Le PCF analyse les luttes italiennes

Le 18 octobre 2013, il y eut une grève générale en Italie. Nous citons et commentons un article du PCF (ici) de l'époque pour essayer de comprendre la situation locale.

Au niveau global, la botte est en butte avec l'austérité la plus bornée, à l'instar de l'Irlande ou de la Grèce, par exemple. Le chômage y est important, la fonction publique débauche et les salaires stagnent ou diminuent - notamment les salaires sociaux.

Dans ce contexte, on peut s'interroger sur l'atonie des syndicats. Le 18 octobre, pourtant, l'USB a appelé à la grève.
Des mois que les travailleurs italiens attendaient un appel clair à la riposte contre la politique de casse sociale massive. Celui lancé par la confédération syndicale de classe USB, à une grève le 18 octobre suivie d'une manifestation dans les rues de Rome, a été massivement entendu.
L'ampleur de la mobilisation des 18 et 19 octobre a surpris. C'était la première riposte organisée, dans la rue, à la politique de casse sociale du « gouvernement de coalition » Parti démocrate/Parti des libertés gouverné par Enrico Letta, homme de Bruxelles et du capital financier en Italie.
(...)Cette manifestation d'indignation ne doit pourtant oublier la manifestation du vendredi où 50 000 manifestants avaient déjà occupé la place San Giovanni à Rome.
En tête de cortège, immigrés et réfugiés devenus des symboles après la tragédie de Lampedusa, mais aussi les travailleurs précaires, invisibles de la crise, ainsi que les ouvriers de plusieurs entreprises menacées par les plans sociaux.


Manifestation significative aussi car concluant une journée de grève massivement suivie, lancée par la seule USB (Union des syndicats de base), confédération de syndicats de lutte refusant la voie de la concertation sociale suivie par la « troika » syndicale (CGIL, UIL, CISL)
  
L'USB est un tout petit syndicat, il a réussi à mobiliser seul contre les syndicats inscrits dans la concertation. Inventaire du succès du syndicat nouveau-venu. 
Seul contre tous, face au « front commun syndical » de la collaboration sociale, l'USB, qui a adhéré l'an dernier à la Fédération syndicale mondiale avec ses 250 000 adhérents, a réussi son pari.


Le mouvement a connu une forte adhésion dans les services publics – en particulier la santé, l'éducation, les collectivités territoriales –, ainsi que les grandes entreprises menacées par des plans sociaux : la FIAT (automobile), l'ILVA (sidérurgie), SIGMA Tau (industrie pharmaceutique), Telecom Italia ou encore d'Alitalia. 

Toutefois, c'est dans les transports, bastion de l'USB, que l'adhésion a été la plus spectaculaire, paralysant les réseaux de transports urbains (bus, métro, train de banlieue) des grandes villes du nord, de la capitale et des anciennes villes rouge du centre.
Il s'agissait de dénoncer un énième plan d'austérité, une 'loi de stabilité' qui ne manquera pas de plonger l'économie italienne dans le chaos.
Effectivement, la « loi de stabilité » – ou loi des finances – 2014, adoptée par le gouvernement de coalition Parti démocrate/Parti des libertés d'Enrico Letta passe un cap dans l'offensive de classe.
 D'une part, des cadeaux aux entreprises sans précédent, avec 5 milliards d'exonérations de cotisations sociales patronales au nom de la diminution du « coin fiscal », autrement dit de la diminution du coût du travail pour les entreprises.

 
De l'autre, une augmentation du fardeau fiscal pour le commun des Italiens : augmentation de la TVA de 21 à 22 % et hausse des impôts locaux ayant trait au ramassage des déchets et à la taxe foncière.
Dans le même temps, la casse du secteur public continue. Outre les coupes massives sur la santé de 1 milliard sur deux ans, une nouvelle vague de privatisations est prévue à l'horizon 2015 visant notamment les services publics municipaux : ramassage des déchets, transports.


   Le manque d'opposition sociale à la lutte employique des profits contre les salaires est remarquable, là-bas comme en Belgique, ou demeure embryonnaire comme en France ou en Allemagne. Pourtant, il y a péril en la demeure comme l'atteste un document produit par les trois syndicats réformistes et le patronat italien.

 En Italie, l' « union sacrée » ne se limite pas aux forces politiques, elle implique pleinement syndicats et patronat, dans une logique de concertation sociale, sur des positions désormais ouvertement patronales.
Le 2 septembre dernier, la Confindustria (MEDEF italien) signait ainsi un texte commun avec les trois principaux syndicats : la CISL, l'UIL et la CGIL (l'ex-syndicat de classe, proche du PCI), sous le nom : « une loi de stabilité pour l'emploi et la croissance ».

 

Le document, édifiant, défend la nécessité de la réduction du coût du travail pour les entreprises comme moyen de restaurer la compétitivité, donc de relancer l'emploi et la croissance.

 
Le document parle d'un « système fiscal efficace, qui ne soit pas hostile à l'activité des entreprises, ne décourage pas les investisseurs », faisant le choix de « réduire les charges sociales pesant sur le travail et les entreprises ».


Il propose concrètement une longue liste d'exonérations de cotisations sociales pour les entreprises :

 
abolir la composante « travail » de l'impôt sur les sociétés (IRAP), crédits d'impôts pour les entreprises qui investissent dans la recherche, financement public de grands projets d'innovation, d'investissement à des fins privés. La liste est longue encore.

   
Enfin, ce texte insiste sur la nécessité de diminuer les dépenses publiques. D'abord, par une restructuration des collectivités territoriales, dans le sens de l'Europe des régions : suppression des provinces (l'équivalent de nos départements), regroupement des communes, métropolisation.

Ensuite, en instaurant un « spending review », une révision annuelle des dépenses permettant de réaliser des coupes budgétaires ciblées plutôt que linéaires.

Une révision basée elle-même sur les « costi standard », un niveau de dépenses publiques maximal sur lequel devront se baser les futures lois de finance.


Les syndicats, dont la CGIL, partagent pleinement l'optique patronale : réduire le coût du travail (donc impôts, cotisations sociales pour les entreprises), réduire les dépenses publiques (donc services sociaux, allocations), en partant du postulat que les entreprises créent les richesses, l'emploi et non les travailleurs.

On peut rappeler également que le secrétaire actuel du Parti démocrate, premier partisan de l'austérité n'est nul autre que … Guglielmo Epifani, ancien secrétaire-général de la CGIL. C'est comme si Bernard Thibault était demain secrétaire-général du Parti socialiste !
  
Le minimum dans un tel contexte serait que les syndicats appelassent unanimement à la grève au finish. Les syndicats collaborationnistes ne proposent pourtant que quatre heures de grève pour peser sur les parlementaires.
Dans un tel contexte de consensus entre tous les « partenaires sociaux », la grève lancée par l'USB vendredi dernier a mis un coup de pied dans la fourmilière. Elle a contraint les syndicats reconnus officiellement, depuis la loi sur la « représentativité » votée l'an dernier, à durcir leur position.

Pas un hasard si les directions des trois syndicats se sont réunis lundi pour adopter un appel à la grève … de 4 heures d'ici le 15 novembre, date de l'adoption de la « loi de stabilité » au parlement. 
L'alternative politique, le rapport de force social sont encore à construire là-bas comme ici, au sein du monde du travail, au sein des mondes syndical et politique.