Pour répondre aux injonctions de mise au travail (traduisez à l'emploi, traduisez en esclavage) venant du patronat, le texte de Contretemps apporte un curieux éclairage. Dans le Sud des États-Unis, les revenus sociaux étaient interrompus en été pour que les saisonniers bossent comme il faut. On pourrait donc voir ces revenus sociaux comme des subventions aux propriétaires terriens, comme une façon de leur offrir une main d’œuvre prête à l'emploi. En y réfléchissant, le revenu de base souffre de la même tare. Avec ce minimum vital, le prolétariat demeure prêt à servir les patrons pour les emplois "sérieux", pour "vraiment gagner de l'argent", etc. Un peu comme le Speenhamland Act (1795-1834) en Angleterre en son temps, cette allocation qui a été coupée au moment où les industriels ont eu besoin de bras (voir Polanyi, La Grande transformation)
Quelle est la fonction de ces politiques?
Premièrement, l’existence de la pauvreté garantit que le « sale travail » soit accompli. Chaque économie en dispose : travail physiquement salissant ou dangereux, temporaire, sans avenir et sous-payé, indigne, subalternes. Ces emplois peuvent être attribués en les rémunérant par de plus hauts salaires que ceux du travail « propre », ou en imposant à des gens qui n’ont aucun autre choix d’effectuer le sale travail pour de faibles revenus. En Amérique, la pauvreté sert à fournir un réservoir de main d’œuvre acceptant – ou, plutôt, incapable de refuser – le sale travail à bas coût. En effet, cette fonction est tellement importante que dans certains États du Sud, les aides sociales ont été coupées durant les mois d’été, lorsque les pauvres sont nécessaires pour travailler dans les champs.
De plus, le débat autour des prestations s’est focalisé sur l’impact qu’ont les revenus de transfert sur les incitations à travailler, les opposants argumentant souvent que de tels revenus réduiraient les incitations – plutôt, la pression – pour les pauvres à mener le sale travail nécessaire, si les salaires ne dépassent pas les revenus de transfert. En outre, de nombreuses activités économiques impliquant du sale travail dépendent lourdement des pauvres ; restaurants, hôpitaux, branches de l’industrie vestimentaire et alimentaire, entre autres, ne se maintiendraient pas dans leur forme actuelle sans leur dépendance envers les salaires de misère qu’ils versent à leurs employés."The Positive Functions of Poverty”, American Journal of Sociology, sep.1972