L'utopie

Il y a en ce moment de formidables réflexions sur le sens du travail, sur le faire ensemble, sur l'impact de la technologie sur le travail.

Si toutes ces réflexions se contredisent entre elles parfois, elles n'en partagent pas moins une intelligence, une mise en doute du cadre, une recherche philosophique et une honnêteté assez impressionnantes.

Mais, tant que les propriétaires lucratifs décideront qui travaille, comment et pour quoi, tant que les employeurs (eux-mêmes éventuellement prisonniers de leurs créanciers) devront diriger l'activité vers des gains financiers, ces belles réflexions demeureront lettres mortes.

Vous pouvez bien théoriser, penser, vouloir ce que vous voulez comme monde idéal, tant que chaque employé sera seul face à un employeur qui détient le monopole du droit de reconnaître ou non la légitimité sociale, il faudra bien lui obéir. Et, tant que l'employeur sera contraint par des actionnaires ou des créanciers à gagner de l'argent encore et encore, il faudra bien qu'il s'exécute - que l'employeur soit généreux ou avare, qu'il soit ambitieux ou timoré, qu'il soit sensible ou fermé importe peu.

Et si on démocratisait le travail? si on décidait de décider qui produit et pour quoi? si on dépassait la malédiction du rendement et du bénéfice sur résultat?

Après tout, si on fait le compte du travail qu'il y a à faire, nous avons
- prendre soin des enfants
- rafraîchir les infrastructures existantes
- développer les infrastructures de transports publics
- préparer et initier la transition énergétique
- restaurer le parc immobilier et le rendre énergétiquement performant
- préparer l'agriculture à l'après-pétrole
- développer la culture, le vivre ensemble
- soigner les malades, développer les thérapies
- etc.
mais ce travail indispensable est rendu impossible par le fait que tout travail est conditionné à l'impératif de gain financier rapide.

Au fond, ce n'est pas le travail sans emploi qui est une utopie, c'est-à-dire une idéologie sans lieu; c'est l'emploi.