L'emploi balade les producteurs-bois d'ébène

Pour l'emploi, il faut des producteurs qui se tiennent prêts. Prêts à servir les propriétaires, prêts à produire de la valeur ajoutée dont ils n'auront qu'une petite partie, prêts à aller au bout du monde pour trouver le Graal: l'investisseur.



On voit des gens compétents déracinés, des qualifications déqualifiées, des étrangers faire des bagages pour fuir la misère. C'est que le marché de l'emploi est organisé par l'aiguillon de la nécessité: nous, producteurs, sommes poussés à nous vendre sur le marché de l'emploi faute de quoi nous sommes privés de l'essentiel, nous sommes exclus de la société.

On voit donc une compagnie, Moving People chercher des producteurs qualifiés en Pologne, au Liban ou en Syrie pour les envoyer travailler en ... Belgique dans le secteur des soins de santé alors que les producteurs de ce pays sont corsetés par une série de numerus clausus, de limitations du nombre de médecins.

Si le site de l'entreprise explique qu'elle accueille les exilés dans les meilleurs conditions, il ne précise pas si les immigrés-travailleurs sont embauchés sous droit belge ou sous des droits européens plus favorables - c'est le principe de la directive Bolkestein qui encourage la concurrence entre les producteurs à l'échelle continentale.

Ce jeu de la concurrence entre producteurs est aussi vieux que le capitalisme. J'ai ainsi entendu que les entreprises jouaient de la rivalité entre les producteurs de Verviers (Belgique - Wallonie) et d'Eupen (Belgique - Wallonie, aussi, tiens) à l'aube du XXe siècle. Il est remarquable que parmi les salaires les plus bas on compte ceux du secteur du bâtiment ou du nettoyage industriel, des secteurs pour ainsi dire non soumis à la concurrence étrangère.

Mais les entreprises jouent la concurrence, à quelque échelle que ce soit. C'est le jeu de LATelec entre la Tunisie et Tarbes: à partir du moment où les productrices de cette société en Tunisie s'organisent autour de leur syndicat, l'UGTT, la société 'relocalise' en France où l'usine de Tarbes prendra soin de n'embaucher que des intérimaires.

Camarades de UGTT en tournée en France (Le Grand Soir)


Cette mise en concurrence a lieu à toutes les échelles et la fermeture des frontières n'y fait pas grand chose sauf à harmoniser les lois sociales dans les régions, les pays entre lesquels les marchandises circulent.

Cette mise en concurrence des producteurs comprime les salaires et dégrade les conditions de travail. Elle est consubstantielle à la logique de l'emploi, du marché, de la vente du temps humain ou de la qualification de poste (et non de producteurs). C'est bien là notre problème.