Le 'bore-out"

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L'emploi, c'est l'épuisement faute de temps de repos, d'espace pour la vie personnelle. C'est aussi la surqualification, la débilitation du travailleur par des tâches inintéressantes.

La nécessité de faire du profit pour des actionnaires amène aussi à mettre les employés dans des placards plus ou moins cossus, plus ou moins absurdes.
L'emploi s'oppose directement au travail comme humanisation du monde, comme défi, comme manière de devenir, comme rencontre, comme créativité (mais les actionnaires touchent leurs dividendes, donc).

Un blogueur, un inspecteur du travail, explique ce qu'est le syndrome du 'bore out', de l'ennui profond ici, sur le "Blog d'un inspecteur du travail".

Extraits

Il s’agit du bore-out, autrement dit, de l’ennui au travail.
Ce terme provient du verbe anglais « to bore » (s’ennuyer); il désigne l’abattement dont souffriraient, à ce jour, 32% de salariés européens, notamment dans le secteur tertiaire et la fonction publique.
Une « maladie » qui pourrait faire sourire dans un pays où plus de 10% de la population active est au chômage. Et pourtant…

Cette pathologie, conceptualisée en 2007 par Peter Werder et Philippe Rothlin au sein de leur ouvrage « Diagnosis Boreout », serait, elle aussi, – et comme le burn-out – vectrice de fatigue, d’anxiété, de troubles du sommeil, de perte d’estime de soi et de dépression.
« Il s’agit d’un manque de tâches captivantes et exigeantes, sur le plan qualitatif et/ou quantitatif au travers desquelles l’identification au travail et à l’entreprise se perd.
Le travail quotidien devient alors un «long moment » difficile à supporter et frustrant ».
Peter Werder souligne que « Quelqu’un ayant un syndrome d’épuisement professionnel par l’ennui veut travailler mais ne peut pas, et donc souffre. »
BE2
Les symptômes qui caractérisent ce syndrome sont : l’ennui, l’absence de défi, l’insuffisance de sollicitations professionnelles ainsi que le désintérêt.
Le travail n’a alors plus de sens.
Les auteurs indiquent que, si vous répondez de manière affirmative à au moins 4 questions parmi celles-ci, vous souffrez certainement de bore-out où êtes en phase d’y succomber :
  • Au travail, passez-vous du temps à des occupations personnelles ?
  • Etes-vous sous-investi ou vous ennuyez-vous ?
  • Vous arrive-t-il de faire semblant de travailler alors que vous n’avez rien à faire ?
  • Etes-vous fatigué le soir alors que votre journée n’a pas été stressante ?
  • Etes-vous malheureux dans votre travail ?
  • Trouvez-vous que votre travail n’a pas de sens ?
  • Pourriez-vous finir votre travail plus vite que vous ne le faites ?
  • Avez-vous peu ou pas d’intérêt pour votre travail ?

Le bore-out n’a rien à voir avec la paresse mais prive le salarié de la reconnaissance dont il a besoin afin de s’épanouir dans son activité.
L’empêchement à utiliser son intelligence créatrice est une source réelle de souffrance au travail.
Au-delà de la perte de l’estime de soi, il peut déboucher sur une crise identitaire.
La différence entre le burn-out et le bore-out est un sentiment de honte.

(...)

Les raisons au sein du quotidien de travail 
Certains contextes de travail peuvent favoriser l’apparition du bore-out :
L’absence de travail
Les commandes sont en forte diminution au sein de l’entreprise et le rythme de travail ralentit.
Le salarié ne vient plus sur son lieu de travail que pour compter les heures qui le séparent de celle à laquelle il pourra rentrer chez lui.
Des tâches ennuyeuses ou lassantes
Certains métiers tels que vigile ou hôte d’accueil sont parfois difficiles à assumer compte-tenu des journées peu rythmées et des tâches répétitives à accomplir.
Au sein d’autres professions, les travaux nobles sont accaparés par quelques-uns alors que les tâches fastidieuses et sans signification sont laissées aux autres.
La surqualification
Un salarié qui occupe une fonction qui ne correspond pas à ses compétences termine ses dossiers en peu de temps et n’est pas assez stimulé.
Il se lasse alors d’un travail répétitif sans aucun challenge à relever.
L’isolement, la mise au placard, le manque de reconnaissance
Ce sont toutes les situations où un salarié se sent inutile.
L’isolement survient lorsque les contacts avec la hiérarchie ou les collègues disparaissent.
La mise au placard concerne souvent un cadre en fin de carrière à qui l’on fait comprendre qu’il serait bien qu’il quitte la société en ne lui confiant plus aucune mission.
Ce type de situation peut être assimilé à une forme de harcèlement par le vide.

Harcèlement contre les malades

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Résumons: les personnes en incapacité de travail sont reconnues inaptes à travailler à 66% (au moins). Le gouvernement veut les sanctionner si elles refusent un plan d'accompagnement vers l'emploi et amputer leurs indemnités de 10%. De deux choses l'une, soit ces personnes sont en incapacité (comme le constate et le vérifie le médecin conseil) et on ne voit pas comment elles retourneraient au travail, soit elles sont capables de travailler et on ne voit pas bien comment le médecin conseil qui les a reconnues incapables de travailler en emploi les enverrait en emploi.
Selon nos calculs, comme cette mesure doit concerner 1.500 personnes selon le gouvernement, elle porte sur des économies de 3 millions d'euros par an maximum, soit moins de deux cent millièmes du budget de l'État. C'est comme si, sur un revenu de 20.000 euros par an, vous économisiez 40 centimes au nom de la crise. 
Mais l'essentiel pour le gouvernement employiste, c'est de jeter l'opprobre sur les plus faibles, sur les malades, c'est de semer la suspicion et, surtout, d'affirmer par cette manœuvre perverse que la seule façon légitime de gagner de l'argent, c'est de vendre une force de travail à un employeur pour qu'il fasse de l'argent.

Comme une bonne partie des maladies - le burn-out, la dépression ou les troubles musculo-squelettiques - est provoquée par le management des employeurs plus soucieux de leurs profits que de la santé de leurs employés, cette mesure revient à renvoyer le malade au charbon, à le renvoyer dans le cadre qui a généré sa maladie. Il s'agit d'envoyer le grippé dans un courant d'air glacial.

Nous rappelons que cette volonté de redresser les réfractaires au travail fait écho aux heures les plus sombres de l'histoire, en Allemagne, en Russie ou en Chine. Nous rappelons également que la rage tracassière puis exterminatrice de régimes hostiles aux gens 'différents', 'autres' peut être vaincue en mobilisant les contre-pouvoirs de type éthique.

En conséquence, nous appelons les églises belges, les catholiques, les protestants, les juifs ou les musulmans, à condamner et à combattre le harcèlement des malades. Nous appelons en particulier la hiérarchie catholique à se prononcer explicitement contre l'esprit et les conséquences de cet arrêté.
Nous appelons également les forces socialistes et communistes à défendre le salaire dans la valeur ajoutée, à faire valoir les cotisations sociales comme part du salaire et les prestations sociales en générales (et les indemnités maladie en particulier) comme salaire de plein droit.

Nous dénonçons cette mesure comme odieuse, nous appelons à la résistance, nous invoquons le serment d'Hippocrate ('tout d'abord ne point nuire') comme justification éthique à la non-collaboration à cette mesure.

Nous appelons enfin à l'humanité la plus simple, la plus triviale, à l'humanisme qui se doit de protéger le plus faible, de laisser une place à tous les membres de la société. Nous appelons à la construction d'une société pour tous ses membres.
Si la mesure peut paraître anodine, son esprit ne l'est pas. Culpabiliser un malade (dans l'optique employiste), c'est rendre la vie illégitime - qu'elle soit malade ou non - c'est violer le contrat entre le soignant et le soigné, c'est faire fi de toute civilisation, de tout art de vivre ensemble.

Nous affirmons le droit à la clause morale de résistance face à une telle mesure. Ils ont le pouvoir et le droit pour eux, nous avons la justice pour nous.


Le comité de gestion de l'INAMI a formulé jeudi un avis sur l'arrêté royal visant à "encourager" le retour au travail des personnes dites en incapacité de travail. Ces...

La main invisible

Il ne faut jamais perdre de vue que, alors que Adam Smith s'émerveillait de la "main invisible" du marché, de sa prodigieuse efficacité, des millions d'humains subissaient le joug bien visible, lui, de l'esclavage.

L'esclavage contribuait de manière décisive à l'essor de l'industrie textile anglaise en réduisant les "coûts de la main d’œuvre" (déjà!) dans la production de matières premières. Il a permis une accumulation gigantesque puisque, sur la valeur ajoutée créée par les esclaves, aucun salaire n'était consenti.

Le modèle de la "main invisible" doit toujours être accompagné de l'infographie ci-dessous. De même, la "main invisible" du 21e siècle implique des conditions de travail assimilables à l'esclavage au Mexique, en Chine, au Pakistan, à Hong-Kong, en RDCongo, au Maroc, au Bangladesh, dans tous les pays de la péninsule arabe, en Colombie, en Honduras (par exemple) et, qui sait, demain, avec l'aide des créanciers, de leur main bien visible, en Europe ou aux États-Unis.

Ce qu'ils font à l'un(e) d'entre nous, ils nous le font à toutes et à tous.

315 années, 20.528 voyages et des millions de vies.
slate.fr

Appel

Le feuilleton grec continue.

Nous rappelons que les créanciers de toute dette ont prêté un argent qu'ils ont piqué d'abord. Non seulement, il n'y aucune raison pour leur rembourser le moindre centime mais il faut s'ingénier à éviter qu'ils ne nous piquent de nouveau notre argent pour nous le prêter avec des intérêts par la suite.
Nous appelons au défaut de la Grèce, nous appelons au défaut de tous les pays d'Europe. Nous appelons à laisser les banques et les bourses, nous appelons à récupérer les titres de propriété des bourses "à la pelle et au balais" comme le dit le sémillant Frédéric Lordon.

C'est la propriété lucrative, le droit d'accaparement de la valeur produite par autrui au nom de la propriété, qui permet aux voleurs d'opérer. Pour éviter les dettes, il est donc nécessaire d'abroger la propriété lucrative.

D'autre part, le peuple grec est martyrisé de manière scandaleuse. Ce sont nos sœurs, ce sont nos frères qui sont condamnés à la stagnation sociale, à l'inaction, à la misère, à la dégradation de leurs soins. Nous rappelons que les salaires - individuels ou socialisés par la sécurité sociale - sont à la source de toute richesse, comme, d'ailleurs, l'illustre tragiquement l'exemple grec puisque les salaires, les pensions ont fondu de la même façon que la valeur ajoutée créée collectivement.

Nous appelons à un investissement massif en Grèce (et en Europe, d'ailleurs) dans les salaires, notamment dans les salaires socialisés. Nous appelons à financer cet investissement dans un salaire universel grec (et européen) par la création monétaire et par la cotisation généralisée.

Nous appelons à la socialisation des moyens de production, nous appelons à la démocratisation de l'économie. Nous appelons à la suppression des institutions anti-démocratiques qui martyrisent le peuple grec et bafouent les principes de diplomatie, de respect entre les peuples les plus fondamentaux. Nous appelons à la démocratisation de la banque centrale, au débat public sur la création monétaire, sur l'inflation. Nous appelons à la fin des retraites par capitalisation et à l'universalisation de la sécurité sociale au niveau européen.

Nous saluons la résistance exemplaire des Grecs, que ce soit les instances dirigeantes, entre conciliation, implication des autres peuples européens et nécessités politique, sociale et économique intérieur.

Nous exprimons notre sympathie pour tous les peuples en souffrance sur notre vieux continent, pour les Grecs sans perspectives, pour les Allemands condamnés à travailler pour rien, harcelés, pour les Belges exclus des prestations chômage à l'heure où la conjoncture installe durablement le chômage de masse, pour les Anglais pris dans des contrats de travail esclavagistes, pour les Espagnol naviguant entre salaires de misère et chômage de masse, pour les Italiens et pour les Français qui voient leurs plus belles conquêtes, leurs plus belles luttes disparaître sous l'imbécile docilité de pouvoirs sans imagination et sans légitimité, pour les Européenne en général, pour les mères de famille célibataire, pour les pauvres, pour les déclassés, pour les lourdés, pour les fonctionnaires qui partout en Europe pâtissent de l'incurie des élites, de leur avidité, de leur promptitude à servir les puissants.

Nous appelons à la résistance, partout sur le continent, nous affirmons la légitimité de toutes les luttes pour le droit, pour la justice, pour le salaire et pour l'avenir. Cette résistance s'impose à l'heure où nos ressources sont menacées, où notre agriculture est menacée, où nos salaires et nos droits sont menacés.

Nous appelons à construire un monde ensemble. Nous appelons à nous unir, à croire les uns dans les autres. Nous appelons à notre monde. Du fond de la nuit, puissions-nous trouver le jour, inspirés par les ancêtres et leurs luttes courageuses, portés par l'impératif de justice et assurés de nos rêves.

Ils n'ont que l'argent. Nous avons les rêves, l'amour, le savoir-faire, les compétences. Nous avons le temps.

Écoles économiques

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La science économique est une narration du monde qui revendique un caractère scientifique. La naturalisation d'une vision économique du monde est de nature religieuse, métaphysique.

Les combats entre écoles économiques sont des débats de chapelles, de coteries religieuses avec leurs anathèmes, leurs chefs religieux, leurs hérésies. Derrière des enjeux qui peuvent sembler oiseux, la science économique entend esthétiser la violence sociale et, ce faisant, l'asseoir ou la mettre en cause.

De ce fait, nous définirons l'économie comme l'ensemble des luttes métaphysiques pour justifier l'ordre social ou justifier son renversement et nous esquisserons ensuite les limites potentielles des différents modèles en termes d'employisme.

Nous pouvons dégager les écoles suivantes (sans prétendre être exhaustifs ou objectifs):

1. Le libéralisme


1.1. L'école classique libérale se réclame de Smith ou de Ricardo (voir l'article "libéralisme")

Cette école entend justifier la violence sociale existante par le fait qu'elle serait issue d'un marché à la main invisible qui guiderait l'intérêt commun par la somme des égoïsmes individuels. Cette croyance fait l'impasse sur quatre points de première importance quand elle légitime l'ordre social:

- les coûts de production doivent être inclus dans le prix de la marchandise, ce qui contrevient à l'externalisation or la propriété lucrative pousse les entreprises à délocaliser les coûts sur les collectivités et à socialiser les pertes - dans les prix, il faut donc, pour un libéral, intégrer les coûts de formation, les impôts, les cotisations sociales ou les coûts écologiques sous peine de tordre le principe de concurrence

- les avantages comparatifs ne doivent porter en théorie que sur une concurrence entre les lieux de production, pour que s'imposent les lieux de production les plus pertinents - tels l'Angleterre pour la laine et le Portugal pour le vin - mais cette concurrence ne peut s'appliquer sur les conditions de travail et sur les salaires sous peine de saper les bases de l'économie productive: la demande

- l'idéal libéral se heurte au bilan de son application concrète: c'est par égoïsme, par ensemble d'intérêts individuels que les actionnaires maltraitent les employés et pillent les ressources utiles à tous. L'égoïsme n'est pas un moteur pertinent pour gérer les intérêts communs au mieux de l'intérêt général.

- pour justifier les échecs, les libéraux arguent invariablement que les expériences malheureuses incriminées ne sont pas vraiment libérales, qu'elles ne le sont pas intégralement.

1.2. L'école néo-libérale ou néo-classique se réclame de Friedman

Cette école prétend abolir l'État dans la foulée des libertariens (voir notre article "libertariens"). Il s'agit de tout privatiser et de fermer l'État, il faut que tout soit privatisé et que toute propriété privée soit entre les mains d'un propriétaire lucratif.

La contradiction majeure de cette école, c'est qu'elle amène et justifie des inégalités phénoménales (notamment via la théorie du trickle down mise en œuvre par le consensus de Washington) or, pour pouvoir conserver de gigantesques fortunes à côté de populations qui meurent de faim, il faut financer un attirail militaire impressionnant (sans quoi, les peuples viennent chercher ce qu'il leur faut avec de grands objets très pointus).
Appeler cet attirail et son inévitable institutionnalisation "État", "milice" ou "DisneyLand" est une question sémantique de faible importance. Pour conserver leur fortune face au peuple affamé, il faut une armée, des lois, des institutions, des juges (privés ou publics, peu importe) et, surtout ... des impôts (privés ou publics, peu importe). Par ailleurs, les infrastructures utiles à l'externalisation des coûts sont assumées par ... des impôts (qu'ils soient publics ou privés). Cette contradiction apparaît clairement dans les deux exemples historiques les plus aboutis de cette acception sectaire du libéralisme: l'Angleterre victorienne et le Chili de Pinochet, la première avec ses millions de miséreux et le second avec ses prisons politiques et sa dictature militaire.

1.3. L'ordo-libéralisme

Ce type de libéralisme prône un État régulateur. C'est la doctrine qui prévaut actuellement sur le vieux continent sous l'influence du gouvernement allemand. L'État doit

- empêcher la constitution de trusts
- laisser la création monétaire à la banque centrale
- surveiller les budget en bon père de famille
- réguler les rapports sociaux, négocier avec les syndicats, etc.

La contradiction de cette doctrine est évidente: elle ne se donne pas les moyens de sa politique ou encore, elle se donne une politique dont elle n'a pas les moyens. En se privant du levier monétaire et de la possibilité de creuser du déficit ou de nourrir l'inflation, elle s'empêche toute ambition économique, ce qui rend la régulation des rapports sociaux impossible et la constitution de trust inévitable. Comme une politique de la dépense et de la monnaie rares, elle induit

- une déflation salariale, c'est-à-dire une contraction du PIB (une crise de surproduction)

- une diminution de l'activité réelle, c'est-à-dire des recettes de l'État en chute libre, ce qui rend la politique de gestion du budget nation du bon père de famille, sans déficit, de plus en plus difficile

- une contraction de la demande, ce qui n'est tenable que si des partenaires commerciaux maintiennent un déficit commercial dans le long terme - ce qui induit des risque de tensions internationales et de guerres

1.4 Le Keynésianisme (souvent aussi désigné par Roosevelt, le président qui a mis en œuvre une politique s'en inspirant)

Pour résumer, le keynésianisme entend réguler la finance, limiter la propriété lucrative, augmenter les salaires et relancer l'activité par l'investissement public.

Cette politique semble pavée de bon sens pour les millions de chômeurs européens , pour les millions de précaires dont les vies sont bousillées partout en Europe par l'ordo-libéralisme pourtant il ne faut pas perdre de vue pourquoi le keynésiasme a cédé la place à des formes (encore) moins justes du capitalisme.
Le taux de profit baissait dangereusement das les années 70 - voir Luxemburg ci-dessous. Soit les investisseurs partaient dans des pays non keynésiens ou ils jetaient leur dévolu sur l'immobilier ou sur des produits spéculatifs, soit les politiques publiques ramenaient les taux de profit à des niveaux élevés (c'est-dire qu'elles devaient ramener le chômage de masse  - voir le NAIRU - baisser les salaires, dégrader les conditions de travail et sabrer dans les salaires socialisés). Inutile de dire que les pays dits développés ont eu droit à des politiques anti-keynésiennes et à la fuite des investisseurs à l'étranger et dans les produits spéculatifs. Le keynésianisme permet en tout cas de fonctionner sur le moyen terme mais ne surmonte en rien les contradictions du capital:
- baisse tendancielle du taux de profit
- prolétarisation de la production (le producteur est dépossédé de la propriété puis de la connaissance utiles à la production ce qui empêche le travail de jouer son rôle de singularisation, d'humanisation du producteur): celui qui décide, c'est le propriétaire et le producteur n'a de prise sur rien

- manipulation des affects dans la consommation de masse

- destruction des ressources communes

2. La destruction constructive (Schumpeter)


Pour l'économiste autrichien, l'innovation est permanente dans le capitalisme. C'est la révolution permanente, les anciens produits sont chassés par les nouveaux, les anciens procédés de fabrication sont emportés par les nouveaux, les anciens modes de management sont remplacés par les nouveaux, etc.

C'est par le marché et la concurrence que les anciens produits, les anciens modes de fabrication et les anciens managements sont éliminés: les marges des entreprises historiques diminuent et ces entreprises s'adaptent ou disparaissent.
Le travail de cet économiste fait l'impasse sur une série de faits:

- les entreprises historiques bénéficient d'un capital sympathie, d'une clientèle captive

- l'optimisation de l'utilisation des ressources et des humains impliqués dans le processus de production ne correspond pas à la réalité

- les entreprises en s'agrandissant tendent à établir des situations de monopole. Dans une situation de monopole, l'innovation technique (mais même managériale) tend vers le zéro. Pourtant, ces entreprises monopolistiques écrasent la concurrence, maîtrisent le langage publicitaire et gardent des marges féroces. Microsoft, Appel ou MacDonald constituent à cet égard des exemples d'école.

3. Le communisme et les socialismes


Si les économistes libéraux ont généralement une fonction de consécration, de naturalisation de la violence sociale, les économistes non libéraux appellent pour leur part à la transformation sociale radicale.

3.1. les communautés économiques

On citera pour mémoire le phalanstère de Fourier ou l'île d'Utopie de More (voir notre article ici) comme exemple d'appel à un autre mode de production et de distribution économique.
L'idée des phalanstères idéaux est de produire une société idéale à petite échelle, sans violence sociale. Les tentatives ont été nombreuses. Dans une certaine mesure, on peut assimiler une partie du monachisme médiéval à ces tentatives. Les communautés ont souvent connu trois évolutions fatales:

- elles ont disparu sous la pression des tensions internes

- elles sont devenus des acteurs économiques d'importance (Cluny) et ont reproduit en leur sein de la violence sociale démonétisée

- elles ont été absorbées comme des acteurs économiques quelconque et, par le truchement de la concurrence, ont disparu en tant qu'expériences spécifiques.

Pour autant, la communauté, l'aspiration à la communauté est une constante à travers les siècles dont les formes changent, dont les discours métaphysiques, politiques évoluent.

3.2. Le socialisme utopique (Proudhon)

Il dénonce toute forme de pouvoir, l'État, le parlement ou la propriété et appelle à leur abolition au profit d'une société ouvrière libérée de ces entraves (mais malheureusement, pas de l'anti-sémitisme ou de la misogynie, semble-t-il). La dénonciation de la propriété est fondamentale (et positive, de notre point de vue) même si une critique de la propriété ne peut faire l'économie de la distinction entre la propriété lucrative et la propriété d'usage, absolument nécessaire au soin aux choses - voir notre article propriété)
Cette idéologie de l'économie spontanée fait l'impasse sur la question de la violence sociale. Toute société organise

- le travail concret, les tâches, ce qui doit être fait. Pour ce faire, il n'y a pas per se de violence sociale à l’œuvre

- le travail abstrait: la gestion sociale de la violence. Ce travail abstrait prend la forme de reconnaissance économique, de rémunération, dans une société capitaliste. Si on abolit la forme de violence sociale capitaliste, on n'abolit pas pour le coup toute forme de violence sociale. C'est dire que, en abolissant la violence sociale économique, on risque de se retrouver avec d'autres formes de violences sociales ... telles celles de l'ancien régime ou des sociétés totalitaires. L'abolition de la propriété privée chère à Proudhon risque d'établir des sociétés à gourou, à leader charismatique dans lesquelles les modalités de violence sociale antérieures au capitalisme, les castes et l'organisation sociale patriarcale par lignage finiront par prévaloir.

3.3. Karl Marx

L'auteur du Capital a mené une des analyses les plus décisives du système capitaliste (voir notre article Marxisme). Il décrit un système de violence sociale qui repose sur une égalité en droit d'agents économiques inégaux en fait. L'un des nœuds de ce système, c'est la propriété lucrative, c'est-à-dire la légalisation de la distraction du fruit du travail des producteurs en plein respect du droit. Marx a longuement expliqué le phénomène de prolétarisation, de dépossession de la propriété de l'outil de production puis du savoir relatif à la production et du pouvoir d'en décider par la logique capitalistique. Il a décrit cette logique de l'emploi, logique mue par la misère des producteurs, comme une logique criminelle et aliénante pour les producteurs.
Certaines tendances marxistes (mais là, nous ne parlons plus de Marx mais de ses séides!) ont eu tendance à valoriser le travail, les prolétaires en général et les ouvriers en particulier. Il y a là une déviance: au nom de la valorisation politique des prolétaires, leur travail est mis en avant et, ce faisant, c'est l'esclavagisme des prolétaires qui est mise en avant.

Cette déviance plus ou moins latente selon les secteurs, explique pourquoi une partie de la gauche marxiste s'est fourvoyée dans l'employisme le plus contre-productif qui soit. Demander un emploi, c'est, du point de vue de Marx lui-même, se mettre la corde autour de cou, s'aliéner volontairement sa liberté, etc.

Cette position employiste - qu'elle soit reprise dans des discours lénifiants sur la nécessité de réduire le temps de travail (lire, d'emploi), qu'elle soit incarnée par un discours syndicaliste de soumission vociférante, qu'elle soit le fait d'une nouvelle gauche conquise par les technologies et l'économie du partage - amène les producteurs à demander de l'emploi. Si l'on demande de l'emploi, le jour où l'on en obtient, il faut logiquement dire merci à son employeur, il faut logiquement savoir gré aux propriétaires lucratifs de leur geste, il faut se soumettre à la classe possédante que les marxistes nomment bourgeoisie.

Bref, demander l'emploi au nom du progrès technique, au nom des innovations civilisationnelles ou au nom de la lutte de classes enterre de facto la ... lutte de classes. Cette demande soumet le prolétariat à la bourgeoisie, elle castre toute puissance collective, toute aspiration à la modification des rapports de force sociaux.

3.4. Luxemburg

Il est difficile de résumer l’œuvre d'une femme politique qui inspire le respect tant par son courage que par son l'honnêteté et sa rigueur intellectuelle. Trois points sont essentiels pour la théorie économique (de notre point de vue):

1. La baisse tendancielle du taux de profit

En reprenant les équations de Marx, Luxemburg découvre que le taux de profit des investisseurs diminue nécessairement dans le long terme à mesure que la structure organique du capital se modifie. Cette théorie n'a jamais pu être infirmée mais les crises financières et les guerres semblent se charger de réduire l'accumulation du capital source de la baisse du taux de profit à intervalles réguliers. La guerre comme destruction de capital, comme moyen de récupérer le taux de profit perdu avec le temps a fait dire à la brillante théoricienne que l'avenir se jouerait entre le socialisme ou la barbarie.

2. L'impérialisme

La nécessité de maintien du taux de profit pousse les différents pays à en annexer d'autres pour en faire des marchés captifs et conserver de la sorte à leurs entreprises des marges appréciables.

3. L'anti-autoritarisme

Luxemburg s'est toujours opposée à la poigne soviétique. Elle prônait un régime économique dit des conseils dans lequel les producteurs seraient propriétaires de leurs outils de production.
Remarques
Le luxemburgisme peut se fourvoyer dans l'anti-impérialisme. L'impérialisme est consubstantiel au capitalisme mais le capitalisme peut très bien fonctionner sans impérialisme. Le problème ne se situe pas là (même si l'impérialisme est indéniablement une aliénation majeure et inhumaine, même si les combats pour la libération contre des forces coloniales d'occupation sont tous éminemment légitimes).

La théorie de la baisse du taux de profit correspond bien à la réalité. Mais les cycles de crises et de guerre se chargent de rétablir ce taux de profit. C'est dire que l'attente millénariste de la délivrance du capitalisme par la baisse automatique et inéluctable du taux de profit demande beaucoup de patience et amène peu de résultat. C'est le monde qui, au travers des guerres et des crises, s'adaptent aux crises d'accumulation capitalistiques sans que jamais le capitalisme lui-même soit remis en question.

Les conseils ouvriers, les coopératives, ont tendance à se conformer aux pratiques économiques et sociales des entreprises avec lesquelles ils sont en concurrence. De ce fait, le conseillisme risque d'apparaître comme un mode de management efficace d'une production capitaliste alternative qui aurait intériorisé l'aliénation.

3.5. Polanyi

Polanyi analyse les conditions de la genèse des conflits dans La Grande Transformation. Ce faisant, il dégage des traits récurrents remarquables dans le développement de l'économie capitaliste.

1. L'enclosure

Le capital avance à condition que les peuples soient dépossédés des communs (voir le Black Act). Pour que la force de travail soit disponible, il faut qu'elle soit amenée à mourir de faim et, pour qu'elle meure de faim, il faut lui enlever ses ressources ancestrales. Ce vol des ressources ancestrales est ce que Polanyi nomme l'enclosure.

2. Le revenu de base

Le Speenhamland Act (1795-1834, en Algleterre) offrait un revenu à tous les pauvres en taxant de manière forfaitaire les propriétaires terriens via les paroisses. Concrètement, il s'agissait d'entretenir un prolétariat lésé par les enclosures, par la privatisation de ses ressources pour qu'il soit prêt, le jour venu, à nourrir les rangs des ouvriers. Le jour où les usines anglaises ont eu besoin de bras, le Speenhamland Act a tout simplement été abrogé et les prolétaires ont dû vendre leurs bras à vil prix. Les classes moyennes ont dû payer pour les pauvres, les riches ont été pour ainsi dire exemptés de toute responsabilité.

3. La guerre

La guerre survient quand le taux de profit diminue et que les nations cherchent à solvabiliser leurs marchés, à trouver des débouchés. Comme tous les pays sont confrontés au même problème en même temps et qu'ils doivent tous envahir et assujettir leurs voisins pour continuer l'accumulation capitalistique, la guerre survient immanquablement. Les guerres permettent une destruction de valorisation économique, ce qui augmente mécaniquement le taux de profit et permet de relancer un cycle économique.

Polanyi n'offrait pas de perspective. Il a simplement décrit le fonctionnement d'un système. Les réussites du keynésianisme nuancent un peu ses thèses mais les nuances elles-mêmes sont nuancées par l'impossibilité du keynésianisme à dépasser les contradictions de l'accumulation. Par contre, Polanyi prouve que le capitalisme n'advient pas tout seul, sans intervention étatique et militaire mais il affirme, par contre, que ce système est à bout de souffle. Cette affirmation est malheureusement péremptoire si l'on admet que l'État et la violence militaire interviennent dans le capitalisme; elle est par contre exacte si, comme les néo-classiques, on considère que le capitalisme apparaît tout seul, spontanément.

Imaginez

Imaginez

Imaginez un pays où ceux qui gouvernent ne sont pas élus et ne le seront jamais

Imaginez un pays où il faut toujours obéir à un gouvernement tout-puissant sous peine de bannissement

Imaginez un pays où le gouvernement décide quand vous pouvez aller à la toilette, ce que vous pouvez faire et ne pas faire,

Imaginez un pays où les gouvernants utilisent le racisme comme méthode de gouvernement, la censure et la propagande comme mode de communication,

Imaginez un pays où les plus brillants sont rabroués ou voués à de viles tâches vénales,

Imaginez un pays où le sexisme est une pratique officieuse mais universelle,

Imaginez un pays où n'existent ni liberté de conscience, ni liberté d'action, ni liberté religieuse ou philosophique,

Imaginez un pays où il faut toujours marquer son accord envers le gouvernement, envers ses pratiques et envers sa légitimité, en public, bien sûr, mais même dans le secret de l'intimité

Imaginez un pays où les opinions contre le gouvernement sont punies de bannissement

Imaginez un pays où les chefs, où le gouvernement ont le droit de vous bannir, à tous moments,

Imaginez un pays où le gouvernement s'amuse à dresser les gens les uns contre les autres, dans une guerre fratricide interminable,

Imaginez un pays où la liberté d'association est très encadrée par le gouvernement, un pays où l'on ne fonde pas une famille sans l'accord (tacite) du gouvernement, un pays où le gouvernement peut décider de vous bannir parce que vous avez un enfant,

Imaginez un pays où la sécurité n'est pas garantie, un pays où vos ressentis, votre vie n'ont absolument aucune importance pour le gouvernement

Imaginez un pays où les habitants doivent dire "merci" au gouvernement tant qu'ils sont tolérés dans ce pays

Imaginez un pays où le gouvernement décide ce que vous faites, comment vous le faites, avec qui vous le faites et dans quels buts vous le faites, imaginez un pays où ce que vous faites appartient au gouvernement.

Quel est ce pays, me direz-vous? C'est votre entreprise. Et qui est le gouvernement? Ce sont les propriétaires lucratifs de votre entreprise.

Bienvenue en emploi.

Lettre aux actionnaires

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(Extrêmement) chers actionnaires,

Vous touchez de l'argent en plaçant de l'argent. Cela vous paraît légitime, normal. Après tout, vous achetez des actions, des titres, des bons, des produits dérivés et, années après années, vous encaissez des dividendes, des plus-value. Tout cela vous paraît éminemment normal. Vous êtes payés parce que vous détenez des titres, parce que vous êtes propriétaire lucratif.

Vous détenez des titres, des avoirs que vous entendez "valoriser" parce que vous pensez que vous les méritez, que vous pourrez assurez vos vieux jours (ou ceux de vos descendants) comme cela. Bien sûr, le souvenir des krachs boursiers vous hante de temps en temps mais, avec des institutions publiques aussi solides que celles qui interviennent sur les places boursières, vous vous dites que vous ne risquez pas grand chose. Finalement, ce sont les institutions publiques qui vous rassurent sur l'existence de vos titres de propriété. Mais les institutions publiques sont rincées: elles ont payé les institutions privées que la loi du profit, la loi de la propriété lucrative justement, cette loi qui vous trouvez absolument normale, avait menées au néant.

Cela vous paraît peut-être tout aussi normal mais, dans les entreprises que vous détenez, ce ne sont pas les travailleurs qui décident ce qui est fait, comment c'est fait, par qui c'est fait, ce sont vos intérêts financier qui déterminent la nature de l'activité, ceux qui la mènent et comment elle est menée. Les travailleurs sont qualifiés, compétents, souvent intéressés par ce qu'ils font mais c'est vous, actionnaire en tant qu'être anonyme qui engrangez des profits qui n'y connaissez a priori pas grand chose, qui décidez. C'est la loi qui régit l'activité: le propriétaire lucratif, l'actionnaire décide de ce qui se fait et comment. Vous aurez remarqué que cette loi est protégée par un appareil d'État en déliquescence (parce que la dette de l'État fonctionne selon cette même loi: les créanciers décident de l'activité de l'État).

Quand une entreprise cherche à faire des bénéfices pour rémunérer les actionnaires, les propriétaires lucratifs, les créanciers, elle essaie de faire des économies en comprimant les salaires - ce qui, à un niveau macro-économique, sape la demande, la possibilité pour les entreprises de vendre leurs bidules puisque les clients-salariés se retrouvent sans argent quand toutes les entreprises compriment les salaires - ou en externalisant les coûts sociaux, environnementaux ou financiers. Externaliser, c'est faire payer par d'autres les coûts de l'activité dont on retire un bénéfice. L'externalisation est très anti-libérale mais c'est pourtant l'une des principales conséquences de la loi de la propriété lucrative, du profit.


Et puis, il y a bien quelque petits problèmes à cette loi de la propriété lucrative qui vous paraît pourtant si naturelle, si normale. Le chômage s'étend, les emplois s'apparentent de plus en plus à une insulte à la dignité humaine (voyez vos petits enfants, vos amis d'enfance ...), les ressources naturelles dont les humains ont besoin s'épuisent, la qualité des marchandises se dégrade, le discours publicitaire, vulgaire et tapageur, sature l'espace public. Ce sont là des inconvénients mineurs, me direz-vous, mais ces inconvénients sont directement liés à cette loi du profit, à cette loi de la propriété lucrative que vous trouvez si naturelle.

Alors me direz-vous, au bout de ce bref inventaire, cette loi du profit, de la propriété lucrative, a certes quelques menus défauts mais elle vous permet de continuer à payer vos factures, elle vous permet de dépenser votre argent dans des dépenses somptuaires qui vont donner de l'emploi aux gens sans argent. C'est la théorie du trickle down, du ruissellement: l'enrichissement des riches enrichit les pauvres. Cette belle théorie ne s'est jamais vérifiée - pour enrichir les pauvres, il a toujours fallu appauvrir les riches et les pauvres ne se sont jamais enrichis parce que les riches devenaient plus riches - mais cette théorie a l'avantage de faire passer le riche actionnaire qui tire son argent du travail du pauvre pour quelqu'un de bien, pour quelqu'un de bon, pour quelqu'un d'utile. Mais, vous savez, vous pouvez devenir quelqu'un de bon, d'utile si vous valorisez non vos misérables titres de propriété mais vos aptitudes, votre soif de la vie, votre capacité à aider votre prochain, à inventer, à découvrir, à devenir.

On peut même expliquer pourquoi la théorie du ruissellement n'a jamais fonctionné: les pauvres dépensent tout leur argent alors que les riches accumulent le leur à l'infini. C'est dire que l'argent gagné par les pauvres, les salaires, retourne immédiatement dans l'économie alors que l'argent des riches est retiré de l'économie et remplit des comptes off-shore qui ne servent pas à grand monde.

Cette loi vous permet donc de gagner de l'argent et de le retirer de l'économie en pourrissant les ressources dont vous avez besoin, en sapant les bases de l'État qui protège votre propriété lucrative, en dégradant au passage les infrastructures publiques, le niveau de formation des travailleurs, la qualité des marchandises, etc.

C'est une loi qui risque de ne pas vous nourrir longtemps. Si cette loi ramène l'Europe à l'âge de la pierre, vos titres, vos avoirs, vos actions, vos lingots, vos obligations n'auront plus le moindre sens. Avec ces tas de papier, avec ces tas d'or, vous ne pourrez pas vous nourrir, vous ne pourrez pas vous chauffer, vous ne pourrez pas vous loger. Vous me direz que l'apocalypse économique ne vous touchera pas vous directement. Effectivement, l'apocalypse économique est une quasi certitude si l'on ne touche pas à la loi du profit, de la propriété lucrative, mais elle ne vous touchera peut-être pas directement. Elle touchera vos enfants.

Cette loi que vous croyez normale, naturelle, cette loi de la propriété lucrative est humaine. Elle a un coût démesuré par rapport à ses bénéfices. Par contre, la question de la permanence de vos revenus, de la certitude d'avoir de l'argent pour vos vieux jours est une vraie question. C'est une vraie question, une vraie angoisse que la propriété lucrative, que cette loi humaine d'airain, ne résout pas. Ce qui apaise cette peur lancinante du lendemain, c'est la société, c'est le politique, c'est le vivre ensemble. Demain, d'autres humains produiront, travailleront, laboureront, inventeront, créeront, fabriqueront ce qu'il faut pour tous. Il s'agit de traduire cette solidarité de société, il s'agit de traduire le social et le politique dans l'économique. Il faut que l'économique soit traduit en termes sociaux et politiques qui permettent à chacun de mener librement ses activités et de rencontrer ses besoins.

Dans le royaume de la propriété lucrative, quand vous serez âgé, vous serez parqué dans une maison de retraite. Dans cette maison de retraite, les actionnaires auront tout pouvoir. Les frais de personnel seront donc réduits. Le personnel n'aura, par exemple, pas le temps de s'occuper de vous, il vous laissera sans vous changer pendant des heures si vous faites vos besoins dessus, il devra adapter vos horaires à la rapidité des actes à poser. Bref, riche ou pauvre, en maison de retraite sociale ou en maison pour milliardaires, vous serez maltraités. Pour être bien traité quand vous serez en maison de repos, il faut que les travailleurs soient libres de vous consacrer le temps dont vous aurez besoin. Il faut qu'ils ne soient pas contraints de produire du profit en travaillant au plus vite.

Si vous ne voulez pas être maltraités pendant vos vieux jours, si vous voulez aussi que vos enfants aient le temps de venir vous voir, qu'ils ne soient pas mis sous pression par un employeur chronophage qui cherche le retour sur investissement, il serait bon de remettre en cause cette loi que vous trouvez peut-être encore si normale, si naturelle, la loi de la propriété lucrative.

Mais, ne vous inquiétez pas, tout n'est pas perdu, pour la mise en cause de la propriété lucrative, nous regorgeons d'idées.