Premières mesures révolutionnaires

Notes de lecture de Eric Hazan, Premières mesures révolutionnaires, dans toutes les librairies (ou presque).

Nous en faisons une petite note parce qu'il y est clairement question d'un après emploi, qu'il y est fait mention d'un monde sans emploi. À ce titre, ce point de vue constitue une perspective possible pour quitter l'emploi.

Eric Hazan rappelle que la légitimité du système actuel, le capitalisme démocratique, est sapée à la base. La prospérité que ce système promettait n'y est plus, la paix qu'il incarnait a sombré dans les bombardements chirurgicaux et la démocratie même s'est vidée de son sens.

La désuétude du capitalisme démocratique peut être contrebalancée par le fait que les individus entreprennent leurs vies ou que la concurrence de tous contre tous nommée mondialisation les tienne en haleine. La révélation de la fin de l'ordre capitaliste se fera par contagion. Le pouvoir va s'évaporer.


En attendant, il faut créer l'irréversible. Créer des formes de vie, des modes d'organisation qui rendent le retour au pouvoir moribond impossible: il faut saper à la base les institutions (plus ou moins centralisées) et leur mode de fonctionnement formaliste qui implique une hiérarchie bureaucratique, un pouvoir institutionnel. Il s'agit d'occuper, de récupérer à un autre usage les outils du pouvoir, les salles de réunion, les téléphones, etc.

Parmi les institutions, le travail [ce que l'auteur nomme le travail, nous aurions tendance à l'appeler l'emploi, mais, derrière les mots différents, il y a une communauté d'analyse]:

Cessons de parler, de penser en termes de chômage, d'emploi (perdus, gagnés), de marché du travail. Ces mots abjects amènent à ne plus voir dans les humains que leur employabilité, à les diviser en deux classes, ceux qui ont un boulot et sont des vivants à part entière, et les autres qui sont des êtres objectivement et subjectivement diminués. (...)

Le travail au sens classique du terme - industriel ou "tertiaire" - ne reviendra pas, c'est une affaire entendue. Il ne serait d'ailleurs pas davantage revenu si l'insurrection n'avait pas eu lieu : personne ne peut croire aux incantations actuelles sur la réindustrialisation, la compétitivité, etc. Mais il y a une chose qu'on ne regrettera pas, c'est bien le travail, ce mythe fondateur qui pourrit la vie (...).

Le travail ne disparaîtra pas pour la seule raison que les structures qui l'encadrent se seront effondrées, mais par le désir d'appréhender autrement l'activité collective.

(...) il s'agit que chacun voie son existence assurée, non plus par un emploi rémunéré qui est toujours menace de le perdre et réduction à un sort individuel, mais par l'organisation même de la vie collective.

Pour abolir la propriété, il faut libérer l'accès au chose, pour produire (ou non, ou faire l'impasse sur les productions inutiles), il faut abolir l'économie et son rapport comptable aux choses et au temps.

Face à la question de la crise de civilisation, la question fasciste demeure un écueil possible même si l'antifascisme sombre dans la stérilité. Les jeux sont ouverts.