notre position anti-employique est claire: nous sommes pour la cotisation sociale et son corollaire, la socialisation du salaire parce que cela permet de libérer - fût-ce partiellement - les producteurs du joug de l'emploi, du marché aux esclaves et l'activité du carcan productiviste. Par contre, la fiscalisation vient peser sur les producteurs individuellement et les laisse démunis face à des patrons auxquels ils mendient un pouvoir d'achat en échange de leur force vitale, de leur temps, de leur talent et surtout de leur soumission. L'horreur absolue.

Le sujet de ce blog n'est pas le devenir de la Belgique mais celui de l'emploi à tous les niveaux. Nous défendons résolument la Belgique comme paradigme, comme rien du tout avec la sécurité sociale, nous souhaitons l'extension de ce pays (c'est-à-dire de la sécurité sociale financée par la cotisation sur la valeur ajoutée) à l'ensemble de l'Europe. Réclamons notre Belgitude universelle, notre appartenance à un presque rien fait de cotisations sociales et de sécurité sociale, assumons notre statut universel de producteurs, vivants, incontrôlables, incompréhensibles.
Faisons notre lait des querelles de clocher pour en prendre le suc: laissons les drapeaux, la paix linguistique, les difficiles communes à facilité à ceux qui sont payés pour arborer ces oripeaux et gardons, développons, couvons, nourrissons la sécurité sociale européenne, ce qui se nomme dores et déjà la Belgique.

Le débat portera alors sur le nom de ce grand machin. On pourra peut-être récupérer le nom de Belgique s'ils n'en veulent plus. Ou celui d'Europe mais il est fort connoté et pourrait prêter à confusion. Je laisse le débat ouvert.