Confort, peine et vacuité

Nous vous partageons un article bouleversant d'un homme mûr. Sûr de ses choix prudents, cet homme est aujourd'hui confronté à la vacuité, à l'absurde d'une vie d'emploi.

Tradution de l'article de Nextshark (ici, en anglais).

Un homme révèle comment le choix du confort entre vingt et trente ans l'a amené dans une vie terriblement vide, pleine de peine (...). L'histoire de l'homme rappelle tragiquement comment ce que la société valorise le plus dans la vie est ce qui est la plus destructeur de soi.
" Salut, je m'appelle John. Ça fait un moment que je tourne autour du pot mais j'ai finalement passé le cap pour écrire ce post. J'ai besoin de décharger ma vie. De parler de moi. J'ai 46 ans, je suis banquier et j'ai vécu toute ma vie à l'opposé de ce que je voulais. Tous mes rêves, ma passion se sont évanouis. Dans un boulot stable, de 9h à 19h. Six jours par semaine. Pendant vingt-six ans. J'ai constamment choisi le chemin le plus sûr pour tout, ce qui a fini par changer celui que je suis.

Aujourd'hui, j'ai découvert que ma femme me trompait depuis dix ans. Mon fils ne ressent rien pour moi. J'ai réalisé que j'avais manqué l'enterrement de mon père POUR RIEN. Je n'ai pas terminé mon roman, je n'ai pas voyagé à travers le monde, je n'ai pas aidé les clochards. Toutes ces choses que je pensais être des certitudes pour moi adolescent. Si mon moi de jeunesse me rencontrait aujourd'hui, il me mettrait son poing, mon poing, dans la figure. Je vais expliquer comment ces rêves ont été écrasés.

Commençons par une description de moi quand j'avais vingt ans. C'était presque hier quand j'étais sûr de changer le monde. Les gens m'aimaient et j'aimais les gens. J'étais innovant, créatif, spontané, je prenais des risques et j'étais sympathique. J'avais deux rêves. D'abord, je voulais écrire un livre utopique/dystopique. Puis, je voulais parcourir la terre pour aider les pauvres et les sans-abris. Je sortais avec ma femme depuis quatre ans à l'époque. Un amour de jeunesse. Elle aimait ma spontanéité, mon énergie, ma capacité à faire rire les gens et elle se sentait aimée. Je savais que mon livre changerait le monde. Je montrerais le point de vue des "méchants" et des "tordus", en montrant à mes spectateurs que tout le monde pense différemment, que les gens ne pensent jamais que ce qu'ils font est mal. J'avais écrit 70 pages quand j'avais 20 ans. Je suis toujours à 70 pages et j'ai 46 ans. À vingt ans, j'avais baroudé en Nouvelle-Zélande et aux Philippines. J'avais le projet de traverser toute l'Asie, puis l'Europe, puis les Amériques (j'habite en Australie, au fait). Aujourd'hui, je n'ai été qu'en Nouvelle-Zélande et aux Philippines.

Nous arrivons maintenant au moment où tout en parti en vrille. Mon plus grand regret. J'avais vingt ans. J'étais fils unique. J'ai eu besoin de stabilité. J'ai eu besoin de prendre ce boulot de diplômé qui déterminerait toute ma vie. Qui consacrerait ma vie entière à un job de 9h à 19h. À quoi est-ce que je pensais? Comment aurais-je pu vivre alors que ma vie se serait réduite à mon boulot? En rentrant chez moi, j'allais préparer à manger, préparer le travail pour le lendemain et dormir à 22h pour me réveiller à 6h. Je ne peux pas me souvenir du moment où j'ai fait l'amour à ma femme pour la dernière fois.

Hier, ma femme a reconnu qu'elle me trompait depuis dix ans. Dix ans. Cela peut paraître long mais je ne peux pas saisir cette durée. Cela ne fait même pas mal. Elle dit que c'est parce que j'ai changé. Je ne suis pas celui que j'étais. Qu'ai-je fait ces dix dernières années? À part mon emploi, je n'arrive à rien dire. Je n'étais pas un bon mari. Je n'étais pas moi. Qui suis-je? Que m'est-il arrivé? Je n'ai même pas demandé le divorce, je ne lui ai pas crié dessus, je n'ai pas pleuré. Je ne sentais RIEN. Maintenant, je peux sentir une déchirure alors que j'écris ces lignes. Pas parce que ma femme me trompait mais parce que je réalise que je suis mort à l'intérieur. Qu'est-elle devenue cette personne marrante, énergique, qui prenais des risques que j'étais, cette personne désireuse de changer le monde? Je me souviens d'avoir été invité par la fille qui avait le plus de succès à l'école, je me souviens avoir décliné au profit de celle qui est maintenant ma femme. Mon Dieu, j'avais vraiment du succès auprès des filles à l'école. À l'université aussi. Mais je suis resté fidèle. Je n'ai pas exploré. J'ai étudié tous les jours.

Vous vous souvenez de tous ces voyages et ces romans dont je vous ai parlé? Tout s'est passé pendant les premières années d'université. Je travaillais à temps partiel et flambais tout ce que je gagnais. Maintenant, j'économise chaque centime. Je ne me souviens pas d'un moment que j'ai passé à m'amuser. D'un moment pour moi. Qu'est-ce que je peux bien vouloir maintenant?

Mon père est mort il y a dix ans. Je me rappelle avoir reçu des appels de ma mère. Elle me disait qu'il était toujours plus malade alors que j'étais de plus en plus occupé à la veille d'une promotion importante. Je ne l'ai pas vu une seule fois en quinze ans. Quand il est mort, je me suis dit que ça n'avait pas d'importance que je ne l'ai pas vu. En tant qu'athée, j'ai rationalisé cette mort, cela n'avait de toutes façons pas d'importance. À QUOI EST-CE QUE JE PENSAIS? Rationaliser toute chose, trouver des excuses pour tout reporter. Des prétextes. Procrastination. Tout cela a amené à une seule chose. Rien. J'ai intellectualisé que la sécurité était la chose la plus importante. Je sais maintenant que ce n'est absolument pas le cas. Je regrette de n'avoir rien fait de mon énergie alors que j'en avais. Mes passions. Ma jeunesse. Je regrette d'avoir laissé mon emploi prendre ma vie. Je regrette d'avoir été un mari épouvantable, une machine à faire de l'argent. Je regrette de ne pas avoir terminé mon roman, de ne pas avoir voyagé à travers le monde. De ne pas avoir été là émotionnellement pour mon fils. D'avoir été un foutu portefeuille sans émotion.

Si vous lisez ceci et que vous avez la vie devant vous, s'il-vous-plaît. Ne remettez pas. N'abandonnez pas vos rêves, ne les laissez pas pour plus tard. Savourez votre énergie, vos passions. Ne restez pas sur la toile pendant vos temps libres (sauf si votre passion l'exige). S'il-vous-plaît, faites quelque chose de votre vie tant que vous êtes jeunes. NE vous installez PAS à vingt ans. N'oubliez PAS vos amis, votre famille. NE vous oubliez PAS. NE gaspillez PAS votre vie, vos ambitions. Comme je l'ai fait moi. Ne soyez pas comme moi.

Désolé du long post, il fallait que ça sorte.

Retour à la chose

Nous ne résistons au plaisir de vous traduire, de vous partager cette réflexion d'Antonio Caro (dans Diagonal, ici, en espagnol).

Traduction (presque) fidèle
On a besoin de choses mais on consomme des signes. Dans la plupart de nos comportements de consommation, nous cherchons un produit qui satisfasse une nécessité spécifique mais, le plus souvent, la satisfaction de cette nécessité passe par le truchement du supersigne qui, comme l'appelait Baudrillard, constitue la marque.
Sauras-tu retrouver la marque?
La marque, en principe, nous oriente dans la forêt des objets. Quand on trébuche dans notre course à travers le supermaché ou l'hyper sur une marque connue, dont on a une image positive, on respire tranquillement. Notre tâche se réduit à sélectionner ce produit signé par une marque de confiance qui nous procure la tranquillité de réaliser un bon choix.

Mais quand on se comporte de cette façon, nous ignorons l'essentiel. [À savoir] que la marque est avant tout et comme les professionnels le savent très bien, une construction publicitaire. Que rien ne garantit que la qualité d'un produit signé par une firme de prestige soit de meilleure qualité que ses concurrents. Que, comme l'a révélé l'essor des marques blanches, la différence entre un produit qui affiche une première marque et un autre de marque bon marché se réduit bien souvent au prix.

En réalité, sous le clinquant des marques les plus prestigieuses se cachent toutes les misères du capitalisme présent. Par exemple, l'obsolescence programmée qui nous contraint à changer de produit quand il est encore en condition d'être utilisé. Par exemple, les activités de marketing sont soigneusement programmées pour que le même  produit soit adressé à deux segments distincts du marché en fonction du nombre, de l'emballage, du prix et du processus de transmutation en produit de marque. Par exemple, des mécanismes manient dans l'ombre les prédispositions qui orientent la consommation et décrètent qu'un produit est devenu vieillot, indépendamment de son état matériel, parce qu'il n'est plus à la mode.

Mais il y a beaucoup plus que cela. La marque constitue le terme ultime, la plateforme de signes qui nous isole du produit. Quand on contemple un produit à travers le prisme publicitaire, nous ne sommes généralement pas conscients à quel point ces images fascinantes, ces constructions imaginaires qui essaient de se connecter avec ce qu'il y a de plus profond en nous, ne sont, en définitive, que des courts-circuits qui nous bloquent l'accès à la matière du produit qui est, nous le verrons, inévitablement conditionnée par ce prisme publicitaire.

C'est précisément la raison pour laquelle la publicité fait appel de plus en plus à nos émotions. Il n'existe aucun type de rationalité dans le fond ni dans la forme de la logique publicitaire. Les émotions que mobilise la publicité constituent en pratique le procédé pour nous isoler face à la réalité du produit, laquelle paraît tissée à partir de ce moment-là par ce filtre d'émotivité que la publicité construit en écho à la marque.

Émotivité et plus-value

La conséquence est évidente. Dans la mesure où la marque édifie cette plateforme de signes qui nous isole du produit, elle constitue le principal instrument par le biais duquel, dans nos sociétés de consommation dans lesquelles nous vivons et que bien que peu d'analystes sociaux semblent avoir pris en compte jusqu'ici, le capitalisme génère de la plus-value. Le procédé est très simple: j'entoure le produit d'une panoplie de signes qui empêchent le consommateur d'avoir accès à sa réalité spécifique [du produit]. En faisant cela, je dispose d'une autonomie qui met le produit au service de la valorisation du capital et nos de la satisfaction de la nécessité à laquelle il semble en apparence destiné. Le résultat? Quand on consomme des signes-marques, quand on se laisse porter par cet effluve d'émotivité que la publicité construit autour des marques prestigieuses, on travaille pour le capial et contre nos intérêts spécifiques.
Sauras-tu retrouver l'ouvrière?
C'est pour cela que le retour au produit est si essentiel. C'est pour cela qu'il devient urgent d'échapper à cette atmosphère fascinante dont nous enveloppe la publicité et qui, loin d'être une nuisance contre laquelle nous nous battons chaque jour, représente le mécanisme par lequel les maîtres du capital nous sucent de la plus-value dans chaque acte de consommation, en apparence banal, que nous effectuons tous les jours.

Naomi Klein a posé le diagnostique il y a des années: "À mesure que les secrets qui reposent derrière le réseau mondial des marques seront connus par une quantité toujours plus grande de personnes, leur exaspération provoquera le grand choc politique du futur qui prendra la forme d'une grande vague de rejet frontal des entreprises transnationales et particulièrement celles dont les marques sont les plus connues."

Nous vivons aujourd'hui les premiers symptômes de ce choc. Et ainsi, chaque fois que quelqu'un examine attentivement l'étiquette d'un produit du supermarché, essayant de dévoiler la réalité du produit sous l'apparence de la marque; chaque fois qu'un participant du mouvement maker élabore un produit en valorisant ses propres aptitudes ou lieu de l'acquérir dans la grande valse des stocks, ils participent probablement sans le savoir à ce grand choc politique dont parle Klein. [Ce choc] passe, de manière inévitable, par la récupération du produit et, avec lui, du royaume de nos nécessités, face au voile imaginaire dans lequel la publicité l'emballe sous forme de marque.

La religion de l'emploi

Bernard Friot réfléchit sur la laïcité par rapport à la religion du marché de l'emploi et du crédit.

On n'a pas besoin de marché de l'emploi pour travailler,
on n'a pas besoin de banquier pour investir,
on n'a pas besoin d'employeur pour créer de la valeur économique
on n'a pas besoin de réduire le temps de travail pour augmenter la productivité.

Nous pouvons produire sans employeur, sans banquier, sans actionnaire qui nous pique notre temps et la valeur ajoutée que nous produisons, nous pouvons produire sans que le temps soit l'unité de mesure de la valeur.
Celles et ceux qui pensent que nous sommes condamnés à avoir un employeur, un banquier qui nous pique l'argent que nous devons lui rembourser (avec intérêt) et que la mesure du temps de travail fonde la valeur économique ne sont pas dans l'économie, ils sont dans la religion, dans la croyance.
Cette croyance obscurantiste transforme le travail en torture, l'humain en coût, la nature en poubelle, le plaisir en culpabilité, l'actionnaire en décisionnaire, etc.

Comme toute religion, cette croyance peut être remise en cause, peut disparaître. L'enjeu de cette mise en cause de cette religion, c'est la nature de notre temps, c'est le fait que l'humain soit considéré comme un coût, c'est le rapport à la production et au travail, c'est la liberté et la nature de la propriété.
Au nom de quoi le propriétaire lucrative décide si nous produisons, ce que nous produisons, comment nous produisons? Certainement pas au nom de l'efficacité ou de la supériorité morale de ce mode d'organisation du travail!




Conférence de Bernard Friot donnée à la Bourse du Travail à Grasse, le 27 février 2015. Partie 1/2 (partie 2 à venir).

L'emploi appauvrit

Mais oui: plus on travaille en emploi, plus on est pauvres et moins on travaille en emploi plus on a de salaire.
Ce n'est pas de l'emploi qu'il faut (ou alors vraiment le moins possible) mais du salaire.
N'hésitez pas à faire suivre aux syndicats qui braient: "de l'emploi, de l'emploi".

Les Grecs travaillent le plus d'heures en Europe. Heures de travail moyennes par semaine dans des pays de l'Union Européenne en 2013.

Quel employé es-tu? (test)

On a le souci du bien commun sur la plateforme. C'est pourquoi, nous proposons à nos courageux lecteurs un test pour déterminer leur rapport à l'emploi - maladie du siècle s'il en est.

Bien sûr, nous sommes tous plus ou moins amenés à faire des concessions, à devoir accepter un emploi de temps en temps pour payer nos factures ou pour ne pas se retrouver à la rue mais l'enjeu du test est de déterminer ce que l'emploi signifie pour nous.

Vous êtes prếts?

  • C'est parti.

1. Un chômeur, c'est
(a) quelqu'un qui doit retrouver absolument un emploi

(b) quelqu'un en parcours formation-emploi

(c) quelqu'un qui peut être utile dans votre entreprise

(d) un producteur salarié libéré d'employeur, malheureusement souvent harcelé par des administrations économiquement obtuses

2. Vous voyez une annonce pour un emploi. Il s'agit d'un stage à temps plein. Il n'est pas payé mais, selon l'annonce, offre la perspective d'un emploi en CDI à terme dans une entreprise d'envergure internationale.

(a) Les chômeurs doivent sauter sur cette offre. C'est une opportunité. Les candidats risquent de se battre pour cette offre formidable .

(b) Je peux travailler beaucoup, je suis engagé dans mon secteur d'activité. La perspective d'un CDI à terme m'intéresse beaucoup au vu du prestige de l'employeur.

(c) Quelle bonne idée, cette annonce. Je devrais en parler au DRH.

(d) Est-ce qu'on doit aussi porter un uniforme rayé?

3. Le gouvernement veut durcir les conditions d'indemnisation des chômeurs.

(a) C'est tout de même logique: il faut mériter son salaire, il faut faire des efforts et prouver qu'on a bien le droit aux allocations (je résume).

(b) Ce n'est pas grave, avec mon CV et mes expériences professionnelles, avec mes nombreux stages en entreprises (gratuits) et mes formations langue, je devrais rapidement trouver un poste.

(c) Logique après toutes les exemptions de cotisations sociales. C'est peut-être le moment de remplacer les employés les plus âgés par des collègues plus jeunes et moins remuants.

(d) Idiot, antiéconomique, réactionnaire. Dommage pour ce gouvernement que la connerie humaine ne soit pas rémunérée, ils seraient loin devant Bill Gates. Mais pourquoi les syndicats ne réagissent pas par une grève générale?

4. Nabila gagne des millions en disant: allô, non, mais quoi et dépose un brevet de propriété intellectuelle.
(a) L'argent reconnaît le mérite, la valeur. Nabila a créé de la valeur par son mérite. C'est normal qu'elle veuille défendre ses intérêts.

(b) Je ne regarde pas les autres avec jalousie. Moi, j'essaie de m'en sortir. Après tout, ce qu'on me demande au travail n'est pas toujours reluisant ni pertinent mais il faut bien gagner sa croûte et obéir.

(c) Peut-être, une campagne marketing avec elle ... J'ai quand même peur qu'elle ne passe rapidement de mode mais je crois qu'il y a moyen de lui faire faire à peu près n'importe quoi.

(d) Qui ça?

5. Un jeune apprenti maçon meurt de manière sur un chantier. Çà et là, on incrimine la négligence des entrepreneurs, le sous-financement des inspecteurs, le manque de formation du personnel et la corruption des intermédiaires
(a) C'est une erreur humaine terrible. C'est la faute à pas de chance. Quand on pense qu'on a marché sur la lune ... Mais qu'est-ce qu'on pourrait bien faire pour éviter ça?

(b) Heureusement, ce n'est pas dans mon secteur. 

(c) Quelle bande de crétins. Quand on pense qu'on peut avoir de faux indépendants roumains pour 10 € de l'heure! Un management à la petite cuiller comme ça, ça devrait être interdit.

(d) Les actionnaires sont des criminels psychopathes qui n'ont même pas le cran d'assumer les conséquences de leurs actes.

6. La politique d'austérité du gouvernement a creusé le déficit public.
(a) Il faut plus d'austérité. Il faut reculer l'âge de la retraite, baisser les salaires, diminuer les indemnisations chômage, les pensions invalidité et réduire les vacances pour rester compétitifs. Au bout d'une trentaine d'années à ce régime, quand on sera ramenés au niveau de l'Érythrée, on sera compétitifs et on aura un emploi.

(b) C'est une passe pas facile. S'il faut faire des sacrifices, s'il faut renoncer à des droits sociaux ou à du salaire pour surmonter le cap, j'y suis prêt.

(c) C'est l'État obèse, les impôts et les cotisations qui creusent les déficits. Il faut diminuer les recettes de l'État et nous n'aurons plus de déficit [comprenne qui pourra, moi, je renonce].

(d) Le problème, c'est la solution. Comme l'austérité - la guerre aux salaires et aux salariés - réduit l'économie et que c'est le problème, il n'y a qu'à investir massivement dans les salaires. Tant qu'à faire, autant investir dans des salaires sans patrons, socialiser les outils de production et démocratiser l'économie - pour rester dans le pragmatisme centriste.

7. C'est bientôt Noël.

(a) Je donne tous les ans à une organisation caritative pour orphelins bègues parce que, eux, ils n'y peuvent rien.

(b) Est-ce que j'ai bien acheté tous mes cadeaux?

(c) Bon, en gros ils ont tous encore un peu de congés à prendre. Je vais faire l'inventaire cette semaine.

(d) Encore ce matraquage publicitaire! S'ils veulent vraiment qu'on consomme, ils suffit de nous filer des salaires décents (inconditionnels et individuels).

8. J'ai mal garé ma voiture. J'en avais pour cinq minutes mais ça n'a pas manqué: j'ai droit à une contravention, à une prune.

(a) C'est tout de même incroyable, ces fonctionnaires qu'on paie à rien foutre avec nos impôts!

(b) C'est un métier utile, ça, aubergine. C'est vrai que ma voiture empêchait les gens de passer. C'est un peu difficile, cette amende, vu que j'ai déjà une hypothèque et deux crédits sur le dos mais je vais y arriver.

(c) Bon, un coup de fil à Georges Lemaire, il ne peut rien me refuser après ce qu'il me doit et ce sera réglé. Mais pourquoi est-ce que ces policiers font du zèle?

(d) Bon, d'accord, j'étais mal garé. Nom de nom. Je râle mais c'est juste - après tout j'ai abusé. 

9. Le gouvernement décide de ne pas remplacer les fonctionnaires qui partent à la retraite.

(a) C'est bien. Il faut que les gens travaillent pour gagner un salaire. Travailler, c'est se faire embaucher par un patron qui fait des bénéfices, des profits pour des actionnaires.

(b) Je travaille dans le secteur privé/ je cherche de l'emploi dans le secteur privé. Cette mesure ne me concerne pas.

(c) Des impôts en moins pour moins de fonctionnaires... c'est bien, mais qui va soigner mes ouvriers, réparer mes routes ou former mes employés?

(d) Je propose d'envoyer le gouvernement à la retraite et de faire gérer la fonction publique par les intéressés: les fonctionnaires. On va se retrouver en Érythrée avec leur politique à la noix. Il y a trente ans, le tiers-monde faisait l'objet de pitié, aujourd'hui, c'est un idéal économique.

10. Les syndicats appellent à la grève pour protester contre les baisses de salaires et (on peut rêver) le harcèlement des chômeurs.

(a) Toujours prêts à faire grève ceux-là! Heureusement, il y en a qui bossent.

(b) Je peux en profiter pour déposer des CV dans les boîtes d'intérim. Ça m'étonnerait qu'ils débraient.

(c) Grève! Quoi, ils veulent encore conquérir des droits, nous extorquer des avantages. Pourvu que le gouvernement mate vite ça, je ne pourrais pas tenir mes comptes longtemps.

(d) Il faut s'organiser pour tenir, organiser des réseaux de solidarité, parler de notre cause, partout dans le monde, avec nos camarades. Si on tient - mais ce sera dur de tenir entre le gouvernement en arme et les syndicats jaunes vifs - on peut obtenir des trucs inouïs. Et si on en profitait pour se débarrasser de l'emploi?
  • Résultats
Vous avez une majorité de 

(a): vous êtes employiste. 
Pour vous, ce n'est pas que tout travail mérite salaire; c'est que tout salaire mérite travail et, pour vous, un travail, c'est un employé qui est embauché par un patron qui va enrichir un propriétaire lucratif. Les artistes, les retraités, les syndicalistes, les chômeurs, les parents? des fainéants. Vous rêvez d'une société où tous les inutiles, les malades, les vieux n'auraient pas le droit de cité. Qu'on leur donne une aumône, un revenu de base à 400 € comme le recommandait Maris mais qu'ils ne viennent pas emmerder ceux qui bossent. Parce que, bien sûr, pour vous, ceux qui ne travaillent pas un patron ne travaillent pas vraiment. Oh, ils font des choses utiles mais ils ne travaillent pas vraiment. En Belgique (en France), il y a pour vous à peu près 2 millions et demi (15 millions) d'habitants. Les autres sont inutiles.

Vos modèles économiques: l'Érythrée et l'Ukraine. 
Vos modèles politiques: l'Union Européenne - vous aimez beaucoup Sarkozy et De Wever.

Méfiez-vous tout de même du surmenage et de la solitude, cela pourrait vous être fatal.

(b): vous êtes employable. 
Vous êtes l'employé idéal, celui qui pense à ses intérêts, certes, mais d'abord à ceux de son employeurs. Vous n'allez pas rouspéter, faire grève ou vous révolter. Vous essayez en toute circonstance de tirer votre épingle du jeu. Votre indifférence au sort de vos semblables fait de vous l'employé du mois.

Vos modèles économiques: les États-Unis et la Chine (ce qui prouve votre esprit d'ouverture, tant qu'il y a des affaires à faire).
Vos modèles politiques: vous ne faites pas de politique.

Méfiez-vous tout de même du retournement de conjoncture. Il ne sera pas nécessairement possible d'émigrer - sauf si vous être très riche mais, si vous êtes très riche, vous n'êtes pas l'employé idéal.
(c): vous êtes employeur.
Vous ne voyez pas le problème à donner du travail à ceux qui vous enrichissent même si vous aimez qu'on vous remercie pour cela. Pour vous, ils sont des coûts à réduire, ces employés. Mais ce sont des coûts que vous êtes éventuellement prêts à payer. Pour pouvoir continuer ce petit jeu.

Certains d'entre vous sont complètement sous la coupe d'actionnaires. D'autres préfèrent l'entreprise à papa, celle qui fait des usines et des boudins. Certains sont passionnés par leur activité, d'autres emploient des gens pour y penser à leur place. 

Vos modèles économiques: certains voient la sécurité sociale, les salaires d'un bon œil à condition que la concurrence doivent les payer également; d'autres voient tous ces trucs comme des coûts qui grèvent la compétitivité. Les premiers n'ont rien contre la Scandinavie, les seconds sont plus proches de l'Érythrée. Vous êtes partagés.

Méfiez-vous de l'appât du gain: le jour où vous vous en lasserez, le jour où vous voudrez être aimé pour vous-même et non plus craint pour votre argent, il sera peut-être trop tard.

(d): vous êtes des irrécupérables.
C'est certainement le plus beau compliment qu'on peut faire à quelqu'un dans une société malade. Être inadaptés à une société malsaine est un signe de santé mentale.

Vous voyez les contradictions des modèles économiques traditionnels (ou alternatifs, d'ailleurs), vous pensez que les crabes, les pingouins, les tortues et les phasmes s'en sortent très bien, qu'ils mangent, se nourrissent, se logent, se chauffent et font société sans employeurs. Vous ne voyez pas très bien pourquoi les humains n'en seraient pas capables.
Surtout, vous ne comprenez pas sur quoi repose la légitimité de celui qui emploie, qui prend de la richesse du travail d'autrui. Pour vous le salaire est aussi légitime que l'emploi est nuisible. Alors que le salaire à la personne ouvre l'économie à la démocratie, l'emploi nuit à l'environnement, à la santé mentale et physique des êtres humains. Vous ne comprenez pas au nom de quoi, parce qu'un être humain a des avoirs, il doit être obéi d'autres êtres humains alors qu'il n'a ni compétence, ni projet, ni expertise à faire valoir.

Vos modèles économiques: vous trouvez que l'économie est organisée de façon inefficace et que cela obère les ressources à long terme. Certains d'entre vous rêvent d'une société sans argent (mais sans chef); d'autres préfèrent une société salariale sans emploi, sans propriétaire lucratif, sans employeur. On peut citer pour les premiers les Nations indiennes et pour les seconds la sécurité sociale après guerre qui était entièrement gérée par les seuls salariés.

Méfiez-vous d'un excès d'idéalisme. Il vaut parfois mieux ne pas avoir raison contre la terre entière, c'est que, la solitude, ça pèse. N'hésitez pas à jeter des passerelles, des ponts, à vous amuser dans des activités extra-employiques. Tout le monde a tout à y gagner. Quant à l'intendance, comme on dit, elle suivra.

Merci patron

Les syndicats réclament de l'emploi, le leader empapillonné de l'opposition ambitionne de promouvoir l'emploi, les partis dits d'extrême gauche veulent taxer capital et capitaliste pour ... faire de l'emploi.

Comme je ne suis pas du genre à ne pas partager mon ignorance, je vous fais part de mes petites réflexions sur le sujet.

Si on veut de l'emploi, si on lutte pour de l'emploi, si on exige de l'emploi, si on ambitionne de l'emploi, le jour où on l'obtient, on dit merci.

On dit merci patron. Merci de nous donner de l'emploi
- c'est curieux, certains employistes voient pourtant bien que le patron embauche parce qu'il gagne de l'argent ce faisant, d'autres, poussant l'analyse encore plus loin voient que l'emploi capitaliste est un vol de valeur ajoutée

- pourtant, en dépit de toutes ces considérations qui devraient obérer la notion même d'emploi, les employistes de gauche réclament et ambitionnent l'emploi.
Mais, puisque l'emploi est l'objet d'une quête, le jour où est embauché, on oublie la lutte des classes, les revendications salariales, les luttes syndicales pour l'amélioration des conditions de travail: on est tellement content d'avoir un emploi: c'est d'ailleurs ce que nous disent les patrons, ne te plains pas, il y en a dix qui attendent; de quoi tu te plains, tu as un emploi, etc.

Donc, si réclamer un emploi, ambitionner un emploi est parfaitement légitime à un niveau individuel (pour ne pas crever de faim, pour faire court), assimiler cette démarche à une revendication politique soumet l'employé à l'employeur, tue les revendications sociales et syndicales, ce qui est profondément ... réactionnaire.

Et anti-économique mais, ça, c'est une autre histoire dont j'ai déjà parlé en long en large et en travers dans ce blogue.

Que la droite conservatrice formule le politique en des termes réactionnaires, c'est légitime et opportun. La pensée conservatrice doit avoir voix au chapitre dans une société démocratique, elle doit être représentée et doit être une option pour les électeurs, pour les producteurs.

Par contre, si la gauche politique, si la gauche syndicale veulent occuper le champ politique de la gauche, il est nécessaire qu'elles cessent de formuler leur horizon politique en termes réactionnaires, faute de quoi, les électeurs et les syndicalistes de gauche demeureront orphelins de toute représentation politique.

Pour formuler la demande d'emploi en termes de gauche, en termes progressistes, c'est simple. Ce qu'on veut, derrière l'emploi, c'est la dignité du salaire du producteur et la maîtrise des outils de production, la socialisation des outils de production.

Les actionnaires ont détourné 25 milliards

Ce ne sont pas les patrons qui ont "économisé" cet argent. Ce sont les actionnaires, les propriétaires qui l'ont retiré de l'économie productive en l'amassant sur des comptes virtuels aux Caïmans ou au Luxembourg.

Les profits profitent aux profiteurs.

L'argent n'a pas été économisé, il a été perdu. Il a été perdu comme moyen de stimuler l'activité pour s'équiper d'écoles, d'universités, de crèches, de transports en commun, pour produire de manière plus écologique ou encore (par exemple) pour assurer la transition énergétique. Il a contribué à jeter dans la misère les producteurs qui auraient pu porter l'ensemble de ces ambitions.
Cet argent a surtout été perdu pour l'ensemble de l'économie comme prestations sociales, comme salaires hors emploi, comme possibilité de formes de vie sans employeur.

La ponction de 25 milliards (en France) représente plus de 1% du PIB. Comme cette ponction se reproduit chaque année et qu'elle prive de l'économie une masse monétaire perdue dans des coffres de propriétaires lucratifs insatiables, on peut parler de saignée.

Mais sous la houlette des Macrons, les employeurs et leurs actionnaires vont encore proliférer au nom de ... l'emploi et au détriment de l'économie, des salaires hors emploi.

Voir l'article de Challenge

Extrait
Les exonérations de cotisations de sécurité sociale ont représenté 27,6 milliards d'euros en 2012 (-2,2% par rapport à 2011), dont 25,6 milliards de cotisations patronales, selon les chiffres publiés vendredi 6 décembre par l'Acoss, la caisse nationale des Urssaf.
Ces exonérations, qui représentent 8,9% du total des cotisations dues aux Urssaf, sont notamment destinées à baisser le coût du travail pour les employeurs. L'Etat compense ce manque à gagner pour la sécurité sociale à hauteur de 90%.
En 2012, le montant global des exonérations est de nouveau en diminution (-2,2%), après une baisse de 5,7% l'année précédente.
Les allègements généraux sur les bas et moyens salaires (inférieurs à 1,6 Smic), mis en place à partir de 1993, représentent 80% de l'ensemble des exonérations. Ils sont en baisse en 2012 (-2,3%), sous l'effet notamment de la modification de la législation relative aux heures supplémentaires.

5% de la masse salariale dans le privé

Dans le secteur privé, les exonérations de cotisations représentent 5% de la masse salariale.
Parallèlement, les Urssaf ont encaissé l'année dernière un total de 316,5 milliards d'euros, un chiffre en hausse de 4% par rapport à 2011.
Cette progression fait suite à une augmentation exceptionnelle de 14,3% en 2011, liée notamment au transfert aux Urssaf du recouvrement des contributions d'assurance chômage et de la cotisation au régime de garantie des salaires.