Argumentaire anti syndrome de Stockholm


On nous rabâche toute la journée dans les médias dominants, sur les ondes, dans les organes de presse des principaux partis (et même des secondaires) et des grands syndicats un discours pro-emploi. Il s'agit d'une manifestation typique du syndrome de Stockholm : on se prend de sympathie pour les preneurs d'otage. À force d'être malmenés, on épouse même leur point de vue. Les preneurs d'otage sont les propriétaires d'entreprise, les pris en otage, c'est nous.
Alors, comme j'aime bien partager mon ignorance, j'ai développé un petit argumentaire de survie, contre l'emploi et pour le salaire. J'ai essayé de prendre les points de vue des différentes sensibilités politiques pour dénoncer la politique de l'emploi. J'insiste, je ne suis pas nécessairement proche de ces sensibilités, je prends la logique latente d'un discours pour en montrer l'opposition idéologique à l'emploi.

Commençons par un argumentaires pour interpeller les employistes de gauche :

- fondamental : l'emploi est la vente de la force de travail du prolétaire à un propriétaire, c'est un vol
- innocent : le capitaliste gagne à l'emploi, d'ailleurs il est furieux quand il y a grève. Il faut donc se battre contre l'emploi (merci Hubert)
- réformiste : l'emploi ne remet pas le système en cause, il en est le lubrifiant, le chiffre, la mécanique
- socialiste : l'emploi enrichit les patrons – et beaucoup moins les producteurs qui, sinon, ne devraient plus travailler – il est injuste, distribue les richesses des pauvres vers les riches
- écologique : l'emploi est presté par des gens sous pression économique. Faute de choix, ils doivent accepter n'importe quel boulot, y compris les plus polluants, les plus malsains
- féministe : la vie de famille pénalisera toujours celles et ceux qui s'y impliquent. Ceci touche essentiellement les femmes dans notre culture patriarcale. Elles sont donc condamnées à des positions sociales inférieures (à moins de faire l'impasse sur la vie de famille). Ceci touche également les hommes qui voudraient s'investir dans la sphère domestique, devenir plus disponible pour leur famille : ce bel engagement, cette belle volonté risquent d'être sanctionnés professionnellement – ce qui ne les motive guère.

On continue à droite :

- individualiste : la liberté ne s'accommode pas de l'aiguillon de la nécessité
- juste : l'enrichissement des propriétaires d'entreprise prive les travailleurs d'une juste rémunération
- intransigeant : l'externalisation des coûts pousse à l'irresponsabilité, au laisser-aller
- logique – par Keynes : les salaires sont dépensés et deviennent un chiffre d'affaire pour les entreprises. Le salaire soutient donc la demande, notamment pour les entreprises locales, les PME
- économiste : les cycles (« Pour la France la séquence est la suivante :
1810, 1818, 1825, 1830, 1837, 1847, 1857, 1867, 1882, 1891, 1907, guerre de 1914, 1921, 1931-32, guerre de 1940, 1952, 1963, 1974, 1983, 1993, 2002, 2008 selon Wikipédia) sont liés à de la surproduction. Les crises de surproduction se sont toujours résorbées par une relance salariale, que ce soit une guerre (extrême droite), une baisse d'impôt (droite, mais les impôts sont déjà au plus bas par rapport au niveau des finances publiques), une politique d'investissement public (soc' dem') ou une expropriation (extrême gauche).
- inquiet : si on ne distribue pas la richesse, on risque l'émeute, la révolution (ou pire une jeunesse aux cheveux longs)
- cynique : une société inégalitaire, c'est mauvais pour les affaires ; moins de temps de travail, c'est plus de temps pour consommer à condition de solvabiliser les marchés.
- absurde : les gens de droite ont bénéficié d'éducation, d'affection, de présence parentale ou amicale sans contrepartie monétaire. En toute logique, ils devraient indemniser leurs proches pour ces services.
- motivé : l'emploi décourage la créativité, la production libre, la possibilité d'entreprendre puisqu'il oriente l'activité vers le seul goût du lucre
- pratique : les entreprises ont besoin d'un Etat qui s'occupe de leurs routes, de former leur main d'oeuvre, de surveiller et réguler l'activité, de l'éducation de l'enfance, de la santé. Faute de cet outil collectif, les entreprises sont infiniment moins productives (regardez les pays sous-développés, véritables paradis libéraux)
- libéral : l'asservissement de l'humain à l'impératif de productivité est une atteinte à la dignité humaine, à la liberté de puissance, à la force du vouloir, à la volonté souveraine (complétez ou nuancez selon la sensibilité exacte de votre interlocuteur, de votre interlocutrice).

Pour l'extrême droite – je passe un peu rapidement, je n'ai pas d'affinité avec cette famille politique, n'hésitez pas à compléter :
- patriote : la grandeur d'un pays n'est pas compatible avec la vente des prestations de sa main d’œuvre à l'étranger
- nationaliste : pour être puissant, le pays doit investir dans la fonction publique

Et même pour l'extrême gauche (il y a même des employistes par là, comme quoi on est tranquille nulle part), je vais devoir être un peu abstrait, que les non-marxisants m'en excusent:
- informé : le prolétariat est le sujet révolutionnaire, pas l'emploi
- technique : le surtravail, consubstantiel à l'emploi est un vol – il intègre aussi bien l'investissement que les bénéfices.
- ingénu : Marx n'a quasiment jamais travaillé (ni Lénine, ni Luxemburg ou Trotski) dans le cadre de l'emploi, son œuvre est immense. On notera que cet argument fonctionne avec Jésus ou Smith pour la droite, Jeanne d'Arc pour l'extrême droite, Jaurès pour la gauche. Il fonctionne aussi avec tous les écrivains, les artistes, les découvreurs, une bonne partie des scientifiques (Newton, Curie, Pasteur, Galilée, etc.) – aujourd'hui encore, ils dépendent du secteur public en France, par exemple.
- historique : Guernica a été peinte par Picasso – un artiste qui n'était pas sous contrat d'emploi – et les bombes ont été jetées par des soldats, des employés du troisième Reich.
- théorique : aider l'emploi à demeurer, c'est empêcher une contradiction essentielle d'éclater en synthèse révolutionnaire, c'est ajourner la révolution alors que l'élite éclairée est sur les starting blocks (et que derrière, ça pousse aussi)
- pratique : 'quand tu bosses, ça t'empêche de préparer les tracts, de penser la révolution, quand tu rentres, t'es crevé'.
- anarchiste : la propriété, c'est le vol (au revoir les actionnaires) ; ni dieu, ni maître (au revoir patron)

Si vous vous rendez compte que vous prêchez un convaincu, n'hésitez pas à faire des choses plus intéressantes avec lui.

Merci de votre attention, n'hésitez pas à m'envoyer d'autres arguments (ou à critiquer les miens)