La guerre des graines

Nous vous partageons ce beau documentaire sur la guerre des graines.


Documentaire "La guerre des graines" - 52'

Cette vidéo montre deux logiques agricoles qui se font la guerre:

- les graines brevetées sont la propriété de grands groupes et enrichissent leurs actionnaires. Elles doivent être achetées chaque année aux compagnies privées, sont stériles, uniformes. Les agriculteurs dépendent des groupes agro-industriels qui peuvent augmenter leur prix ou changer leurs produits. Les récoltes nécessitent beaucoup d'intrants chimiques - ce qui rend le travail d'agriculteur dangereux - les rendements sont supérieurs mais, sur le long terme, les graines uniformes appauvrissent davantage les sols et sont susceptibles d'être emportées en totalité par des maladies. Comme les semences sont parfaitement uniformes, elles résistent moins bien aux prédateurs, aux moisissures. Les semences brevetées rendent le travail agricole répétitif. L'agriculteur doit investir et prendre des risques de nature spéculative puisqu'il achète ses semences à un moment donné et ne sait pas quelle valeur aura sa récolte au moment où elle sera mure.

- les graines libres sont choisie par l'agriculteur selon des procédés qui lui sont propres parmi les graines de sa récolte. Il les échange, peut mélanger les variétés cultivée dans le champ pour améliorer la résistance globale de la récolte aux maladies et aux parasites. Le choix se fait au toucher, au sentir, selon le temps de travail qui est propre à l'agriculteur. Les rendements à court terme sont moindres mais, à long terme, comme il ne faut pas de pesticides ou d'engrais pour nourrir des plantes plus rustiques, les dépenses sont moindres, le temps de travail est réapproprié.

Inutile de dire que les semences brevetées constituent un danger sanitaire pour les populations qui les mangent du fait des intrants chimiques qu'elles requièrent (sans parler des OGM dont les effets sont carrément inconnus ou sujets à controverse) et pour les agriculteurs. Les semences libres, triées par l'agriculteur présentent infiniment moins de risque.

L'Europe entend légiférer pour limiter l'usage des semences libres et encourager les semences à brevet parce que ... c'est bon pour les affaires et les affaires, c'est bon pour l'emploi.

Concurrence


PhotoLe travailleur essaie de maintenir son salaire total par unité de temps en travaillant davantage, soit en travaillant un plus grand nombre d'heures ou en produisant davantage par unité de temps. Donc, pressé par le besoin, il multiplie lui-même les effets désastreux de la division du travail. Le résultat est que plus il travaille, moins il gagne. Et c'est à cause de cette raison toute simple : plus il travaille, plus il entre en compétition avec ses camarades travailleurs, plus il les contraint à entrer en compétition avec lui et pour s'offrir les mêmes conditions dégradées que lui ; de telle sorte que, en dernière analyse, il entre en compétition avec lui-même comme membre de la classe des travailleurs.

La guerre contre le salaire


On nous signale que la note des formateurs du gouvernement suicidois belge prévoit d'enquêter sur les revenus des chômeurs.

On voit là la dérive de la logique du chômage-besoin social-charité-pouvoir d'achat. Nous rappelons que le chômage n'est pas versé à des êtres de besoin, nous rappelons que le chômage n'est pas un revenu lié à un pouvoir d'achat, nous rappelons que le chômage n'est pas une allocation caritative.

Le chômage, les allocations de chômage, sont un salaire. En tant que tel, il contribue à la création de richesse économique et reconnaît la contribution économique des producteurs hors emploi. Les activités de ces producteurs sont parmi les plus utiles, les moins nuisibles de l'ensemble de l'économie mais ce n'est pas pour cela que les chômeurs touchent des salaires. Ils touchent des salaires parce qu'ils contribuent à la création de valeur économique, quelles que soient leurs activités concrètes par ailleurs.

La confusion des formateurs entre charité et droit, entre pouvoir d'achat et salaire sert bien leur guerre contre les salaires, contre la création de valeur économique sans employeur.

Dont acte.

http://www.lalibre.be/actu/belgique/le-mr-veut-imposer-une-enquete-sur-les-revenus-des-chomeurs-53f620443570667a6394af02#8d4b8

L'Érythrée, modèle économique de la suicidoise

L'ancienne coalition est morte en Belgique, terrassée par le succès électoral de ses composants - succès assez inattendu, il faut le dire.

Une autre coalition est appelée à régner. Comme nous ne sommes pas en panne d'idées sur la plateforme, nous avons trouvé un modèle économique prêt à l'emploi pour les négociateurs plus employistes les uns que les autres.

L'Érythrée est un pays charmant. Son emblème est jaune et bleu comme

1. L'Europe
2. L'Ukraine
3. Les couleurs des partis politiques appelés araignées.

Ce beau pays se caractérise par un taux de dépenses publiques tout à fait remarquable pour nos libéraux: 27% en additionnant les dépenses de la sécurité sociale et celles de l'État pourtant assez autoritaire. Ce taux correspond d'ailleurs, par hasard, au taux d'électeurs wallons représentés dans le futur gouvernement. On pourrait aussi signaler que le nationalisme est le principal argument d'autorité du gouvernement là-bas, comme c'est le cas du principal parti de la future coalition.

Ce n'est pas tout. L'Érythrée met au travail forcé les faignants, les chômeurs, les jeunes, les travailleurs au moyen d'un service militaire allongé, obligatoire, émaillé de camps de travail forcé et, bien sûr, bénévole.

Mais, mieux encore pour les Ukrainiens, les Européens et les Suicidiens, les salaires sont ridicules en Érythrée (69% de la population sous le taux de pauvreté et salaire moyen à 38$, moins de 30€, encore moins qu'en Ukraine!), ce qui dope la compétitivité de cette nation d'avenir.

Bien sûr, les esprits chagrins diront qu'on retrouve les jeunes en fuite au fond de la Méditerranée, que le pays se classe 180e pays en matière de liberté de la presse sur ... 180, mais on n'a rien sans rien et quand on aime compter, on ne compte pas. C'est que l'idéal libéralo-suicido-européano-érythréen, ça s'assume (et tant pis pour les quelques dégâts collatéraux).

Et puis, il ne faut pas noircir le tableau, l'Érythrée bénéficie d'une assistance humanitaire médicale de ... Cuba.

En tout cas, toutes nos félicitations à la Commission Européenne (ici) et à la suicidoise (ici), toutes deux très appliquées dans la mise en œuvre du progrès érythréen.


Sources:

- le service militaire

Les Érythréens sont dans une situation invivable car leur pays est devenu l'une des pires dictatures au monde. Le président Afeworki considère son peuple, qui est contrôlé en permanence, comme son esclave. Le pays est devenu un immense camp de travail forcé. Le service militaire commence à l'âge de 17 ans et se termine à 50. C'est l'armée qui décide de tout : du métier que les citoyens doivent exercer, de l'emploi du temps et... des sévices qu'il faut subir. Ceux qui s'opposent au régime sont jetés dans des camps disciplinaires. De manière aléatoire, l'armée organise des rafles au sein de la population. Les habitants sont acheminés dans des bagnes pour des vérifications d'identité qui peuvent durer trois ou quatre jours de façon totalement arbitraire. La psychose et la paranoïa tiennent le pays dans son ensemble. Vivre en Érythrée, où l'économie est totalement délabrée, est aujourd'hui un calvaire.
Le Monde 21 janvier 2013 (ici).

- le taux de pauvreté de 69% 

Banque Mondiale (ici)

- le salaire moyen de 30€ (en 2012)

 le Journal du Net (ici)

- prélèvements obligatoires (27,9%) soit à peu près le score électoral du MR

Statistiques Mondiales (ici)

précisons en outre que le pays est surendetté (120% du PIB, ce qui est comparable à la Belgique, la dette court depuis des années et le gouvernement compte sur l'activité minière pour se renflouer, que le taux de chômage officiel est de 7,9%, lui aussi tout à fait comparable à celui de la Belgique). Ce pays est parmi les plus mal classé au monde en terme de développement humain ou pour les revenus par habitants: un modèle de modération salariale libéral.

Stage

Nous vous partageons une image de Social Class Inequality (ici, en anglais).




Traduction :

- 5,7 millions de jeunes sont au chômage en Europe (23,7%)

- 4,5 millions de diplômés et d'étudiant effectuent un stage chaque année en Europe

Les stages sont devenus une condition pour obtenir un emploi comme s'ils comblaient le fossé de compétences entre la formation académique et le métier, mais, bizarrement, la majorité de ces stages ne remplit pas cet objectif.

- 59% des stagiaires ne sont pas payés

Inégalité sociale et précarité des conditions de vie

- 40% des stagiaires travaillent sans contrat

Pas de protection sociale et pas de définition claire des tâches

- 30% des stages n'ont pas de contenu d'apprentissage

Pas d'acquisition de compétence.

Exploitation et mécanisation

Nous apprenons dans un article de l'Humanité (ici) que Foxconn, le sous-traitant des fabricants de bidules informatiques est en train de robotiser ses chaînes pour diminuer la masse salariale.

En soi, dans la logique du travail (et non de l'emploi), il faudrait se réjouir de la libération de centaines de milliers d'ouvriers astreints aux tâches les plus débiles, les plus pénibles et les plus répétitives qui soit. Mais nous ne sommes pas dans la logique du travail dans laquelle l'innovation libère, nous sommes dans la logique de l'emploi dans laquelle l'innovation condamne les ouvriers à la famine (et la machine économique à la crise). Explications.

Les salaires servent de base à la demande économique, à la dépense. Quand ils se contractent, la demande fléchit, ce qui contracte l'activité économique. La contraction de la production contraint les employeurs à licencier. Les chômeurs consomment encore moins et leurs anciens salaires manquent à la production économique qui se contracte encore ... ce qui contraint les employeurs à licencier, etc. C'est une crise de surproduction.

Ici, la mécanisation transforme la structure de la valeur ajoutée. Dans la valeur ajoutée, nous avons les dividendes, les salaires et les investissements. Quand la partie "investissement" augmente, quand la partie "amortissement des machines et acquisition de nouvelles machines" augmente relativement, la partie "salaire" diminue relativement. Le rapport entre la partie non salariale du capital, C, les outils de production, et les salaires, V, augmente. Ce rapport C/V est ce qu'on appelle la composition organique du capital.

Quand la composition organique du capital augmente, c'est le taux d'exploitation (V/C+Dividende) qui augmente. La diminution de la part des salaires et l'augmentation du taux d'exploitation entraînent - à production de biens et de services identiques - la production de valeur économique baisse.

Bref, les robots chinois tuent la demande de gadgets d'Apple que les ouvriers de l'Empire du Milieu achètent et, en plus, comme la production de machins ne demandera plus de main-d’œuvre, son prix diminuera du fait de la pression de la concurrence. Moins de prix, c'est une déflation, un effondrement économique.

La différence entre le travail et l'emploi est là: la technique est nécessairement une catastrophe économique du point de vue de l'emploi mais, du point de vue du travail, elle peut alléger le poids des tâches ingrates.

Le salaire est un coût - exégèse de 6-9 Connexions (RTBF) du 5 août 2014

Cet article est disponible en PDF ici

Nous vous partageons une exégèse, un commentaire sacré, de l'émission de radio de Robin Cornet (RC), 6-9 Connexions" du 5 août dernier (accessible ici en français mais pas pour longtemps).

Il recevait un économiste (un chrématisticien, en l'occurrence) Guiseppe Pagano (GP)).

Les extraits de l'émission sont retranscrits en retrait et nos commentaires en pleine page.

Le dispositif: un invité unique et le présentateur qui l'interroge comme personne ressource. Ce qu'affirme ce dispositif, c'est le côté soi-disant neutre de l'intervenant au nom de son expertise. Il ne s'agit pas d'une religion, d'un point de vue métaphysique mais d'une objectivité scientifique indiscutable. Notre point de vue anti-employiste rend pourtant la crypto-religion-pseudo-science de l'intervenant très discutable et, dans le concert des réactions des auditeurs, nous constatons avec plaisir que nombre d'entre eux partagent à leur niveau notre hérésie schismatique.

« les charges sur le travail sont-elles trop importantes en Belgique » (RC)

Ce n'est pas présenté comme une question mais comme une évidence indiscutée : il y a des choses qui « pèsent » sur le travail. Pourtant, même les investisseurs ne se préoccupent que de retour sur investissement et non de "coût du travail": ils embauchent plus volontiers en Finlande qu'en Érythrée.

D'autre part, dans cette affirmation sous forme de question, l'emploi est confondu avec le travail concret. Le coût du travail est le coût de l'emploi. Le coût de l'emploi est le salaire et, comme nous allons le voir, le salaire n'est en fait pas assimilable à un coût.

Le présentateur parle des fonctionnaires et des prestataires sociaux comme des charges, des coûts, ils sous-entend qu'ils ne produisent rien (ce qui est une hérésie économique, comme nous l'avons prouvé dans l'article ici)

« comment compenser le manque à gagner de l'allègement des charges ? » (RC)

Les dispositifs de cotisation créent la valeur économique alors qu'ici, leur suppression est présentée comme un manque à gagner.

« économiser 17 milliards d'€ [en « allégeant les charges »] » (RC)

C'est de la propagande. Toute diminution de « charge » disparaît du PIB mécaniquement, la diminution des prestations sociales est un manque à gagner pour les entreprises puisqu'elle dégonfle mécaniquement leur cahier de commande.

« tax liberation day » (RC)

Les taxes (confondues avec les prestations sociales pour le coup) ne sont pas libératoires, elles (?) : les routes, les hôpitaux, les médecins, les infirmières, les enseignants, les pompiers les policiers (et les hommes politiques, il faut le dire) ne sont pas des services, des prestations. Les prestataires sociaux ne servent pas l'économie, ce ne sont pas des clients qui permettent aux entreprises d'écouler leur production, non, ce sont des entraves.

Qui est entravé, qui doit être libéré ? Un esclave, une victime. Donc, le patron, l'employeur est victime, est rendu esclave du fonctionnaire et du chômeur – pas l'inverse. C'est le riche qui est victime du pauvre, le propriétaire lucratif est victime de ceux qu'il condamne à l'inactivité ou à l'activité aliénée par sa course permanente au profit.

La pensée victimaire qui caractérise les employeurs, le fait de se présenter comme victimes des agissements d'autres « méchants » justifie les actes les plus répréhensibles. Pour mémoire, Hitler se présentait comme « victime » de complots juifs ; les Américains étaient « victimes » des armes de destruction massive irakiennes ; Orban est « victime » des Roms ; Sarkozy est « victime » des rmistes, etc.

« indice contesté » (RC)
L'honneur est sauf, le présentateur l'aura tout de même dit: l'indice du Tax Liberation day est profondément idéologique, il est construit par des think tanks états-uniens libéraux. Ouf.

« la Belgique n'arrive pas en haut de la pression fiscale » (RC)

Étonnant : l'Érythrée ou Haïti sont « libérés » fiscalement (très tôt – en janvier) alors que le Danemark ou la Finlande sont libérés très tard. Quels sont les pays développés, quel est le modèle économique que l'on veut incarner, et, surtout, quel est le sens de cet indices sachant que toute baisse d'impôt ou de cotisation disparaît du salaire et du PIB et ne profite guère au travailleur.

Mais le présentateur néglige de partager ces quelques considérations et développe ce qu'il reconnaît lui-même être de la propagande patronale. Utiliser l'outrance patronale pour faire passer un point du vue inacceptable (mais moins outrancier) : le salaire est un coût.

Exemple : votre maison brûle ... non, je vais juste vous prendre 1000€.

« comment compenser le coût » (RC)

De nouveau, l'affirmation est une opération idéologique. Elle sous-entend que le coût du travail doit être compensé, que c'est un handicap, pas une richesse. Mais le coût du travail, c'est le salaire. Donc, le salaire est un handicap, une faiblesse à compenser

- « réduire les dépenses publiques »

- « réduire les remboursements des soins de santé » (GP)

alors ça va coûter aux citoyens » (GP)

Oui : il s'agit de déflation salariale, de guerre au salaire, une politique couronnée de succès dans les années trente. Une politique qui s'inscrit pleinement dans le consensus de Washington, dans l'ensemble des mesures anti-salaire mises en œuvre dans les pays surendettés avec un insuccès jamais démenti.

Les auditeurs interviennent alors dans l'émission radio : alors qu'une série d'entre eux évoque des problèmes très intéressants (y compris un indépendant qui, tout en se plaignant du coût du travail parle tout de même des aléas du carnet de commande – c'est-à-dire des indispensables salaires) le présentateur recadre sur la seule question du « coût » du travail : pour lui, le problème, c'est que le travail coûte.

Rappelons que, du point de vue de l'investisseur, seul compte le retour sur investissement, le « coût » du travail n'a aucune importance. Pour avoir un bon retour sur investissement, il faut un carnet de commande bien rempli avec des clients pleins aux as. Pour avoir des clients pleins aux as, le salaire (qu'il soit salaire poche, salaire de fonctionnaire ou salaire de prestation sociale) est déterminant. Pour l'investisseur – en dépit de l'antipathie anti-employiste qu'il nous inspire – le salaire n'est pas un coût mais la promesse de chiffre d'affaire plantureux.

Guiseppe Pagano « oublie » que les aides aux employeurs représentent déjà 11 milliards par an (voir notre article ici), que l'auditeur ne fait pas allusion aux nouvelles aides éventuelles mais à la suppression de celles existant. Mais nos aimables compères continuent leur délire victimaire.

Pour l'emploi, pour Pagano : deux leviers, la formation et le « coût ». Ces deux leviers à eux seuls, par la servilité et l'appauvrissement qu'ils impliquent, suffisent à discréditer la logique de l'emploi.

La valeur économique est créée par les salaires (pas par l'emploi, par les salaires : les fonctionnaires et les retraités touchent des salaires). La formation est une course à l'échalote. Il y a un décalage entre les offres d'emploi et les demandes d'emploi. Ce décalage n'est pas affecté par la formation. Par contre, le fait de former des employés à la place des employeurs permet de décharger l'employeur de ses responsabilités et de fiscaliser le salaire.

« est-ce que ça crée de l'emploi ? » (RC)

Quel est l'intérêt de créer de l'emploi? Le présentateur prône, au nom de l'emploi la fiscalisation de la sécu, c'est-à-dire la guerre aux salaires réels.

Comme tous pays diminuent leurs « coûts » du travail (fiscalisation de la sécu, aides aux employeurs, diminution des prestations), l'effet concurrentiel est nul au final sauf que ... les carnets de commande se sont vidés.

« la Belgique est un petit pays, les frais fixes sont répartis sur moins de citoyens ». « le coût d'une administration c'est le personnel » (GP)

Il reprend l'antienne ultra-patronale : le salaire est un coût. Accessoirement, il faudrait prévenir les micro-États genre Monaco, Luxembourg, qu'ils sont au bord de la faillite si l'on suit cette intéressante logique.

Un auditeur intervient alors et débite les mesures les plus libérales possibles. Il pousse la logique patronale dans ses derniers retranchements en partant du principe qu'on ne peut augmenter nos impôts. Il propose assez logiquement:
- une augmentation de la TVA, 
- un « alignement » des pensions du public sur le privé (mais pourquoi pas l'inverse, pourquoi condamner à la misère tous les retraités?)
- le plus délirant, la suppression des subventions à la SNCB :
c'est vrai que la route coûte infiniment moins cher au contribuable! - ce qui n'a pas échappé à Pagano d'ailleurs)
En conclusion, que des travailleurs de la fonction publique, de la télévision publique soient payés pour diffuser la propagande patronale, l'idée que le salaire est un coût, c'est normal: tout point de vue a voix au chapitre dans une démocratie. Mais il y a deux conditions: 

- que des voix différentes soient invitées à s'exprimer de la même manière, sans contradicteur pendant une demie heure
 - que l'émission religieuse anti-salariale soit consacrée comme émission religieuse et indiquée en tant que telle.

À ce moment-là, le travailleur du service public n'en aura que plus de mérite de défendre un point de vue opposé à ses intérêts de salarié.


Suite à notre exégèse sur l'émission de la RTBF de robin cornet, le journaliste nous a répondu. C'est avec grand plaisir que nous publions un résumé de sa réaction - avec son accord. Nous le remercions chaleureusement - notre anti-employisme est en effet trop souvent snobé par les gens importants que nous n'épargnons pas, il est vrai.
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Robin Cornet tient d'emblée à préciser que les invités sont engagés dans différentes organisations, qu'ils assument un point de vue nullement neutre ou scientifique.

C’est pour cela que la première chose qui leur est demandée, dans l’introduction, c’est de se positionner par rapport à la question de départ, dans un souci de transparence vis- à-vis des auditeurs. Nous essayons d'avoir un équilibre global des invités (gauche/droite ou selon d'autres clivages) sur l'ensemble des rendez-vous de la chaîne et au fil du temps sur Connexions.

Pour le journaliste, les questions ne sont pas une manière de cadrer le débat. Elles sont 

parfois volontairement provocatrices, à la fois pour faire réagir les citoyens, mais également parce que le rôle d’avocat du diable fait partie de l’exercice de l’interview.
Les thèmes choisis et la façon de les cadrer ne correspondent pas à un choix éditorial collégial mais à une volonté d'apporter de la diversité sur la Première (RTBF Radio).
Le présentateur précise qu'il ne pense pas que les fonctionnaires et les chômeurs ne produisent rien. Dont acte. Il préfère d'ailleurs le mot ‘cotisation’ au mot ‘charge’ qu'il a utilisé pour désigner les salaires socialisés. 
Les 17 milliards d'€ dont il est question ne sont pas des réductions de cotisations sociales mais des diminutions du budget de l'État. Ces 17 milliards peuvent provenir d'impôts nouveaux ou de réductions de dépenses. 
Robin Cornet distingue bien les cotisations sociales et les impôts même si nous n'avons pas perçu ce distinguo dans l'émission. Nous reconnaissons que l’émission n'a pas été le relais de la pensée patronale victimaire (les patrons sont victimes du coût des employés). Dans notre exégèse, cette considération n'engage que nous. 

Le journaliste admet que le thème de l'émission était le coût du travail mais en ayant précisé que les thèmes sont choisis dans un souci de variété et avec un esprit de provocation. Il reconnaît avec nous que Monsieur Pagano a souligné le côté absurde de la proposition de ne plus subventionner le train (la route revient plus cher) et il termine en insistant sur l'ouverture de l'émission: 
  L’émission dure de 15 à 20 minutes intro comprise. Elle est ouverte à tous. A vous aussi. 
Ont la parole tous ceux qui veulent la prendre, de la gauche radicale aux libertariens, toutes les opinions sont bienvenues (à part évidemment les messages haineux, racistes etc. Et les attaques contre la RTBF. même si je les trouve parfois justifiées... mais voilà, nous sommes quand même sur ses ondes). Vu le format, et pour pouvoir entendre plusieurs points de vue, les interventions des auditeurs sont limitées (30 à 50 sec. généralement, légèrement plus en direct).
Nous ne manquerons pas de répondre à son invitation à faire valoir des points de vue, notamment anti-employistes.
Enfin, pour revenir brièvement, sans entrer dans le détail de l’analyse, sur le fond du problème, il nous semble que poser la question de savoir quelles sont les mesures pertinentes pour réduire le coût du travail, c’est poser implicitement que le travail est un coût alors qu'il constitue, de notre point de vue, non seulement un investissement mais surtout une production.




Argumentaire anti syndrome de Stockholm


On nous rabâche toute la journée dans les médias dominants, sur les ondes, dans les organes de presse des principaux partis (et même des secondaires) et des grands syndicats un discours pro-emploi. Il s'agit d'une manifestation typique du syndrome de Stockholm : on se prend de sympathie pour les preneurs d'otage. À force d'être malmenés, on épouse même leur point de vue. Les preneurs d'otage sont les propriétaires d'entreprise, les pris en otage, c'est nous.
Alors, comme j'aime bien partager mon ignorance, j'ai développé un petit argumentaire de survie, contre l'emploi et pour le salaire. J'ai essayé de prendre les points de vue des différentes sensibilités politiques pour dénoncer la politique de l'emploi. J'insiste, je ne suis pas nécessairement proche de ces sensibilités, je prends la logique latente d'un discours pour en montrer l'opposition idéologique à l'emploi.

Commençons par un argumentaires pour interpeller les employistes de gauche :

- fondamental : l'emploi est la vente de la force de travail du prolétaire à un propriétaire, c'est un vol
- innocent : le capitaliste gagne à l'emploi, d'ailleurs il est furieux quand il y a grève. Il faut donc se battre contre l'emploi (merci Hubert)
- réformiste : l'emploi ne remet pas le système en cause, il en est le lubrifiant, le chiffre, la mécanique
- socialiste : l'emploi enrichit les patrons – et beaucoup moins les producteurs qui, sinon, ne devraient plus travailler – il est injuste, distribue les richesses des pauvres vers les riches
- écologique : l'emploi est presté par des gens sous pression économique. Faute de choix, ils doivent accepter n'importe quel boulot, y compris les plus polluants, les plus malsains
- féministe : la vie de famille pénalisera toujours celles et ceux qui s'y impliquent. Ceci touche essentiellement les femmes dans notre culture patriarcale. Elles sont donc condamnées à des positions sociales inférieures (à moins de faire l'impasse sur la vie de famille). Ceci touche également les hommes qui voudraient s'investir dans la sphère domestique, devenir plus disponible pour leur famille : ce bel engagement, cette belle volonté risquent d'être sanctionnés professionnellement – ce qui ne les motive guère.

On continue à droite :

- individualiste : la liberté ne s'accommode pas de l'aiguillon de la nécessité
- juste : l'enrichissement des propriétaires d'entreprise prive les travailleurs d'une juste rémunération
- intransigeant : l'externalisation des coûts pousse à l'irresponsabilité, au laisser-aller
- logique – par Keynes : les salaires sont dépensés et deviennent un chiffre d'affaire pour les entreprises. Le salaire soutient donc la demande, notamment pour les entreprises locales, les PME
- économiste : les cycles (« Pour la France la séquence est la suivante :
1810, 1818, 1825, 1830, 1837, 1847, 1857, 1867, 1882, 1891, 1907, guerre de 1914, 1921, 1931-32, guerre de 1940, 1952, 1963, 1974, 1983, 1993, 2002, 2008 selon Wikipédia) sont liés à de la surproduction. Les crises de surproduction se sont toujours résorbées par une relance salariale, que ce soit une guerre (extrême droite), une baisse d'impôt (droite, mais les impôts sont déjà au plus bas par rapport au niveau des finances publiques), une politique d'investissement public (soc' dem') ou une expropriation (extrême gauche).
- inquiet : si on ne distribue pas la richesse, on risque l'émeute, la révolution (ou pire une jeunesse aux cheveux longs)
- cynique : une société inégalitaire, c'est mauvais pour les affaires ; moins de temps de travail, c'est plus de temps pour consommer à condition de solvabiliser les marchés.
- absurde : les gens de droite ont bénéficié d'éducation, d'affection, de présence parentale ou amicale sans contrepartie monétaire. En toute logique, ils devraient indemniser leurs proches pour ces services.
- motivé : l'emploi décourage la créativité, la production libre, la possibilité d'entreprendre puisqu'il oriente l'activité vers le seul goût du lucre
- pratique : les entreprises ont besoin d'un Etat qui s'occupe de leurs routes, de former leur main d'oeuvre, de surveiller et réguler l'activité, de l'éducation de l'enfance, de la santé. Faute de cet outil collectif, les entreprises sont infiniment moins productives (regardez les pays sous-développés, véritables paradis libéraux)
- libéral : l'asservissement de l'humain à l'impératif de productivité est une atteinte à la dignité humaine, à la liberté de puissance, à la force du vouloir, à la volonté souveraine (complétez ou nuancez selon la sensibilité exacte de votre interlocuteur, de votre interlocutrice).

Pour l'extrême droite – je passe un peu rapidement, je n'ai pas d'affinité avec cette famille politique, n'hésitez pas à compléter :
- patriote : la grandeur d'un pays n'est pas compatible avec la vente des prestations de sa main d’œuvre à l'étranger
- nationaliste : pour être puissant, le pays doit investir dans la fonction publique

Et même pour l'extrême gauche (il y a même des employistes par là, comme quoi on est tranquille nulle part), je vais devoir être un peu abstrait, que les non-marxisants m'en excusent:
- informé : le prolétariat est le sujet révolutionnaire, pas l'emploi
- technique : le surtravail, consubstantiel à l'emploi est un vol – il intègre aussi bien l'investissement que les bénéfices.
- ingénu : Marx n'a quasiment jamais travaillé (ni Lénine, ni Luxemburg ou Trotski) dans le cadre de l'emploi, son œuvre est immense. On notera que cet argument fonctionne avec Jésus ou Smith pour la droite, Jeanne d'Arc pour l'extrême droite, Jaurès pour la gauche. Il fonctionne aussi avec tous les écrivains, les artistes, les découvreurs, une bonne partie des scientifiques (Newton, Curie, Pasteur, Galilée, etc.) – aujourd'hui encore, ils dépendent du secteur public en France, par exemple.
- historique : Guernica a été peinte par Picasso – un artiste qui n'était pas sous contrat d'emploi – et les bombes ont été jetées par des soldats, des employés du troisième Reich.
- théorique : aider l'emploi à demeurer, c'est empêcher une contradiction essentielle d'éclater en synthèse révolutionnaire, c'est ajourner la révolution alors que l'élite éclairée est sur les starting blocks (et que derrière, ça pousse aussi)
- pratique : 'quand tu bosses, ça t'empêche de préparer les tracts, de penser la révolution, quand tu rentres, t'es crevé'.
- anarchiste : la propriété, c'est le vol (au revoir les actionnaires) ; ni dieu, ni maître (au revoir patron)

Si vous vous rendez compte que vous prêchez un convaincu, n'hésitez pas à faire des choses plus intéressantes avec lui.

Merci de votre attention, n'hésitez pas à m'envoyer d'autres arguments (ou à critiquer les miens)