Éducation, emploi et citoyenneté

Petite réflexion sur l'éducation d'abord tournée vers la citoyenneté puis vers l'emploi depuis une vingtaine d'années. Enjeux de guerre symbolique autour de l'école.

https://www.youtube.com/watch?v=0uaJFk0LHLU

L'inspection du travail sabotée en France

Les employeurs ont les coudées franches pour multiplier les pratiques esclavagistes. Extrait.

"Les missions de l’Inspection du travail relevaient déjà de la mission impossible. Avec 2250 agents de contrôle pour 1,8 million d’entreprises, soit 800 par personne, on mesure l’ampleur de la tâche. Cette situation est, déjà, un quasi encouragement pour tous ceux qui veulent contourner une législation qui protège les salariés tant la probabilité d’un contrôle est faible. Pourtant, au yeux du ministre du travail, Michel Sapin, il semble que ce soit encore trop."

http://www.regards.fr/web/Courteline-a-l-Inspection-du%2c7430

Menace de délocalisation contre les salaires

Vieille rengaine bien connue en Europe des patrons: si vous n'acceptez pas une baisse de salaire, nous délocalisons. C'est l'incarnation de la politique de l'offre, de la mise en concurrence des employés entre eux au détriment du salaire.

Ici, Electrolux menace de délocaliser en Pologne si les ouvriers italiens n'acceptent pas une baisse de salaire de ... 50%. Il leur resterait tout de même 700€ par mois.

L'article de PressEurop ici.

De manière incroyable, le gouvernement en rajoute:

Du côté du gouvernement, le ministre du Développement économique élargit le discours. "Il faut réduire le coût de la production en Italie et celui de l’emploi" a déclaré Flavio Zanonato, touchant ainsi à deux points centraux du fameux Job act, le plan pour la relance de l’emploi en Italie du nouveau patron du parti démocrate, Matteo Renzi.
Durant les prochains jours, une rencontre devrait avoir lieu entre les partenaires sociaux, les représentants d’Electrolux et le ministre du Développement économique. La direction suédoise n’ayant pas l’intention de lâcher du lest, ces discussions devraient rester lettre morte.
Inutile de dire que la seule façon d'arriver à sauver le salaire au niveau européen, c'est d'imposer une législation sociale, un salaire minimum et une sécurité sociale, au niveau européen. À défaut, la mise en concurrence des producteurs achèvera l’œuvre délétère de casse des salaires, ce qui amènera les États-Nations à fermer leurs frontières un jour ou l'autre, à réguler et à s'impliquer dans l'économie.

Appel aux amateurs.

La flexibilité des contrats zéro heure contre la famille

En Grande-Bretagne, les contrats zéro heure (sans engagement horaire de l'employeur) détruisent la vie de famille puisque l'employé est transformé en variable d'ajustement ultime par la flexibilisation. Il doit être disponible tout le temps et, en échange, n'a absolument aucune garantie ni de salaire, ni d'horaire de travail.

Un article de Zoe Williams (en anglais, ici) dans le Guardian fait le point.

  • Résumé et traduction

La discrimination des femmes enceintes s'accentuent avec les contrats zéro heure (ici).

Les pères en contrat zéro heure renoncent à leur congé paternité (contrairement à 80% des pères à haut salaire) et les mères retournent à leur emploi bien avant le délai légal des six mois (contrairement à leurs congénères à haut revenu). Le contrat zéro heure vide de leur substance les congés paternité et maternité.

Il faut savoir que, selon l'étude ici (en anglais), 75% des travailleurs en zéro heure ne savaient pas combien ils toucheraient à la fin de la semaine et 42% étaient prévenus moins de 12h à l'avance de leur prise de poste.

Les travailleurs en zéro heure - un million d'intéressés - sont trop précarisés pour jouir des droits sociaux dont ils bénéficient théoriquement. Ils manquent de moyens financiers pour faire valoir ces droits devant un tribunal.

Si de jure la situation n'est pas assimilable à celle des ateliers du XIXe, de facto, elle s'y apparente.

Chantier interdit au public

Notes de lecture de Nicolas Jounin, Chantier interdit au public, La Découverte, 2009.

Un sociologue s'est fait embaucher, il y a une demi douzaine d'années, comme manœuvre dans la construction pour enquêter sur les conditions de travail dans le secteur.

  • Voici quelques éléments de son enquête.

- Les grandes sociétés de la construction recourent systématiquement à la sous-traitance ce qui permet de sécuriser leurs marges et de se dédouaner de leurs responsabilités quant aux pratiques des employeurs. Parfois, les sous-traitants s'accumulent à tel point que, sur un chantier, le statut de chaque travailleur, leurs salaires et leur encadrement seront différents.

- La gestion du personnel est raciste. À chaque origine correspondent des aptitudes, des qualifications supposées. Les "Maliens" (avec une notion assez élastique du Mali) sont affectés (et compétents) pour le marteau-piqueur par exemple mais l'enquêteur, d'origine française ne peut, a priori, être désigné pour ce poste. Les différents postes seront attribués à différentes ethnies.

- L'humiliation est permanente. Les plaisanteries, les commentaires racistes, les humiliations fusent sans discontinuer. Un Malien sera, par exemple, appelé Mamadou, sans égard pour son prénom.

- La précarité est extrême. Les intérimaires sont embauchés à l'heure, à la journée, à la semaine. On en amène beaucoup sur le chantier pour être sûr d'en avoir assez, on renvoie les autres. L'intérimaire peut travailler des semaines, des mois pour une entreprise sans être sûr d'y travailler le lendemain. Une entreprise aura recours à de la main-d’œuvre intérimaire parfois de manière majoritaire. Les intérimaires accumulent les intérims et deviennent parfois extrêmement qualifiés sans jamais avoir droit à la stabilité professionnelle. 

- Cette précarité permet de faire pression sur les conditions de travail. Les heures supplémentaires gratuites sont nombreuses, les règles de sécurité sont impossibles à respecter du fait de la pression à la rapidité. Les travailleurs travaillent mal, rapidement; ils se font crier dessus, insulter par des contremaîtres stressés.

- Les agences d'intérim gèrent cette main-d’œuvre intérimaire en faisant leur les critères racistes de leurs clients. Elles rabotent les primes, acceptent les faux-papiers grossiers, se constituent des 'portefeuille' d'intérimaires à disposition en cas de coup dur.

- Les salaires sont dérisoires et le demeurent. Sauf quand, au bout d'une ascension sociale improbable, le travailleur accède à une stabilité professionnelle et à des avancements. La probabilité d'avancement est fortement liée à l'origine ethnique des travailleurs: il vaut mieux être européen et, pour les Européens, il vaut mieux être français.

- Les ouvriers sans papier utilisent des faux, parfois grossiers. Ils sont d'autant plus précaires, d'autant plus soumis à l'agence d'intérim, aux contremaîtres ou aux cadences infernales qu'ils ne peuvent, juridiquement parlant, que mal se défendre, qu'ils ne connaissent pas bien la langue. Les entreprises de la construction recourent massivement aux sans-papier via les agences d'intérim.

- Les immigrés sont souvent pris au piège. Ils attendent une improbable stabilisation professionnelle, ils attendent du salaire pour pouvoir faire leur vie au pays alors que la construction fonctionne comme un piège humain où le travail (et son salaire) du lendemain n'est jamais garanti, où les revenus sont insuffisants et trop aléatoires pour pouvoir même ... s'en aller.

- Le secteur appelle de plus en plus des ouvriers détachés par des sociétés bidon de l'est du continent. Les travailleurs détachés ne sont tolérés sur le territoire que dans la mesure où ils sont employés, ce qui les rend corvéables à merci. En outre, ils ne cotisent pas à la sécurité sociale et n'ouvrent aucun droit, ce qui les rend, là aussi, d'autant plus fragiles.

- L'espérance de vie en bonne santé est très réduite dans l'intérim. Faute de trouver rapidement une stabilisation, un statut CDI et une reconnaissance de leur qualification, les ouvriers voient leur santé décliner rapidement du fait de la pression à la productivité, des intempéries, de la violation des règles de sécurité.

  • Note supplémentaire

Au rayon pratiques esclavagistes, il faut aussi mentionner le recours à des faux indépendants. Ils ne dépendant que d'un seul employeur, transformé en 'client'. Ce type de contrat soi-disant commercial fait l'impasse sur les responsabilités de l'employeur et pousse jusqu'au bout la logique de dépendance, le rapport de force défavorable pour l'emploi et contre le salaire, contre le travail.

Ce genre d'"employé" est évidemment corvéable à merci, sous-payé, il peut être licencié dans l'heure et ne fera jamais grève. Il devra également s'indemniser lui-même en cas de maladie ou le jour où ses tempes grisonneront.

Comme toutes les entreprises auront recours aux mêmes pratiques managériales-esclavagistes, les gains de productivité en seront absorbés finalement par le jeu de la concurrence (sauf si un oligopole s'entend sur les prix, ce qui n'est pas exclu dans le secteur, auquel cas, ce sont les profits qui demeurent élevés).

Des médecins censurés sur demande des employeurs

Article de Basta! sur les pressions qu'exercent les entreprises sur les médecins du travail.

Extrait.

"Des médecins du travail et des généralistes sont accusés par des entreprises de violer la déontologie médicale. Celles-ci font pression en portant plainte auprès de l’Ordre des médecins. Objectif : faire modifier des certificats médicaux en effaçant tout lien entre l’état de santé du patient et son travail. Ou obtenir que les récalcitrants soient blâmés. Dominique Huez, médecin du travail à la centrale nucléaire de Chinon, vient d’être ainsi condamné par l’Ordre suite à la plainte d’un employeur. Enquête sur des pratiques qui risquent d’avoir de graves conséquences sociales et environnementales."

http://www.bastamag.net/Souffrance-au-travail-de-plus-en

Le CNR - émission radio

Une émission radiophonique sur le Conseil National de la Résistance - un projet qui n'a pas pris une ride, à l'opposé des vieilles rengaines du premier motard. La concurrence assied la domination ergo si vous voulez diminuer la domination, il faut supprimer cette concurrence.

http://www.polemixetlavoixoff.com/vive-le-conseil-national-de-la-resistance/

Abolir le chômage, en finir avec l'emploi - note de lecture

Je vous partage mes petites notes de lecture du délicieux ouvrage de Dominique Lachosme, aussi percutant que pertinent (pour la ridicule somme de 4€).

Il (ou elle) rappelle d'abord que
le travail est une convention sociale (...). L'activité qui sera reconnue comme 'travail' dépendra des institutions humaines à un moment donné de notre histoire.
La définition du travail est donc un enjeu social. Pour les marchands, le travail est une dépense d'énergie, de temps humain qui fait gagner de l'argent, qui est
mise en œuvre en vue de la rentabilité de l'institution qui (...) emploie, l'entreprise privée.
 Mais cette définition exclut 34 millions de 50 millions d'actifs français. Elle est tout simplement impossible: il y a d'autres formes de travail.

Dominique propose alors une autre version, émancipatrice du travail: c'est l'activité reconnue par le salaire. Les chômeurs ou les retraités peuvent travailler sans actionnaire et sans employeur. L'émancipation aujourd'hui passe par l'extension de cette sphère salariale de travail hors de l'emploi.

C'est l'obligation d'avoir un emploi pour avoir un salaire qui crée le chômage: imaginons un salaire à vie, pour tous.

De toute façon, le plein emploi n'existera plus - si tant est qu'il ait jamais existé, si tant est qu'il aurait fallu qu'il existât.

Puis, l'auteur démonte les objections contre le salaire à vie.

- le coût est faible par rapport au coût du renflouement des banques et il permet de transformer le naufrage de la monnaie marchande en quelque chose d'utile

- la paresse est un argument captieux qui réapparaît en phase de contraction économique. Attacher le salaire à la personne et plus à l'emploi permet de s'extraire de la spirale de misère humaine et sociale dans laquelle nous nous trouvons

- le travail pénible devrait être soit supprimé (faut-il à tout prix produire des automobiles, la nuit?), soit repensé pour être supportable

- le salaire personnel permettrait le désinvestissement de la production et des pratiques toxiques, anti-écologiques

- la sécurité sociale est à l'opposé de la bureaucratisation centralisatrice de l'État.

Pour y aller, on peut transformer les minimas sociaux (RSA en France ou CPAS en Belgique) en salaire, on peut les augmenter progressivement jusqu'au SMIC, les sommes à récupérer (les exonérations et exemptions diverses) dépassent, et de loin, les montants nécessaires à ces deux premières mesures.

La grande question que le livre laisse en suspend, c'est la socialisation de l'intégralité de la valeur ajoutée qu'un Bernard Friot, par exemple, appelle de ses voeux, c'est la question de la libération du travail du joug des actionnaires.

Bernard Lachosme, Abolir le chômage, en finir avec l'emploi, Atelier de création libertaire, 2013.

Les deux aspects du travail

Nous parlons ici du travail, non de l'emploi qui est une institution capitaliste régie par la propriété lucrative.

Le travail a deux dimensions. Il y a le travail concret qui est l'ensemble des actes, des actions destinés à humaniser la nature, à la rendre habitable par l'intéressé - celui ou celle qui travaille - ou ses pairs. Cette notion du travail est inséparable de la vie, du désir, de l'ambition (plus ou moins honorable, d'ailleurs) ou de l'envie de vie, d'échange social.

Le travail abstrait, par contre, ressortit à la valeur économique, à la valeur d'échange. Cette valeur est construite par les rapports de force sociaux - étrangers à la nature en tant que telle. Cette valeur est liée à la reconnaissance d'une valeur relative produite par un travail concret. Les différences de valeurs relatives produites par du travail concret spécifique construisent la hiérarchie des valeurs économiques, des valeurs d'échange. Le travail abstrait est construit par la valeur sociale, par la hiérarchie sociale des valeurs. C'est là que se joue aussi bien la lutte des classes que la définition d'une société pour elle-même.

Selon une vision marxiste de l'anthropologie, les deux types de travail (concret, lié à la nature et abstrait, lié aux rapports de force sociaux) sont inséparables de l'humanité. L'enjeu est alors de faire bouger les lignes par rapport à la définition du travail abstrait - mais, là, les tactiques envisagées sont aussi multiples que le nombre de dissidences, d'écoles, de chapelles, de mouvements marxistes ou marxisant.

Le changement, c'est hier

François Hollande vient de proposer un pacte de croissance.

Outre l'imbécillité de l'idée de croissance en soi, sans considération pour les ressources naturelles et humaines, outre l'imbécillité économique de confondre la production de biens et de services et la croissance de production de valeur - la croissance est une croissance de production de valeur ajoutée, pas de production économique -, outre le fait que nous ne sommes pas dans une économie famélique mais dans une économie de surproduction, nous devons relever quelques similarités dans la démarche par rapport à ce qui s'est fait aux États-Unis.





Depuis 1980, les syndicats ont opté là-bas pour la négociation (comme en Belgique ou en Italie, par exemple). Pour 'sauver les emploi', ils ont accepté la baisse des avantages extra-légaux, puis la baisse des salaires, puis la dégradation de la condition d'embauche des nouveaux-venus. C'est ce qu'on appelle là-bas le concession bargaining. Le taux de chômage n'a cessé de monter depuis qu'il est pratiqué (en Italie et en Belgique également).


Résultats? Les inégalités ont explosé, les salaires se sont effondrés. Et la demande, en berne, a poussé aussi bien la production de valeur que la production de biens et de services à la baisse.

À même cause, mêmes effets, monsieur le président. Et tout cela au nom de ... (mais, oui, vous l'avez deviné) l'emploi!

La question quinquennale, c'est de savoir si c'est l'emploi qui sert de cheval de Troie à la guerre au salaire ou si c'est la guerre au salaire qui sert de cheval de Troie à l'emploi. Je ramasse les copies dans une demie-heure.

Les SDF embauchés pour décontaminer Fukushima

Exemple extrême de l'emploi poussé jusqu'à la mort, jusqu'à la maladie, pour les profits et par charité cynique, criminelle.

Nous rappelons que la centrale nucléaire de Fukushima est gérée par une société privée avec profit et actionnaires. Elle embauche des SDF à six euros de l'heure - en déduisant le logement et la nourriture.

L'argent et le profit sont des voies de déresponsabilisation à toute épreuve. Mais quel crime ont bien pu commettre ces clochards?

https://www.youtube.com/watch?v=qZ5jm2aI0kU

Le burn-out - statistique et interrogation


Je voudrais qu'un employiste versé dans la pédagogie m'expliquât l'intérêt d'organiser l'activité humaine au détriment de la qualité de vie humaine? Je voudrais qu'on m'explique - comme à un enfant de six ans - pour quoi l'emploi est présenté comme un horizon indépassable, comme source de toute légitimité sociale alors qu'il empoisonne (et pas qu'à moitié, un burn-out, c'est atroce) ses disciples.

Ne s'agit-il pas d'une religion malsaine, ne s'agit-il pas d'une secte qui sacrifie ses fidèles, les contraint par la misère et chipe leur temps, leur ressource, leur joie de vivre, leur vie de famille, leurs liens sociaux?





Nous rappelons que 


le burn-out est dû à une gestion managériale qui entend augmenter la productivité (ou qui entend licencier en s'épargnant des primes de licenciement en poussant les employés à bout)

les maladies qui accompagnent le burn-out empêchent l'employé de travailler parfois définitivement, elles nécessitent des médications coûteuses à charge de la sécurité sociale

le faible bénéfice obtenu par les techniques de torture amenant au burn-out est immédiatement englouti par le jeu de la concurrence

en travaillant vite et mal, on produit des choses mal faites, inutiles ou mal pensées.

Extrait

"Technologia s'est fondé sur un sondage mené auprès de 1 000 actifs. Il en ressort que 12,6 % d'entre eux encourent un burn-out, ce qui, rapporté à l'ensemble de la population, porte le nombre de personnes concernées à 3,2 millions d'actifs.

Le cabinet d'experts, qui est notamment intervenu chez France Télécom après la vague de suicides de 2008-2009, relève que le risque de burn-out, caractérisé par un travail excessif et compulsif, est particulièrement élevé chez les agriculteurs (23,5 %), devant les artisans, commerçants et chefs d'entreprise (19,7 %) et les cadres (19 %). Viennent ensuite les ouvriers (13,2 %), les professions intermédiaires (9,8 %) et les employés (6,8 %)."


http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/01/22/plus-de-3-millions-de-francais-au-bord-du-burn-out_4352438_3234.html

Le PCF analyse les luttes italiennes

Le 18 octobre 2013, il y eut une grève générale en Italie. Nous citons et commentons un article du PCF (ici) de l'époque pour essayer de comprendre la situation locale.

Au niveau global, la botte est en butte avec l'austérité la plus bornée, à l'instar de l'Irlande ou de la Grèce, par exemple. Le chômage y est important, la fonction publique débauche et les salaires stagnent ou diminuent - notamment les salaires sociaux.

Dans ce contexte, on peut s'interroger sur l'atonie des syndicats. Le 18 octobre, pourtant, l'USB a appelé à la grève.
Des mois que les travailleurs italiens attendaient un appel clair à la riposte contre la politique de casse sociale massive. Celui lancé par la confédération syndicale de classe USB, à une grève le 18 octobre suivie d'une manifestation dans les rues de Rome, a été massivement entendu.
L'ampleur de la mobilisation des 18 et 19 octobre a surpris. C'était la première riposte organisée, dans la rue, à la politique de casse sociale du « gouvernement de coalition » Parti démocrate/Parti des libertés gouverné par Enrico Letta, homme de Bruxelles et du capital financier en Italie.
(...)Cette manifestation d'indignation ne doit pourtant oublier la manifestation du vendredi où 50 000 manifestants avaient déjà occupé la place San Giovanni à Rome.
En tête de cortège, immigrés et réfugiés devenus des symboles après la tragédie de Lampedusa, mais aussi les travailleurs précaires, invisibles de la crise, ainsi que les ouvriers de plusieurs entreprises menacées par les plans sociaux.


Manifestation significative aussi car concluant une journée de grève massivement suivie, lancée par la seule USB (Union des syndicats de base), confédération de syndicats de lutte refusant la voie de la concertation sociale suivie par la « troika » syndicale (CGIL, UIL, CISL)
  
L'USB est un tout petit syndicat, il a réussi à mobiliser seul contre les syndicats inscrits dans la concertation. Inventaire du succès du syndicat nouveau-venu. 
Seul contre tous, face au « front commun syndical » de la collaboration sociale, l'USB, qui a adhéré l'an dernier à la Fédération syndicale mondiale avec ses 250 000 adhérents, a réussi son pari.


Le mouvement a connu une forte adhésion dans les services publics – en particulier la santé, l'éducation, les collectivités territoriales –, ainsi que les grandes entreprises menacées par des plans sociaux : la FIAT (automobile), l'ILVA (sidérurgie), SIGMA Tau (industrie pharmaceutique), Telecom Italia ou encore d'Alitalia. 

Toutefois, c'est dans les transports, bastion de l'USB, que l'adhésion a été la plus spectaculaire, paralysant les réseaux de transports urbains (bus, métro, train de banlieue) des grandes villes du nord, de la capitale et des anciennes villes rouge du centre.
Il s'agissait de dénoncer un énième plan d'austérité, une 'loi de stabilité' qui ne manquera pas de plonger l'économie italienne dans le chaos.
Effectivement, la « loi de stabilité » – ou loi des finances – 2014, adoptée par le gouvernement de coalition Parti démocrate/Parti des libertés d'Enrico Letta passe un cap dans l'offensive de classe.
 D'une part, des cadeaux aux entreprises sans précédent, avec 5 milliards d'exonérations de cotisations sociales patronales au nom de la diminution du « coin fiscal », autrement dit de la diminution du coût du travail pour les entreprises.

 
De l'autre, une augmentation du fardeau fiscal pour le commun des Italiens : augmentation de la TVA de 21 à 22 % et hausse des impôts locaux ayant trait au ramassage des déchets et à la taxe foncière.
Dans le même temps, la casse du secteur public continue. Outre les coupes massives sur la santé de 1 milliard sur deux ans, une nouvelle vague de privatisations est prévue à l'horizon 2015 visant notamment les services publics municipaux : ramassage des déchets, transports.


   Le manque d'opposition sociale à la lutte employique des profits contre les salaires est remarquable, là-bas comme en Belgique, ou demeure embryonnaire comme en France ou en Allemagne. Pourtant, il y a péril en la demeure comme l'atteste un document produit par les trois syndicats réformistes et le patronat italien.

 En Italie, l' « union sacrée » ne se limite pas aux forces politiques, elle implique pleinement syndicats et patronat, dans une logique de concertation sociale, sur des positions désormais ouvertement patronales.
Le 2 septembre dernier, la Confindustria (MEDEF italien) signait ainsi un texte commun avec les trois principaux syndicats : la CISL, l'UIL et la CGIL (l'ex-syndicat de classe, proche du PCI), sous le nom : « une loi de stabilité pour l'emploi et la croissance ».

 

Le document, édifiant, défend la nécessité de la réduction du coût du travail pour les entreprises comme moyen de restaurer la compétitivité, donc de relancer l'emploi et la croissance.

 
Le document parle d'un « système fiscal efficace, qui ne soit pas hostile à l'activité des entreprises, ne décourage pas les investisseurs », faisant le choix de « réduire les charges sociales pesant sur le travail et les entreprises ».


Il propose concrètement une longue liste d'exonérations de cotisations sociales pour les entreprises :

 
abolir la composante « travail » de l'impôt sur les sociétés (IRAP), crédits d'impôts pour les entreprises qui investissent dans la recherche, financement public de grands projets d'innovation, d'investissement à des fins privés. La liste est longue encore.

   
Enfin, ce texte insiste sur la nécessité de diminuer les dépenses publiques. D'abord, par une restructuration des collectivités territoriales, dans le sens de l'Europe des régions : suppression des provinces (l'équivalent de nos départements), regroupement des communes, métropolisation.

Ensuite, en instaurant un « spending review », une révision annuelle des dépenses permettant de réaliser des coupes budgétaires ciblées plutôt que linéaires.

Une révision basée elle-même sur les « costi standard », un niveau de dépenses publiques maximal sur lequel devront se baser les futures lois de finance.


Les syndicats, dont la CGIL, partagent pleinement l'optique patronale : réduire le coût du travail (donc impôts, cotisations sociales pour les entreprises), réduire les dépenses publiques (donc services sociaux, allocations), en partant du postulat que les entreprises créent les richesses, l'emploi et non les travailleurs.

On peut rappeler également que le secrétaire actuel du Parti démocrate, premier partisan de l'austérité n'est nul autre que … Guglielmo Epifani, ancien secrétaire-général de la CGIL. C'est comme si Bernard Thibault était demain secrétaire-général du Parti socialiste !
  
Le minimum dans un tel contexte serait que les syndicats appelassent unanimement à la grève au finish. Les syndicats collaborationnistes ne proposent pourtant que quatre heures de grève pour peser sur les parlementaires.
Dans un tel contexte de consensus entre tous les « partenaires sociaux », la grève lancée par l'USB vendredi dernier a mis un coup de pied dans la fourmilière. Elle a contraint les syndicats reconnus officiellement, depuis la loi sur la « représentativité » votée l'an dernier, à durcir leur position.

Pas un hasard si les directions des trois syndicats se sont réunis lundi pour adopter un appel à la grève … de 4 heures d'ici le 15 novembre, date de l'adoption de la « loi de stabilité » au parlement. 
L'alternative politique, le rapport de force social sont encore à construire là-bas comme ici, au sein du monde du travail, au sein des mondes syndical et politique.

L'emploi contre les salaires depuis 1980, aux États-Unis (note de lecture de C. Sauviat)

Vous pouvez trouver l'article que nous résumons in extenso sur le site de l'Ires, ici.

Les salaires états-uniens stagnent depuis 1970 (à l'exception de la seconde moitié des années 1990). Depuis 1980, les syndicats ont accepté les baisses de salaire au nom de l'emploi. Ils ont également accepté la dégradation des conditions de travail au nom de l'emploi, au nom du chantage au chômage, c'est ce qu'on appelle le concession bargaining.

Depuis 1973, les salaires ont décroché par rapport à la productivité qui a, elle, continué à augmenter.

Image extraite de l'article de l'Ires

Ceci a fait exploser les inégalités salariales et a fait perdre globalement 6% du PIB aux salaires au profit des dividendes des actionnaires.

La parenthèse de contrôle des prix et des salaires ouverte par Roosevelt s'est achevée en 1981 avec Reagan.



Le Concession Bargaining est amené par la pression de la concurrence étrangère
de nombreuses concessions sont obtenues par les employeurs, que les syndicats, cédant "aux sirènes de la compétitivité" acceptent en contrepartie de mesures destinées à sécuriser l'emploi ou à renforcer leur rôle dans les entreprises.
Des gels de salaires se répandent, puis des réductions. Une partie du salaire est intégrée dans des primes ce qui permet de réduire l'assiette de cotisation (et donc la qualité des prestations sociales) et laisse inchangée l'échelle des salaires.

Les employeurs introduisent une grille salariale à deux vitesses: les derniers venus touchent des salaires moindres.

Depuis les années 1990, ce sont les compléments de salaires qui disparaissent à leur tour, les primes, les avantages en nature, etc.

Les salaires horaires minimum diminuent depuis la crise de 2008 en dollars constants.

Les fonctionnaires sont à leur tour touchés par le concession bargaining du fait de l'état des finances publiques.

La stagnation des salaires a poussé les ménages à s'endetter pour conserver leur train de vie. Comme les salaires n'augmentaient toujours pas, ces dettes sont devenues ou vont devenir progressivement insolvables, ce qui ne manquera pas de provoquer d'autres crises. Cette spirale infernale risque d'affecter la maigre part socialisée des salaires, le medicare et le medicaid.

Les salaires soutiennent l'activité

Dans un article d'Alternet (ici, en anglais) nous apprenons les résultats d'une étude comparative de deux sociétés de stations-service.

Dans une société, les salaires sont bas, l'accueil des clients est de piètre qualité du fait de la charge de travail excessive et des salaires insuffisants des employées. Les clients fuient cet endroit sinistre.

Dans l'autre société, les salaires sont nettement plus élevés. Les horaires sont tenables, les conditions de travail infiniment meilleures et ... les profits plus élevés: les clients sont au rendez-vous, l'ambiance est plus chaleureuse et les prix sensiblement les mêmes.

De notre point de vue, il ne s'agit bien sûr pas de faire l'apologie du profit. Il s'agit de dénoncer le management par la haine, par la dévalorisation du personnel comme des aberrations contre-productives, anti-économiques et, surtout, inhumaines.

Bien que l'économique ne soit certainement pas la solution.

Contrôles Onem

Article chiffré sur le harcèlement institutionnel que subissent les chômeurs en Belgique. Les chômeurs exclus se retrouvent au CPAS s'ils survivent nerveusement à ces humiliantes tracasseries; ils n'ont plus de salaire mais une allocation payée par l'impôt.

http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=DMF20140112_00415854

À ce sujet, Riposte, une sympathique association de chômeurs et de travailleurs propose une action, je cite:


"Si le coeur vous en dit, lâchez-vous, on ne sait jamais ! Demain à 17h20, à la RTBF: "Contrôle des chômeurs. Est-on trop exigeant? "
Voici le commentaire que nous venons de poster:
"Plus on met les chômeurs sous pression, stérile, (car plus d'1 000 000 de personnes sont totalement ou partiellement sans emploi en Belgique pour 60 à 70 000 offres d'emplois répertoriées cumulativement par Forem, Actiris et Vdab !), plus on tire les conditions de travail vers le bas. Les salariés avec emploi qui défendent cette mise sous pression, vexatoire, scie la branche sur laquelle ils sont encore assis, très mal, douloureusement souvent, mais assis quand même. Attention, la branche va craquer, camarades.. plus dure sera la chute !
Jusqu'il y a trente ans, les salariés se battaient pour de meilleures conditions de travail, aujourd'hui ils sont de plus en plus nombreux, ceux qui doivent "se lever tôt", à survaloriser la souffrance au travail qu'ils subissent, à la vivre ou à l'énoncer en tout cas comme qqch de normal, voire de méritoire, et non de révoltant, d'inacceptable. C'est quoi cette névrose collective au profit des 1% qui s'en frottent les mains ?
Si la majorité des esclaves avaient accusé, dénoncé (comme aujourd'hui nombre de salariés) ceux qui fuyaient leurs maîtres et ceux qui les combattaient au nom de ceux que, eux, acceptaient d'endurer, on en serait encore à l'esclavage !
La chasse aux chômeurs via des contrôles de plus en plus fréquents, tâtillons, absurdes même en pénurie absolue d 'emploi, à laquelle vont s'ajouter les exclusions massives qui se préparent (55 000 au 1er janvier 2015) et que généralise désormais l'article 63§2 (limitation dans le temps des allocations d'insertion), tous ces dispositifs criminels ont pour but d'assurer un niveau d'intensité jamais atteint dans la mise en compétition sur le marché de l'emploi.
Tous les salariés (ou presque) le paieront au prix fort, particulièrement les moins formés et les moins aptes à se défendre, ainsi que les plus rebelles à ces logiques socialement mortifères.
STOP Contrôle "ACRE" (activation du comportement de recherche d'emploi), stop Article 63§2 !
https://www.facebook.com/ConnexionsRTBF

Moins de loyer pour moins de salaire

Sur le site de la RTBF, la télévision publique belge, nous apprenons que la ministre de l'emploi Monica Deconinck déclarait qu'il fallait modérer les loyers

"car les salaires sont bloqués mais les loyers augmentent. Le citoyen a donc moins de pouvoir d'achat". Elle doute que cette discussion puisse encore avoir lieu sous cette législature, "avec les élections qui approchent", mais insiste sur le fait qu'en 2014, "si on discute d'un nouveau gel des salaires, il faudra discuter d'un blocage des loyers". 
http://www.rtbf.be/info/belgique/detail_monica-de-coninck-envisage-un-blocage-des-loyers-apres-2014?id=8162648

En termes logiques, cette proposition revient à dire que pour faire baisser les salaires, il est nécessaire de faire baisser les loyers.

(1) loyers baissent => salaires baissent

On peut déduire de cette proposition que, si les salaires augmentent, les loyers peuvent également augmenter.

(2) salaires ne baissent pas => loyers ne baissent pas

En admettant que la ministre ne se soit pas trompée dans ses déclarations, il faudrait alors expliquer pourquoi les propriétaires immobiliers ne se battent pas pour les salaires (notamment les salaires sociaux), pourquoi ils laissent exclure les chômeurs par dizaines de milliers dans ce pays.

Dans un pays sans électricité, l'atome essaie de dicter sa loi

Le Monde (ici) nous apprend que des étudiants s'organisent pour manifester contre le géant de l'atome. Areva extrait de l'Uranium là-bas. Ils sont quelques centaines à s'être levés.

Des centaines d'étudiants ont manifesté vendredi 10 janvier à Niamey contre tout « compromis » dans la renégociation d'un contrat liant Areva au Niger – pays où le groupe français extrait 40 % de son uranium. Vingt-trois ONG et syndicats ont aussi dénoncé les relations opaques entre le géant du nucléaire et l'Etat nigérien.

Les étudiants, qui ont marché de leur campus au Parlement nigérien, défendent « la souveraineté du peuple sur ses ressources naturelles », a affirmé Inoussa Abdouramane, secrétaire général de l'Union des étudiants nigériens à l'université de Niamey.
Ces manifestations se déroulent dans un contexte de relations tendues avec le gouvernement qui entend réformer le code minier.

Areva et le gouvernement nigérien sont en négociations tendues au sujet de la Somaïr et la Cominak, deux mines exploitées par Areva dans le nord du pays depuis le début des années 1970. Ces deux sites n'étaient jusqu'alors pas soumis à la nouvelle loi minière de 2006, qui porte le taux de redevance minière de l'Etat nigérien jusqu'à 12 % de la valeur des ressources extraites, en fonction des profits, alors que les royalties s'élèvent actuellement à 5,5 %.
Les négociations portent sur une nouvelle convention de dix ans, la précédente ayant expiré le 31 décembre 2013. Selon Niamey, elles achoppent sur le refus d'Areva de voir s'appliquer à ces sociétés le nouveau code minier de 2006, qui devrait générer plus de ressources pour le Niger.
Mohamed Bazoum, ministre des affaires étrangères nigérien et président du parti au pouvoir, a récemment provoqué un tollé en déclarant que les deux partenaires tentent de trouver un compromis afin d'éviter une fiscalité trop lourde pouvant conduire à la fermeture des mines, évoquant des menaces d'Areva en ce sens.

Séquestration des patrons de Goodyear

Les ouvriers se battent pour de meilleures indemnisations de licenciement (boursier) (voir ici). Une lutte pour le salaire et contre le profit qui se justifie pleinement.

Nous aurions envie de donner quelques pistes en toute modestie à ces ouvriers qui ne se laissent pas faire.

- pourquoi ne pas occuper l'usine, assurer la production et se payer soi-même, à l'instar de Lip (ici) à l'époque. Au niveau légal, ce sont les profits successifs qui ont payé l'usine (et ses actionnaires), la propriété légitime revient donc aux ouvriers

- s'il faut indemniser les actionnaires pour la perte de leur propriété, il sera facile de leur infliger une amende équivalente à leurs indemnités, voire, par gourmandise, légèrement supérieure puisqu'ils ont enfreint la loi

- puisque le problème des licenciements boursiers, pourquoi ne pas réclamer la fermeture de la bourse, la socialisation de tous les moyens de production?

- au niveau pénal, comme la propriété des actionnaire a été poussée jusqu'au fructus (ils ont pillé la richesse que produisaient les ouvriers) et à l'abusus (ils ont poussé leur droit jusqu'à fermer l'usine), pourquoi ne pas poser la question du droit de propriété qui permet des infractions manifestes au droit du travail?

- prise sous l'angle politique, cette affaire nous concerne tous, au fond, puisque nous sommes pris dans les mêmes contradictions. Tous nous voyons nos jeunes jours filer dans le travail servile au profit de profits ou dans l'angoisse du manque de ressource et d'activité du chômage; tous, nous voyons nos têtes blanchir sans que notre activité ait un sens, soit sociale, c'est-à-dire sans que la justification métaphysique du travail puisse s'incarner.

Premières mesures révolutionnaires

Notes de lecture de Eric Hazan, Premières mesures révolutionnaires, dans toutes les librairies (ou presque).

Nous en faisons une petite note parce qu'il y est clairement question d'un après emploi, qu'il y est fait mention d'un monde sans emploi. À ce titre, ce point de vue constitue une perspective possible pour quitter l'emploi.

Eric Hazan rappelle que la légitimité du système actuel, le capitalisme démocratique, est sapée à la base. La prospérité que ce système promettait n'y est plus, la paix qu'il incarnait a sombré dans les bombardements chirurgicaux et la démocratie même s'est vidée de son sens.

La désuétude du capitalisme démocratique peut être contrebalancée par le fait que les individus entreprennent leurs vies ou que la concurrence de tous contre tous nommée mondialisation les tienne en haleine. La révélation de la fin de l'ordre capitaliste se fera par contagion. Le pouvoir va s'évaporer.


En attendant, il faut créer l'irréversible. Créer des formes de vie, des modes d'organisation qui rendent le retour au pouvoir moribond impossible: il faut saper à la base les institutions (plus ou moins centralisées) et leur mode de fonctionnement formaliste qui implique une hiérarchie bureaucratique, un pouvoir institutionnel. Il s'agit d'occuper, de récupérer à un autre usage les outils du pouvoir, les salles de réunion, les téléphones, etc.

Parmi les institutions, le travail [ce que l'auteur nomme le travail, nous aurions tendance à l'appeler l'emploi, mais, derrière les mots différents, il y a une communauté d'analyse]:

Cessons de parler, de penser en termes de chômage, d'emploi (perdus, gagnés), de marché du travail. Ces mots abjects amènent à ne plus voir dans les humains que leur employabilité, à les diviser en deux classes, ceux qui ont un boulot et sont des vivants à part entière, et les autres qui sont des êtres objectivement et subjectivement diminués. (...)

Le travail au sens classique du terme - industriel ou "tertiaire" - ne reviendra pas, c'est une affaire entendue. Il ne serait d'ailleurs pas davantage revenu si l'insurrection n'avait pas eu lieu : personne ne peut croire aux incantations actuelles sur la réindustrialisation, la compétitivité, etc. Mais il y a une chose qu'on ne regrettera pas, c'est bien le travail, ce mythe fondateur qui pourrit la vie (...).

Le travail ne disparaîtra pas pour la seule raison que les structures qui l'encadrent se seront effondrées, mais par le désir d'appréhender autrement l'activité collective.

(...) il s'agit que chacun voie son existence assurée, non plus par un emploi rémunéré qui est toujours menace de le perdre et réduction à un sort individuel, mais par l'organisation même de la vie collective.

Pour abolir la propriété, il faut libérer l'accès au chose, pour produire (ou non, ou faire l'impasse sur les productions inutiles), il faut abolir l'économie et son rapport comptable aux choses et au temps.

Face à la question de la crise de civilisation, la question fasciste demeure un écueil possible même si l'antifascisme sombre dans la stérilité. Les jeux sont ouverts.


La 'grande' guerre fut une guerre de prédation

Un article du Guardian nous rappelle les enjeux économiques de la première guerre mondiale. Les guerres sont avant tout les symptômes de la guerre sociale en cours pour l'accaparement des ressources; elles sont la partie émergée de l'iceberg de l'exploitation de l'homme par l'homme au nom de la propriété lucrative.

Extrait
"Contrairement à la seconde guerre mondiale, le bain de sang de 1914-18 n'était pas une simple guerre. C'était un pillage industriel sauvage perpétré par un gang des pouvoirs impériaux coincés dans une lutte à mort pour capturer et s'accaparer des territoires, des marchés et des ressources."

À toute guerre, il faut poser la question: "cui bono?", à qui profite le crime. Et qui en est victime, qui étaient les poilus crevant sur pied, de peur, d'humidité? Qui a fait des affaires avec la guerre, qui en a profité? Pour qui a-t-on abattu les soldats qui refusaient de se battre contre leurs frères de l'autre côté?
 
 
 




Vies soldées

Vies soldées sans que la publicité ne s'en réclame. Allons-nous devoir nous équiper de rouets pour avoir accès à des vêtements qui ne sentent pas la sueur, la misère, la peur, l'enfance?

Accès à un article de Terraeco.

  • Résumé:

Le coton

- utilise énormément d'eau dans des pays en stress hydrique
- est subventionné aux États-Unis, ce qui condamne les producteurs du sud à des salaires faméliques
- le coton transgénique Bt inquiète
- les cours baissent régulièrement

La confection

- en moyenne un T-shirt est acheté 2,5€ quand il arrive en Europe
sur les conditions de travail, nous vous invitons à voir nos articles ici, ici ou ici.
- les T-shirt confectionnés en Europe reviennent à 14€



Le suicide reconnu comme accident de travail à La Poste

In memoriam

Nous exprimons nos condoléances à la famille et aux proches du cadre qui s'est suicidé. Nous exprimons notre sympathie à toutes les victimes de l'emploi, du management, de la concurrence entre services, entre collègues, entre entreprises ou entre pays.


Nous soulignons la souffrance de cet homme, nous soulignons la souffrance de tous les suicidés du travail avant leur passage à l'acte.

Le suicide d'un cadre de la Poste a été reconnu comme accident du travail par l'inspection du travail (article de l'Humanité ici).

Extrait
L'inspecteur du travail avait raconté qu'en octobre 2012, cet ancien journaliste, qui travaillait depuis une dizaine d'années à la direction de la communication du groupe, s'était vu confier l'intérim de la direction des médias internes, ce qui avait été "une période éprouvante et très anxiogène pour lui". La charge de travail s'était "beaucoup accrue" et l'ambiance dans le service "fortement dégradée". «Au regard de ces éléments et sans préjuger des conclusions de l'enquête de police dont le travail n'est pas terminé, il apparaît qu'il y a bien un lien fort entre le geste fatal (du cadre) et son travail, ce qui devrait conduire à reconnaître son décès en accident du travail», indiquait l'inspecteur, appelant La Poste à faire connaître sa position. Ce cadre stratégique, âgé de 51 ans, s'était suicidé après un arrêt maladie, lié à un syndrome d'épuisement professionnel ("burn-out").

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Sur le burn-out, reportage radio in vivo sur un suicidé à La Poste ('Les pieds sur terre' - Sonia Kronlun - France Culture). Le management à l'origine de ces suicides a tout à voir avec la logique du profit, avec une gestion du travail tournée vers la rentabilité, le gain de temps.

http://www.franceculture.fr/emission-les-pieds-sur-terre-«-burn-out-»-le-combat-d-ilma-2014-01-06

L'économie de la peur

Traduction et résumé d'un article de Paul Krugman (prix d'économie de la banque de Suède 2008) paru dans le New-York Times (ici). Nous soulignons et mettons les intertitres.

  • Contexte

Les allocations de chômage viennent d'être coupées pour plus d'un million d'Américains. Le shopping professionnel a cessé avec la crise.


En conséquence , le sort des chômeurs, déjà terrible, est sur ​​le point de devenir encore pire. Évidemment, ceux qui ont un emploi sont beaucoup mieux lotis. Pourtant, la faiblesse persistante du marché du travail a des répercussions sur eux, aussi. Alors parlons un peu de la situation des travailleurs .
Certaines personnes voudraient vous faire croire que les relations de travail sont comme toute autre opération de marché: les travailleurs ont quelque chose à vendre, les employeurs veulent acheter ce qu'ils offrent et ils passent tout simplement un accord. Mais quiconque a déjà occupé un emploi dans le monde réel (...) sait que ce n'est pas comme ça.
Le fait est que l'emploi implique généralement un rapport de force : vous avez un patron qui vous dit ce qu'il faut faire et, si vous refusez, vous pouvez être viré. Cela ne doit pas être une mauvaise chose. Si les employeurs apprécient leurs travailleurs , ils n'auront pas des exigences déraisonnables. Mais ce n'est pas une opération simple. (...)
Donc, l'emploi est une relation de pouvoir et le chômage élevé a considérablement affaibli la position déjà faible de travailleurs dans cette relation.
Nous pouvons réellement quantifier cette faiblesse en regardant le taux de démissions - le pourcentage de travailleurs qui quittent volontairement leur emploi (au lieu d'être viré) chaque mois. Évidemment, il y a beaucoup de raisons pour lesquelles un travailleur peut vouloir quitter son emploi. Abandonner un emploi pour en trouver un autre est cependant un risque, à moins que le travailleur ait déjà un nouvel emploi en vue, il ou elle ne sait pas combien de temps il faudra pour trouver un nouvel emploi et comment cet emploi tiendra la comparaison avec l'ancien.
Et le risque du papillonnage est beaucoup plus grand lorsque le chômage est élevé. Il ya beaucoup plus de gens qui cherchent un emploi qu'il y a de création d'emploi. En conséquence, on peut s'attendre à voir la hausse des taux de départ en période d'expansion tomber en période de marasme - et, de fait, il baisse. Il a même plongé pendant la récession 2007-2009 et n'a depuis que partiellement rebondi, ce qui reflète la faiblesse et l'insuffisance de la reprise économique.






  • Conséquences sur le monde du travail

 Les employeurs mènent la guerre pour l'emploi et contre le salaire; les propriétaires s'enrichissent pendant que l'emploi s'apparente de plus en plus à l'enfer sur terre. La peur au travail gonflerait les bénéfices.


Maintenant, pensez à ce que cela signifie pour le pouvoir de négociation des travailleurs. Lorsque l'économie est forte , les travailleurs sont en position de force. Ils peuvent partir s'ils sont mécontents de la façon dont ils sont traités et savent qu'ils peuvent trouver rapidement un nouvel emploi s'ils se laissent aller. Mais, lorsque l'économie est faible, les travailleurs ont une rapport de force très défavorable et les employeurs sont en mesure de les faire travailler davantage, de les payer moins ou les deux.
Il n'existe aucune preuve que ce qui se passe ? Et comment. La reprise économique est faible et insuffisante, comme je l'ai dit, tout le fardeau de cette faiblesse est supporté par les travailleurs. Les bénéfices des sociétés ont chuté au cours de la crise financière mais ont rapidement rebondi et ils ont continué à monter en flèche. En effet, à ce stade, les bénéfices après impôts sont plus de 60 pour cent plus élevés qu'en 2007, avant le début de la récession. Nous ne savons pas dans quelle mesure cette hausse du bénéfice s'explique par la peur - la possibilité de presser les travailleurs qui savent qu'ils n'ont d'alternative. Mais elle doit au moins être une partie de l'explication. En fait, il est possible (bien que pas du tout certain) que les intérêts des entreprises sont en train de faire mieux dans une économie un peu déprimé qu'ils ne le feraient avec le plein emploi .




  • Les chômeurs exclus du politique

 Cette situation exclut les chômeurs de la représentation politique.
 

De plus, je ne pense pas que ce soit trop exagéré de dire que cette réalité contribue à expliquer pourquoi notre système politique a tourné le dos à ses chômeurs. Non, je ne crois pas qu'il y ait une cabale secrète, un plan secret des élites pour maintenir la faiblesse de l'économie. Mais je pense que la principale raison pour laquelle la réduction du chômage n'est pas une priorité politique est le fait que, alors que l'économie peut être horrible pour les travailleurs, les entreprises américaines, elles, se portent bien.


  • Une conclusion employiste que nous ne suivons pas


Puis, de manière classique, l'économiste néo-keynésien prône un retour au plein emploi:
 

(...) Trop d'Américains vivent actuellement dans un climat de peur économique . Il y a beaucoup de mesures que nous pouvons prendre pour mettre fin à cet état de choses, mais le plus important est de mettre les emplois de retour sur l'ordre du jour .
Solution dans laquelle nous ne nous retrouvons absolument pas. L'emploi n'est pas la solution, du point de vue de la plateforme, mais le problème. Il faut libérer l'activité, le travail, du joug de l'investisseur et de ses dividendes imbéciles, il faut réinventer la société. Pour libérer les chômeurs de l'exclusion sociale, il faut rendre la participation sociale indépendante de l'emploi, que ce soit au niveau de la consommation, de la production, de la vie sociale ou de l'accès à la vie publique.