Merci patron

Les syndicats réclament de l'emploi, le leader empapillonné de l'opposition ambitionne de promouvoir l'emploi, les partis dits d'extrême gauche veulent taxer capital et capitaliste pour ... faire de l'emploi.

Comme je ne suis pas du genre à ne pas partager mon ignorance, je vous fais part de mes petites réflexions sur le sujet.

Si on veut de l'emploi, si on lutte pour de l'emploi, si on exige de l'emploi, si on ambitionne de l'emploi, le jour où on l'obtient, on dit merci.

On dit merci patron. Merci de nous donner de l'emploi
- c'est curieux, certains employistes voient pourtant bien que le patron embauche parce qu'il gagne de l'argent ce faisant, d'autres, poussant l'analyse encore plus loin voient que l'emploi capitaliste est un vol de valeur ajoutée

- pourtant, en dépit de toutes ces considérations qui devraient obérer la notion même d'emploi, les employistes de gauche réclament et ambitionnent l'emploi.
Mais, puisque l'emploi est l'objet d'une quête, le jour où est embauché, on oublie la lutte des classes, les revendications salariales, les luttes syndicales pour l'amélioration des conditions de travail: on est tellement content d'avoir un emploi: c'est d'ailleurs ce que nous disent les patrons, ne te plains pas, il y en a dix qui attendent; de quoi tu te plains, tu as un emploi, etc.

Donc, si réclamer un emploi, ambitionner un emploi est parfaitement légitime à un niveau individuel (pour ne pas crever de faim, pour faire court), assimiler cette démarche à une revendication politique soumet l'employé à l'employeur, tue les revendications sociales et syndicales, ce qui est profondément ... réactionnaire.

Et anti-économique mais, ça, c'est une autre histoire dont j'ai déjà parlé en long en large et en travers dans ce blogue.

Que la droite conservatrice formule le politique en des termes réactionnaires, c'est légitime et opportun. La pensée conservatrice doit avoir voix au chapitre dans une société démocratique, elle doit être représentée et doit être une option pour les électeurs, pour les producteurs.

Par contre, si la gauche politique, si la gauche syndicale veulent occuper le champ politique de la gauche, il est nécessaire qu'elles cessent de formuler leur horizon politique en termes réactionnaires, faute de quoi, les électeurs et les syndicalistes de gauche demeureront orphelins de toute représentation politique.

Pour formuler la demande d'emploi en termes de gauche, en termes progressistes, c'est simple. Ce qu'on veut, derrière l'emploi, c'est la dignité du salaire du producteur et la maîtrise des outils de production, la socialisation des outils de production.