Au fond

Au fond, ils n'aiment pas la créativité des artistes, leur inventivité, leur impertinence, leur irréductible liberté, leur mode de vie, leur passion, leur fougue, leurs rencontres, ils transforment l'art et la culture en placements,

ils détestent le temps des chômeurs, temps de l'amitié, de l'écoute, du partage, temps des enfants, de la famille, des voisins, des loisirs plus ou moins gratuit, ils ne supportent pas leurs plans, leur débrouille, leur inventivité quand il s'agit de mener une vie pas chère, leur gouaille, leurs bonnes affaires, leur sens de l'entraide

ils haïssent le talent, le savoir-faire, la précision, la qualification, la belle ouvrage des artisans, ils les veulent soumis au chiffre, à l'efficacité managériale, aux tâches répétitives,

ils craignent le dévouement des infirmières, le soin des médecins, la patience des aide-soignantes, ils les veulent rapides, contrôlables, rentables, ils veulent faire de l'argent avec les malades et avec les personnes âgées

ils ne comprennent pas le jeu des enfants, l'apprentissage par l'erreur, le temps partagé, l'éducation, la patiente correction, ils ne comprennent pas l'appétit, la soif d'apprendre, le plaisir, le goût, l'exigence et le dilettantisme, ils ne comprennent pas la découverte, la déconvenue, la tentative, l'essai, la recherche, ils sont étrangers aux chercheurs, à la science, à la découverte, au plaisir, au temps partagé

ils sont terrorisés par la liberté, par le travail de la femme et de l'homme qui transforme la nature, qui devient, qui échange, qui apprend, ils pensent que ce sont des coûts, des vieilleries, des fossiles

ils dénoncent le travail méticuleux, consciencieux du fonctionnaire, le courage du pompier, la patiente passion du pédagogue, la douceur du service, l'importance du lien social du facteur, la probité du journaliste, l'enquête méticuleuse de l'inspecteur, ils veulent tout acheter, ils veulent que tous se vendent et contribuent à l'accumulation de leurs profit

au fond, c'est notre vie qu'ils détestent et il serait bon que nous leur rendions la pareille, que nous détestions leur mentalité boutiquière, radine, mesquine, comptable, grise, triste, machinique; il serait bon que nous nous débarrassions de leurs N+1, de leurs cravates, de leurs protocoles, de leurs uniformes humiliants, de leur hiérarchie imbécile, de leur avidité

au fond, il faudrait libérer le travail de l'emploi et la propriété du lucre, au fond, il faudrait que nous osions notre liberté.

Il y a 100 ans, deux voix parlaient contre la guerre au prolétariat

Au Cirque Royal, à Bruxelles, Jaurès et Luxemburg participaient à une réunion du Bureau Socialiste International, pour la fraternité, pour conjurer la guerre qui se préparait en arguant que cette guerre serait celle de l'argent contre les prolétaires.

Jaurès (texte mis à disposition sur le site Dormira jamais ici) a, à cette occasion prononcé le discours qui suit.


Jaurès est accueilli par de longues acclamations On crie: « Vive Jaurès!  » « Viva la France! » « Vive la République! »
Citoyens, je dirai à mes compatriotes, à mes camarades du parti en France, avec quelle émotion j’ai entendu, moi qui suis dénoncé comme un sans-patrie, avec quelle émotion j’ai entendu acclamer ici, avec le nom de la France, le souvenir de la grande Révolution. (Applaudissements)
Nous ne sommes pas ici cependant pour nous abandonner à ces émotions mais pour mettre en commun, contre le monstrueux péril de la guerre, toutes nos forces de volonté et de raison.
On dirait que les diplomaties ont juré d’affoler les peuples. Hier, vers 4 heures, dans les couloirs de la Chambre, vint une rumeur disant que la guerre allait éclater. La rumeur était fausse, mais elle sortait du fond des inquiétudes unanimes! (...) il paraît qu’on se contentera de prendre à la Serbie un peu de son sang, et non un peu de chair (Rires); nous avons donc un peu de répit pour assurer la paix. Mais à quelle épreuve soumet-on l’Europe! À quelles épreuves les maîtres soumettent les nerfs, la conscience et la raison des hommes!
Quand vingt siècles de christianisme ont passé sur les peuples, quand depuis cent ans ont triomphé les principes des Droits de l’homme, est-il possible que des millions d’hommes puissent, sans savoir pourquoi, sans que les dirigeants le sachent, s’entre-déchirer sans se haïr?
Il me semble, lorsque je vois passer dans nos cités des couples heureux, il me semble voir à côté de l’homme dont le cœur bat, à côté de la femme animée d’un grand amour maternel, la Mort marche, prête à devenir visible! (Longs applaudissements).
Ce qui me navre le plus, c’est l’inintelligence de la diplomatie. (Applaudissements) (...)
Si c’est la politique des majestés, je me demande si l’anarchie des peuples peut aller plus loin. (Rires et applaudissements)
Si l’on pouvait lire dans le cœur des gouvernants, on ne pourrait y voir si vraiment ils sont contents de ce qu’ils ont fait. Ils voudraient être grands; ils mènent les peuples au bord de l’abîme; mais, au dernier moment, ils hésitent. Ah! le cheval d’Attila qui galopait jadis la tête haute et frappait le sol d’un pied résolu, ah! il est farouche encore, mais il trébuche (Acclamations). Cette hésitation des dirigeants, il faut que nous la mettions à profit pour organiser la paix.
Nous, socialistes  français, notre devoir est simple. Nous n’avons pas à imposer à notre gouvernement une politique de paix. Il la pratique. Moi qui n’ai jamais hésité à assumer sur ma tête la haine de nos chauvins, par ma volonté obstinée, et qui ne faillira jamais, de rapprochement franco-allemand (Acclamations), moi qui ai conquis le droit, en dénonçant ses fautes, de porter témoignage à mon pays, j’ai le droit de dire devant le monde que le gouvernement français veut la paix et travaille au maintien de la paix. (Ovation. Cris: « Vive la France! »)
(...) « Nous ne connaissons qu’un traité: celui qui nous lie à la race humaine! Nous ne connaissons pas les traités secrets! » (Ovation)
Voilà notre devoir et, en l’exprimant, nous nous sommes trouvés d’accord avec les camarades d’Allemagne qui demandent à leur gouvernement de faire que l’Autriche modère ses actes. Et il se peut que la dépêche dont je vous parlais tantôt provienne en partie de cette volonté des prolétaires allemands. Fût-on le maître aveugle, on ne peut aller contre la volonté de quatre millions de consciences éclairées. (Acclamations)
Voilà ce qui nous permet de dire qu’il y a déjà une diplomatie socialiste, qui s’avère au grand jour et qui s’exerce non pour brouiller les hommes mais pour les grouper en vue des œuvres de paix et de justice. (Applaudissements)
Aussi, citoyens, tout à l’heure, dans la séance du Bureau Socialiste International, nous avons eu la grande joie de recevoir le récit détaillé des manifestations socialistes par lesquelles 100 000 travailleurs berlinois, malgré les bourgeois chauvins, malgré les étudiants aux balafres prophétiques, malgré la police, ont affirmé leur volonté pacifique.
Là-bas, malgré le poids qui pèse sur eux et qui donne plus de mérite à leurs efforts, ils ont fait preuve de courage en accumulant sur leur tête, chaque année, des mois et des années de prison, et vous me permettrez de leur rendre hommage, et de rendre hommage surtout à la femme vaillante, Rosa Luxemburg (Bravos), qui fait passer dans le cœur du prolétariat allemand la flamme de sa pensée. Mais jamais les socialistes allemands n’auront rendu à la cause de l’humanité un service semblable à celui qu’ils lui ont rendu hier. Et quel service ils nous ont rendu à nous, socialistes français!
Nous avons entendu nos chauvins dire maintes fois: « Ah! comme nous serions tranquilles si nous pouvions avoir en France des socialistes à la mode allemande, modérés et calmes, et envoyer à l’Allemagne les socialistes à la mode française! » Eh bien! hier, les socialistes à la mode française furent à Berlin (Rires) et au nombre de cent mille manifestèrent. Nous enverrons des socialistes français en Allemagne, où on les réclame, et les Allemands nous enverront les leurs, puisque les chauvins français les réclament. (Applaudissements)
Voulez-vous que je vous dise la différence entre la classe ouvrière et la classe bourgeoise? C’est que la classe ouvrière hait la guerre collectivement, mais ne la craint pas individuellement, tandis que les capitalistes, collectivement, célèbrent la guerre, mais la craignent individuellement. (Acclamations) C’est pourquoi, quand les bourgeois chauvins ont rendu l’orage menaçant, ils prennent peur et demandent si les socialistes ne vont pas agir pour l’empêcher. (Rires et applaudissements)
Mais pour les maîtres absolus, le terrain est miné. Si dans l’entraînement mécanique et dans l’ivresse des premiers combats, ils réussissent à entraîner les masses, à mesure que les horreurs de la guerre se développeraient, à mesure que le typhus achèverait l’œuvre des obus, à mesure que la mort et la misère frapperaient, les hommes dégrisés se tourneraient vers les dirigeants allemands, français, russes, italiens, et leur demanderaient: quelle raison nous donnez-vous de tous ces cadavres? Et alors, la Révolution déchaînée leur dirait: « Va-t-en, et demande pardon à Dieu et aux hommes! » (Acclamations)
Mais si la crise se dissipe, si l’orage ne crève pas sur nous, alors j’espère que les peuples n’oublieront pas et qu’ils diront: il faut empêcher que le spectre ne sorte de son tombeau tous les six mois pour nous épouvanter. (Acclamations prolongées)
Hommes humains de tous les pays, voilà l’œuvre de paix et de justice que nous devons accomplir!
Le prolétariat prend conscience de sa sublime mission. Et le 9 août, des millions et des millions de prolétaires, par l’organe de leurs délégués, viendront affirmer à Paris l’universelle volonté de paix de tous les peuples.


 Quant à Rosa Luxemburg, nous n'avons pu retrouver son discours prononcé alors mais, le premier mai 1913, l'année précédente, elle tenait ce discours dont les faits, la temporalité semblent étrangement actuels:


  En mai 1886, la crise semblait dépassée, l'économie capitaliste de nouveau sur les rails de la croissance.

On rêvait de d'un développement pacifique : les espoirs et les illusions d'un dialogue pacifique et raisonnable entre travail et capital germaient ; le discours de la « main tendue à toutes les bonnes volontés » perçait ; les promesses d'une « transition graduelle au socialisme » dominaient ».

Crises, guerres et révolution semblaient des choses du passé, l'enfance de la société moderne : le parlementarisme et les syndicats, la démocratie dans l’État et la démocratie sur le lieu de travail étaient supposées ouvrir les portes d'un nouvel ordre, plus juste. 
L'histoire a soumis toutes ces illusions à une épreuve de vérité redoutable. A la fin des années 1890, à la place du développement culturel promis, tranquille, fait de réformes sociales, commençait une phase de violent aiguisement des contradictions capitalistes – un boom avec ses tensions électriques, un krach avec ses effondrements, un tremblement de terre fissurant les fondements de la société.

Dans la décennie suivante, une période de dix ans de prospérité économique fut payée au prix de deux crises mondiales violentes, six guerres sanglantes, et quatre révolutions sanglantes.

Au lieu des réformes sociales : lois de sécurité, répression et criminalisation du mouvement social. Au lieu de la démocratie industrielle : concentration extraordinaire du capital dans des ententes et trusts patronaux, et plans de licenciement massifs. Au lieu de la démocratie dans l'Etat : un misérable écroulement des derniers vestiges du libéralisme et de la démocratie bourgeoise.

La classe ouvrière révolutionnaire se voit aujourd'hui globalement comme seule, opposée à un front réactionnaire uni des classes dominantes, hostile mais ne se maintenant que par leurs ruses de pouvoir.
 

Le signe sous lequel l'ensemble de cette évolution, à la fois économique et politique, s'est consommée, la formule à laquelle elle renvoie, c'est l'impérialisme.
Rien de nouveau, aucun tournant inattendu dans les traits généraux de la société capitaliste. Les armements et les guerres, les contradictions internationales et la politique coloniale accompagnent l'histoire du capitalisme dès sa naissance.

Nous ne sommes que dans la phase d'intensification maximale de ces contradictions. Dans une interaction dialectique, à la fois la cause et l’effet de l'immense accumulation de capital, par l'intensification et l'aiguisement de ces contradictions tant internes, entre capital et travail, qu'externes, entre Etats capitalistes – l'impérialisme a ouvert sa phase finale, la division du monde par l'offensive du capital.

Une chaîne d'armements infinis et exorbitants sur terre comme sur mer dans tous les pays capitalistes du fait de leurs rivalités ; une chaîne de guerres sanglantes qui se sont répandues de l'Afrique à l'Europe et qui a tout moment peut allumer l'étincelle qui embrasera le monde.
Si on y ajoute le spectre incontrôlable de l'inflation, de la famine de masse dans l'ensemble du monde capitaliste. Chacun de ces signes est un témoignage éclatant de l'actualité et de la puissance de l'idée du 1er mai.

L'idée brillante, à la base du Premier mai, est celle d'un mouvement autonome, immédiat des masses prolétariennes, une action politique de masse de millions de travailleurs qui autrement auraient été atomisées par les barrières des affaires parlementaires quotidiennes, qui n'auraient pour l'essentiel pu exprimer leur volonté que par le bulletin de vote, l'élection de leurs représentants.

La proposition excellente du français Lavigne au Congrès de Paris de l'Internationale ajoutait à cette manifestation parlementaire, indirecte de la volonté du prolétariat, une manifestation internationale directe de masse : la grève comme une manifestation et un moyen de lutte pour la journée de 8 heures, la paix mondiale et le socialisme.
Et cette idée, cette nouvelle forme de lutte, a donné un nouvel élan au mouvement cette dernière décennie ! La grève de masse a été reconnu internationalement comme une arme indispensable de la lutte politique.

Comme action, comme arme dans la lutte, elle revient sous des formes et des nuances innombrables dans tous les pays, ces quinze dernières années.

Pas étonnant ! Le développement dans son ensemble de l'impérialisme dans la dernière décennie conduit la classe ouvrière internationale à voir plus clairement et de façon plus tangible que seule la mise en mouvement des masses, leur action politique autonome, les manifestations de masse et leurs grèves ouvriront tôt ou tard une phase de luttes révolutionnaires pour le pouvoir et pour l'Etat, peuvent apporter une réponse correcte du prolétariat à l'immense oppression que produit les politiques impérialistes.

En cette période de course aux armements et de folie guerrière, seule la volonté résolue de lutte des masses ouvrières, leur capacité et leur disposition à de puissantes actions de masse, peuvent maintenir la paix mondiale et repousser la menace d'une guerre mondiale.


Et plus l'idée du Premier Mai, l'idée d'actions de masse résolues comme manifestation de l'unité internationale, comme un moyen de lutte pour la paix et le socialisme, s'enracinera, et plus notre garantie sera forte que de la guerre mondiale qui sera, tôt ou tard, inévitable, sortira une lutte finale et victorieuse entre le monde du travail et celui du capital.
 
In Leipziger Volkszeitung, 30 avril 1913
 
Repris sur  http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

Exploitation des sans papier

RTL enquête (très brièvement, ici, en français) sur les conditions de travail des sans papier en Belgique. Leurs salaires insignifiants sont versés de manière aléatoire: les employeurs profitent de leur statut d'illégal. Comme les sans papier ne sont pas légaux sur le territoire, ils ne peuvent faire valoir leurs droits - tout bénéfice pour des employeurs sans scrupules.

Extrait

Un phénomène inquiétant tend à se développer chez nous. De plus en plus de sans papiers sont exploités sur le marché du travail. 1500 dossiers du genre ont été ouverts par la justice. Un de ces esclaves des temps modernes a accepté de nous livrer son témoignage.

Malik est sans-papier. En 2005, il s'est installé en Belgique, et s'est fait embaucher dans une petite entreprise. Mais très vite, son salaire diminue, et varie entre 300 et 600 euros par mois. Il comprend alors que son patron profite de sa situation irrégulière.
"J'avais un boulot stable, et ça allait. Mais un jour, il n'a plus voulu me payer: je considère qu'il m'a arnaqué, qu'il m'a exploité", a expliqué Malik à une journaliste de RTL-TVI.
 Voir nos articles:
racisme
concurrence
salaire
esclavagisme

L'exploitation des émigrés est malheureusement universelle: voir aussi les articles sur les conditions de travail au Qatar (ici), au Liban (ici), dans la Silicon Valley (ici) ou sur le massacre de Aiguës-Mortes (ici), par exemple. Pour l'histoire, on se souviendra des Irlandais que les employeurs faisaient venir en Angleterre pour briser les mouvements sociaux, on se souviendra des Flamands qui descendaient dans les mines du nord de la France et de Wallonie, on se souviendra des Italiens venus extraire le charbon belge, on se souviendra des Algériens qui ont construit les bâtiments et les autoroutes pendant les trente glorieuses, etc. On se souviendra de Zola, fils d'immigrés italiens, de Marie Curie, immigrée polonaise, de Einstein, immigré allemand, de Ionesco, immigré roumain et même de Zemmour, fils d'immigré algériens ou de Sarkozy, petit-fils d'immigré hongrois, on se souviendra d'Onkelinks, de Di Rupo, de De Meyer, tous fils et fille d'immigrés, flamands ou italiens.

Notre opposition à toute forme d'emploi est liée à un rejet de toute forme de concurrence - parmi ces formes de concurrence, celles qui jouent sur l'immigration sont les plus violentes, les plus inhumaines. L'abolition de l'emploi, c'est la libération de l'asservissement des employés aux employeurs via l'aiguillon de la nécessité, aiguillon particulièrement cruel dans le cas des apatrides, c'est l'émancipation du travail, la collaboration, l'apprentissage, la soif de rencontre et l'intelligence commune de l'efficacité ou du plaisir.

L'Abolition des privilèges


La révolution française dont nous commémorons l'anniversaire a aboli les privilèges de la noblesse (c'était le quatre août 1789). Sous la pression du peuple en colère, elle a institué l'égalité en droit de toutes et de tous.

Il ne reste rien de l'égalité, de la démocratie quand on passe les portes de l'entreprise. Les privilèges demeurent, ils sont l'apanage des actionnaires, des propriétaires de l'entreprise, des employeurs.

Aujourd'hui, les officines de harcèlement des chômeurs les "relookent" pour les rendre employables, comme des objets sexuels qu'il s'agit de faire valoir,

aujourd'hui, le droit à la démocratie, au libre-arbitre ou à la libre-pensée demeure en dehors du monde de l'emploi,

aujourd'hui, ceux qui ont achètent et contrôlent le temps des autres qui n'ont rien et sont contraints de se plier au diktat des premiers.

225 ans après l'abolition des privilèges, tout est à refaire - et en premier lieu à cesser d'écouter les sirènes des "amis" prêts à nous vendre la soumission en kit au nom d'un improbable réalisme. La révolution française est encore à faire, les privilèges sont encore à abolir.

Les festivités sinistres autour du folklore de la commémoration de l'irruption du peuple dans l'Histoire ne sont que des cache-misère à cette réalité: toutes les injustices de l'ancien régime ont été reconstituées, du droit de cuissage à la gabelle, du droit de chasse aux droits de passage, du droit de naissance à la misère des travailleurs. Ces injustices sont le chiffre, le signe d'une économie soumise à l'argent mort, d'une économie de soumission de la vie à l'emploi, à l'utilisation mercantile de l'humain, de la volonté, de la passion et le puissance de nous et nos pairs.

Quel roi faudra-t-il détrôner, quel droit divin faudra-t-il démonter pour que, enfin, la liberté du travail soit libérée du joug de la propriété lucrative, quand les marchands de temps gris en auront-ils fini avec nos nuages, avec nos rêves, avec nos mains, nos cœurs, notre travail social, notre qualification? Quand les propriétaires lucratifs cesseront-ils de nous piller, de ronger notre temps, d'utiliser nos qualifications et notre énergie pour faire de l'argent? Quand abolirons-nous ce privilège exorbitant, le privilège de pouvoir se servir d'un être humain acculé par la misère pour faire de l'argent, quand mettrons-nous l'aiguillon de la nécessité hors la loi, quand mettrons-nous la propriété lucrative hors la loi?

Quand deviendrons-nous des citoyens libres de nos actes, de notre travail, de notre créativité, de notre rapport au temps, de nos rêves, de nos usines et de nos bureaux? quand cesserons-nous de nous incliner devant la noblesse de l'actionnariat, de l'employeur, quand pourrons-nous parler entre égaux au travail, quand pourrons-nous dire ce qu'on pense, décider ce qu'on fait et comment, quand serons-nous des êtres de droits, quand est-ce que la République passera les portes de l'usine ou du bureau? 


Bonne fête à tous, donc et ne vous faites pas distraire par les cérémonies ronflantes: la République doit encore être construite, la citoyenneté doit s'étendre à l'économique, la liberté du producteur doit être proclamée, l'égalité des êtres humains - propriétaires ou producteurs - doit être fondée et la fraternité doit s'incarner pour les chômeurs, pour les retraités, pour travailleurs avec ou sans emploi et passer les portes de l'usine et du bureau.

Le PPES

Pour faire avancer les débats démocratiques, nous suggérons la création du parti pour l'élimination des salaires (PPES). Tous les partis, tous les syndicats qui souhaitent diminuer les cotisations ou les prestations sociales, qui souhaitent dégrader les conditions de travail (augmenter ce que, en termes marxistes, on appelle le taux d'exploitation) ou diminuer les salaires directs en les finançant par les impôts ou en en baissant le montant.

Tony Blair et Gerard Schröder méritent assurément le titre de membres d'honneur du PPES. François Hollande et Elio di Rupo n'ont pas non plus démérité pour le PPES. Les syndicats co-gestionnaires de nos salaires, les patrons, le Medef ou la FEB sont membres de plein droit du PPES.

L'Europe a été conçue comme officine du PPES. Tous les partis libéraux et sociaux-démocrates en sont les pierres angulaires. Les PS, les UMP (ou MR), les chrétiens ou les groupes d'extrême-droite (FN), le PS européen ou le PPE conservateur, dénoncent tous les salariés sociaux comme des coûts, ils prônent tous la réduction des "charges" (et des prestations) sociales pour ... rester compétitifs. Le FN a proposé de réduire les cotisations sociales des bas salaires (l'État épongeant le manque à gagner), Manuel Valls l'a fait. Le PS français vient de signer le pacte de responsabilité; le PS belge a signé le plan d'exclusion des chômeurs; les partis de droite et d'extrême-droite proposent de faire plus fort, d'aller plus vite pour garantir la "compétitivité" des entreprises, pour réduire les "coûts".

J. Prévert
Les syndicats approuvent devant les travailleurs médusés mais le PPESS atteint peu à peu ses objectifs. Les salaires réels stagnent ou baissent, les prestations sociales se dégradent (et le PIB diminue, les supermarchés pour classes moyenne doivent baisser leur voilure faute de clients), ce qui installe la crise durablement. Les conditions de travail se dégradent aussi (du fait de la concurrence entre travailleurs par le recours aux travailleurs détachés), les gens travaillent plus longtemps, dans des conditions de sécurité dégradées, les horaires coupés se généralisent, le harcèlement managérial et les heures sup' gratuites se multiplient alors que le chômage de masse de généralise. Le PPES a la solution: continuons ce qui ne marche pas, mais continuons-le plus fort.

Puis, comme l'actionnaire engraisse, comme la valeur de l'argent est préservée des affres de l'inflation, l'activité réelle, elle, reste morose. Et c'est même pire. Les gens sous la pression de leurs salaires faméliques prennent n'importe quel emploi; les actionnaires font faire n'importe quoi pour peu qu'ils conservent leurs marges.

Mais ce n'est pas grave - plus de 20 millions de chômeurs en Europe, ce n'est pas grave pour le PPES. Face à la chronique d'une crise et de guerre annoncées, les opposants, la gauche ou les syndicats ont la solution: l'emploi. Seulement, pour obtenir le sésame de l'emploi, il faut consentir à quelques sacrifices au premier rang desquels, le salaire et les conditions de travail. Le PPES s'élargit alors au Front de Gauche, à Syriza ou au PTB. Le drapeau rouge qui se battait pour l'émancipation, pour la liberté des ouvriers, pour les congés payés, pour la retraite, se bat maintenant pour l'emploi - un emploi de gauche: on va baisser le "coût" du travail, le salaire en taxant les riches, hein!

À quand un parti pour le salaire? À quand un parti qui considère que le salaire est la source de la richesse de l'économie et que l'emploi est une forme pernicieuse d'esclavage?

Des emplois sans employé

Le Soir nous répète dans une énième crise de sa forme dramatique de la maladie de la Tourette que certains emplois cherchent des preneurs. C'est vrai: indépendants à 10€ l'heure pour des bac+5 (soit 3€ en poche) ou employés payés 5€ l'heure (ou quatre, ou trois, ou deux, ou un, ou rien) avec des horaires coupés.

Baissez les salaires et il n'y aura plus personne pour prendre les emplois. Si les emplois ne trouvent pas preneurs, c'est parce qu'ils ne sont pas assez payés (selon la loi de l'offre et de la demande). Employeurs, cessez de geindre et augmentez vos prix si vous ne trouvez pas preneurs. Ça, c'est pour la forme.

Pour le fond, on ne voit pas pourquoi

- on donne voie au chapitre à des employeurs qui profitent du chômage de masse

- on attribue le moindre crédit à ces pleurnicheries patronales puisque le taux de chômage dépasse - et de loin - le taux d'emplois non attribués (dans un facteur de un à vingt si ma mémoire est bonne)

- on laisse des gens insinuer que les salariés sont des paresseux qui fuient le travail. Le problème, ce ne sont pas les postes qui ne trouvent pas employés mais les postes qui doivent gaver les employeurs, les vrais paresseux, les vrais parasite qui sabotent l'organisme social qu'ils squattent


- on attribue la moindre importance à ces emplois non attribués (un emploi non payé, avec des qualifications délirantes et des conditions de travail proches de l'esclavage ne trouvera évidemment pas preneur et c'est tant mieux)

- on puisse encore croire à l'emploi comme critère social ou économique: l'emploi ruine notre planète et notre santé mentale, il ronge le travail en imposant de l'ouvrage nuisible et en empêchant l'ouvrage utile (et urgent)

- on puisse encore tenir des discours employistes ultra après quarante ans de politiques employistes désastreuse pour l'économie, la société et ... l'emploi

- on écoute ces radoteurs omniprésents à la télé, à la radio et dans les journaux mainstream: on a entendu leur message, on n'y adhère pas et on a vu que leur idéologie enterre la prospérité, la démocratie, la liberté, le loisir ... et le travail au nom de l'impératif de se vendre à des actionnaires, à des patrons

Bref, bon courage à tous et à toutes.

Travail et emploi (suite et pas fin)

à gauche des ouvriers qualifiés du bâtiment sans travail et à droite, un bâtiment scolaire qui a besoin d'être rénové (mais il n'y a pas de sous pour le faire). Entre les deux, la création monétaire aux mains du crédit bancaire comme le précise Positive money mais, surtout, l'emploi et la logique de profit, de propriété lucrative. L'emploi (et le crédit, soit) tue le travail: si vous voulez travailler (rénover cette école, par exemple) il faudra d'abord libérer le travail de l'emploi (et l'argent du banquier) faute de quoi les enfants se retrouveront englués dans une quelconque opération pièces jaunes.