Notre modèle économique n'est pas fait que d'activités dans l'emploi. Notre modèle socio-économique confère aux pensionnés, aux invalides, aux malades, aux chômeurs (avec ou sans complément d'entreprise), à tous les prestataires sociaux ainsi qu'aux fonctionnaires, une activité qui n'est ni réductible ni conditionnée à l'emploi. Cette activité produit des dizaines de milliards de notre PIB : les prestations sociales.
L'emploi est aujourd'hui devenu, par les prétentions des partenaires sociaux et du gouvernement à en faire un passage obligé de toute activité économique, un instrument de destruction sociale.
Une simple demande de ma part : que les représentants des travailleurs salariés, de tous les travailleurs salariés (qu'ils soient affiliés ou non, qu'ils soient employés, ouvriers ou prestataires sociaux - pensionnés, invalides, malades, chômeurs avec ou sans complément d'entreprise), représentent TOUS les travailleurs salariés et
1. ne se contente pas de représenter les salariés dans l'emploi
2. ne se substituent pas à l'UCM, à l'UNIZO ou au Boerenbond pour représenter et défendre les travailleurs indépendants - même si ces derniers, tout comme les entrepreneurs, méritent notre respect.
La concertation sociale doit redevenir un dia-logue social (salarié / employeur) où les intérêts des uns et des autres sont clairement représentés. Elle doit cesser d'être cette communion dans l'emploi qui est un peu la Pax Romana ou la paix de cimetière dont tu parles.
Ce texte réagit à un texte du représentant de la CSC:
QUELLE PAIX, SANS JUSTICE ?
Notre gouvernement et les représentants patronaux appellent chaque jour à la paix sociale. Mais de quelle paix parlent-ils ?
On connaît la paix des cimetières : là où toute vie a été écrasée, plus aucun bruit, plus aucun mouvement n’est à craindre - ni à espérer.
On connaît aussi la Pax Romana : la paix par la terreur, la division, le découragement – celle que les armées de l’empire romain imposaient aux peuples conquis.
Mais la paix véritable est très différente. Elle est beaucoup plus que l’absence de combats. Dans cette paix véritable, si les gens arrêtent de se battre, ce n’est pas parce qu’ils sont écrasés ; ce n’est parce qu’ils sont découragés et divisés : c’est parce qu’ils peuvent vivre dans un monde suffisamment juste. Il en va de même pour la paix sociale.
Le projet d’accord interprofessionnel négocié ce 30 janvier est évidemment insatisfaisant. Si la CSC a pourtant décidé de soumettre ce projet à ses instances (décision ce mardi 10), c’est pour deux raisons. Primo le gouvernement se tenait derrière la porte, menaçant d’imposer une norme de 0%. Secundo, le texte n’impose pas d’accepter le saut d’index.
Car une chose est sûre : un maximum à négocier (à 0,5% ou à 0,8%...) avec un saut d’index, ce serait une perte énorme pour tout le monde. Certains gagneraient un peu et perdraient le triple ou le quadruple, d’autres – les secteurs les plus faibles, les pensionnés, les inactifs ne feraient que perdre. Pour rappel, une personne de 30 ans perdra, sur sa carrière, environ 30000 € si le saut d’index est appliqué.
Et ce saut d’index (absurde économiquement dans une Europe en déflation où l’urgence est d’augmenter les salaires) n’est pas la seule chose injuste et inacceptable du programme De Wever-Michel : la pension à 67 ans, la quasi suppression des prépensions et du crédit-temps, les coupes dans la santé, les pertes pour les travailleuses à temps partiels et les chômeurs âgés, l’exclusion des chômeurs, la justice fiscale, etc.
C’est pourquoi, pour la CNE, que le pré-accord soit accepté ou pas, il n’y aura pas de paix sociale véritable tant que ce gouvernement maintient ses projets de destruction sociale.
Le but des représentants patronaux, en négociant ce pré-accord, était de diviser les syndicats et de briser le mouvement exceptionnellement puissant que les travailleurs et de nombreux groupes à leur côté ont montré en décembre. A l’heure où j’écris, il n’est pas certain que cet objectif de division soit atteint. On peut comprendre les arguments de la FGTB, qui souligne les défauts évidents de ce texte (une marge salariale faible, pas de suppression de saut d’index). On peut évidemment choisir plutôt le raisonnement de la CSC, qui met en avant les acquis du texte : fin du chantage patronal sur la liaison au bien-être, une marge plus grande que zéro, et pas de confirmation du saut d’index.
Mais quoi qu’il arrive de ce pré-accord (la CNE en décidera ce lundi 9), l’essentiel sera de conserver – et, au besoin, de reconstruire – un front commun syndical et social pour se battre contre un gouvernement au service de l’argent et qui détruit notre modèle social.
C’est ce que la CNE a fait en 2014, c’est ce qu’elle fera en 2015, que je vous souhaite pleine de santé, de bonheur, de solidarité et de combativité. Et remplie d’une paix véritable, qui sera basée sur la justice, et non sur la peur, la division ou la résignation.