Wall-Mart et revenu de base

En regardant récemment un documentaire sur les pratiques de Walmart (voir ci-dessous, en anglais), il nous est apparu que, dans certaines conditions le revenu de base pouvait être une catastrophe sociale.


L'entreprise américaine externalise tous ses coûts: les coûts d'infrastructure auprès des collectivités locales, les coûts de pollutions industrielles et, surtout, les coûts de main d’œuvre. Les salaires sont assumés en partie par ce qui sert de sécurité sociale aux États-Unis de la plus simple des façons: les employés sont inscrits dans des programmes d'aides alimentaire ou médicale pour nécessiteux. Walmart paie ses employés tellement peu qu'ils doivent s'approvisionner en tickets alimentaires.

La sécurité sociale et les collectivités assument donc une partie importante du salaire (et des frais de production) des employés de Walmart par le truchement de l'impôt. Un revenu de base qui ne changerait en rien les relations d'emploi actuelle, un revenu de base qui contraindrait de toute façon les récipiendaires à travailler en emploi pour compléter leurs revenus comme c'est le cas pour les travailleurs de Walmart n'émanciperait en rien les travailleurs. Les récipiendaires de ce genre de revenu de base se retrouveraient dans la même situation que les employés de Walmart et les contribuables qui financeraient ce genre de revenu de base seraient essorés comme l'est la classe moyenne aux États-Unis.

Que l'on en juge: selon la vidéo sus-mentionnée, les travailleurs de Walmart

- subissent un management sexiste et raciste

- sont contraints de prester des heures supplémentaires gratuites

- sont sous-payés

- sont soumis à une pression managériale au rendement

Par ailleurs, l'entreprise se distingue par la maltraitance de la main d’œuvre du tiers monde et de Chine, par sa propension à polluer l'environnement, par la pratique du dumping social, etc.

Notons que, dans les quartiers où s'installe Walmart, tous les petits commerçants disparaissent et que les prix immobiliers s'effondrent du fait des chancres urbains que les magasins en faillite laissent derrière eux et du chômage que provoque ces faillites.


1.557.000.000$ aides sociales aux employés de Walmart
pour 1.200.000 de salariés, soit l'équivalent d'un revenu de base de 1300$ par an
En Géorgie, 10.261 enfants d'employés aidés par des programmes sociaux
En Arizona, 2.700 employés sous aide médicale d'État
Au Texas, 4.363 enfants d'employés sous aide alimentaire
 etc.
fait baisser les salaires du commerce de détail de 3.000.000.000$ par an aux États-Unis
soit, donc, pour un revenu de base individuel de 1300$ par an, une ponction salariale de 2.500$ par an
 Dans ces conditions:
- le revenu de base coûte plus de deux fois plus aux salariés qu'il ne leur rapporte en espèces

- ce revenu de base n'affranchit en rien le travail

- ce revenu de base appauvrit la classe moyenne (mise au chômage et lourdement imposée), il provoque du chômage et des conditions de travail misérable dans le tiers monde

- ce revenu de base a un bilan écologique désastreux

- les profits et la propriété lucratives demeurent tels quels, les liens de subordination de l'emploi sont aggravés par le chômage local qu'implique cette application entreprenariale du revenu de base.
En conclusion, si toutes les formules des revenus de base ne s'inscrivent pas dans la démarche de Walmart d'externalisation des coûts de production, un revenu de base qui s'inscrirait dans cette formule a toutes les chances de provoquer les mêmes dégâts.

Un déficit démocratique

En France, le "déficit" de la sécu, c'est 10 milliards.

En France, les exemptions de cotisations patronales, c'est 30 milliards.

En France, donc, le bénéfice primaire de la sécu s'élève à 20 milliards mais les cadeaux donnés aux employeurs, aux propriétaires lucratifs, au cac40, aux actionnaires induisent un déficit artificiel.

Et si on arrêtait de pomper une idée qui marche - la sécu par prestations-cotisations - avec une idée qui ne marche pas - l'emploi par les propriétaires lucratifs?

La propriété lucrative

Un justiciable qui enlève un enfant et le fait travailler de force se rend coupable de détournement de mineur et de travail forcé. Il encourt une peine de prison.

Un actionnaire d'une compagnie qui a recourt directement ou indirectement, via un sous-traitant, au travail forcé d'enfants captif ne se rend coupable de rien. Il est considéré comme un homme respectable. Sa richesse est légitime.

Pourtant, ils font exactement la même chose et s'enrichissent exactement de la même façon.

Un justiciable qui harcèle une personne, lui rend la vie impossible en l'assommant de remarques dévalorisantes de manière répétée se rend coupable de harcèlement psychique. Il encourt une peine de prison ou une amende. Si le harcèlement pousse au suicide, il s'agit d'un crime.

Un actionnaire d'une compagnie qui utilise régulièrement le harcèlement pour licencier ses collaborateurs, si cette compagnie pousse ses collaborateurs au suicide de cette façon, il ne se rend coupable de rien. Il est considéré comme un homme respectable. Sa richesse est légitime.

Pourtant, ils font exactement la même chose et s'enrichissent exactement de la même façon.

Un justiciable qui empoisonne l'eau de son voisin, qui détruit son champ, qui vole sa terre, qui accumule les déchets chimiques ou radioactifs sur son terrain se rend coupable d'une violation de la propriété privée et d'un dol sévère. Il encourt une peine de prison ou une amende et doit, de toute façon, réparer le dol.

Un actionnaire d'une compagnie qui accapare les terres, les empoisonnent, déverse des déchets chimiques ou radioactifs dans les rivières ou sur les terres ne se rend coupable de rien. Il est considéré comme un homme respectable. Sa richesse est légitime.

Pourtant, ils font exactement la même chose et s'enrichissent exactement de la même façon.

Une personne qui en agresse une autre sans égard pour elle, qui lui parle de manière méprisante, qui lui intime d'ordre de ce qu'elle doit faire et comment sans égard pour elle est un rustre. Si cette personne profite d'une position dominante, il s'agit d'un abus de pouvoir. Elle encourt une peine de prison ou une amende.

Un actionnaire qui détient une compagnie qui rudoie ses employés, les traite de manière méprisante, leur intime l'ordre de ce qu'ils doivent faire sans égard pour eux est un propriétaire responsable, un "bon père de famille". La compagnie profite pourtant d'une position de pouvoir puisque les employés sont contraints de vendre leur force de travail. Il s'agit d'un abus de pouvoir. L'actionnaire est considéré comme un homme respectable. Sa richesse est légitime.

Pourtant, ils font exactement la même chose, s'enrichissent exactement de la même façon.

Et si on appliquait la justice?
Et si la propriété lucrative était un déni de justice?

L'emploi contre le travail

On me rappelle que nous avons énormément de travail à faire en tant que société. Sans prétendre à l'exhaustivité, nous devons

- convertir l'agriculture chimique en agriculture biologique
- isoler les bâtiments
- développer, entretenir et faire tourner des transports en commun fiables, réguliers, confortables; ces transports doivent desservir le territoire de manière fine
- construire des hôpitaux, les équiper
- pratiquer une médecine humaine, une médecine à l'écoute des patients, une médecine patiente qui favorise la santé public et non l'industrie pharmaceutique
- préparer la transition énergétique en anticipant la raréfaction du pétrole d'une part et, d'autre part, le réchauffement climatique
- soigner les personnes âgées, les malades, partager du temps avec elle
- ouvrir les enfants à la science, à l'apprentissage, à l'esprit critique
- inventer un projet commun
- rénover les infrastructures publiques
- éduquer à l'art
- développer nos pratiques de l'art sous toutes leurs formes


mais à cause de l'emploi ('jobs, jobs, jobs'), nous renonçons à mettre en oeuvre ces choses importantes, urgentes, nous sacrifions nos loisirs et notre vie de famille pour consacrer notre énergie, notre temps, notre jeunesse, notre maturité et demain notre vieillesse à des choses sans intérêt, à l'enrichissement d'actionnaires et au remboursement d'investisseurs.