Le petit royaume que j'habite se situe au Nord de l'Europe. Les températures nocturnes y flirtent habituellement avec le zéro degré en cette saison.

Les représentants de la majorité du petit royaume expliquent doctement que les chômeurs doivent crever de faim pour trouver un emploi. Ils expliquent que l'emploi est la seule forme digne de travail, la seule façon légitime de gagner de l'argent - en quoi ils sont d'accord avec l'opposition et les syndicats du petit royaume.
Alors, les chômeurs d'hier qui pouvaient se payer un loyer, un coiffeur, des formations, des remises à niveau, des savonnettes et des costumes ne peuvent plus rien se payer. Ils sont à la rue parce que, nous explique le gouvernement, ils doivent chercher un emploi.
Mais quel employeur voudrait d'un clochard dans son entreprise?
Alors demain, les petits commerçants chez qui les anciens-chômeurs-nouveaux-clochards se ravitaillaient vont faire faillite faute de clients. Les propriétaires immobiliers qui louaient leur bien à ces chômeurs n'auront plus ces rentrées et vont, à leur tour, diminuer leur consommation dans les commerces du coin.
En deuxième ligne, donc, les commerces vont faire faillite, la classe moyenne va se paupériser soit faute de clientèle, soit parce qu'elle va devoir garder et financer ses enfants sans emploi jusqu'à leur mort, soit enfin parce qu'elle sera écrasée par les taxes qui payeront les policiers.
Quels policiers? Eh bien, ceux qui éviteront que les nouveaux clochards ne se laissent pas mourir de faim, ceux qui les empêcheront de s'organiser pour piller les magasins ou les banques pour ne pas mourir de faim.
En troisième ligne, les salariés affligés d'un emploi verront leur salaire diminuer puisqu'ils seront menacés par la rue, par la misère absolue. Les usines verront leurs carnets de commande fondre comme neige au soleil puisque les commerçants qui vendent les produits auront fait faillite faute de clients.
Derrière l'armée de prolétaires en haillons que notre gouvernement nous concocte, c'est une guerre à l'économie qui se profile.
Imaginez que l'on donne un salaire inconditionnel à tous. Les commerçants retrouvent leurs clients, les carnets de commandes se remplissent et les clochards sont salariés (éventuellement pour ne rien faire, cela n'a pas beaucoup d'importance), les exigences de qualité de travail et de salaire augmente. L'économie reprend.
Mais ce qui manque à ce petit gouvernement de ce petit royaume docile aux bureaucrates hostiles à la démocratie, c'est une chose devenue rare, un parfum d'aventure collectif, le goût de l'avenir. Ce qui leur manque, c'est l'ambition.
Le fait que, à New-York, dans une grande république, le nombre de sans-abris passe les 60.000 ne console en rien. Cela veut dire que la guerre au salaire et à l'économie fait rage là-bas aussi. En grand.