Emploi et technologie

Au XVIIIe siècle, les luddistes, en Angleterre, s'étaient illustrés en cassant les nouveaux métiers à tisser. Cette tendance existe toujours parmi les producteurs: il est tentant de casser ces machines qui condamnent à la misère, au chômage. Pourtant, la mécanisation peut se concevoir hors du cadre de l'emploi comme une aide, comme une façon d'alléger le fardeaux des tâches productives.

Nous avons ici un exemple flagrant de cette tension capitaliste. Illustration: on invente des robots qui s'acquittent à la place des ouvriers des tâches nécessaire sà la production (par exemple) d'automobiles. Le calcul patronal est simple: moins d'ouvriers, des robots sans congé payé, sans nuit, sans pause toilette, etc. Pourtant, ce calcul est bien sûr simpliste: la valeur ajoutée dont l'actionnaire pique une partie est liée uniquement au travail vivant. Par le jeu de la concurrence, la production qui ne nécessite pas de travail vivant est gratuite et ne génère aucune valeur ajoutée sur laquelle l'actionnaire peut se payer. Le calcul de la technologie augmente la productivité (plus de voiture sont produites) mais pas la valeur ajoutée (les voitures valent de moins en moins). En imaginant une voiture produite avec une heure de travail vivant en tout et pour tout (extraction des matières premières, transformation, façon, finition, commercialisation), elle coûterait l'heure de production (mettons 120€, soyons pas chiens) plus le surtravail (mettons 500€), voici une voiture facturée 620€, c'est dire que, à mesure que la trayeuse se fait plus performante, le pis s'assèche.




En équations, la valeur ajoutée, c'est les salaires plus les investissements plus la rémunération des propriétaires (créanciers, actionnaires, etc.)

(1) VA = S+I+B

La technologie permet de produire plus avec moins de main d'oeuvre.

(2) VA' = S' (<S) + I'(>I) + B

Mais les gains de technologie finissent par être amortis et l'investissement revient à son niveau de départ.

(3) VA'' = S'(<S) + I + B

Ou, pour le dire autrement, le capital change de structure et se tourne proportionnellement davantage vers le capital mort, vers l'investissement et moins vers le capital vivant. Pour conserver B constant, il vient nécessairement que 

(4) VA''<VA et I/VA''>I/VA

et que

(5) S'/VA' < S/VA

ou, pour le dire autrement, la part relative du capital vivant, du salaire diminue dans le capital.

Ce qui est évidement idiot puisque les salaires constituent les VA d'autres entreprises. Comme les entreprises sont en concurrence, comme les salaires sont en baisse, il y a nécessité de baisse des prix:

(6) VA''' < VA''

Ce qui implique

(7) S'''< S'' du fait de la concurrence entre travailleurs (ceci induit ensuite une autre diminution des VA)

(8) B'''< B du fait de la concurrence entre entreprises et de la faiblesse des marchés. Les bénéfices baissent.

Nous avons donc finalement, une baisse des salaires puis une baisse des bénéfices et, donc, une augmentation relative des investissements. Globalement, la part des investissements devient de plus en plus importante et la part relative des bénéfices (et des salaires) devient de plus en plus faible. C'est la baisse tendancielle du taux de profit.

Un exemple de ladrerie patronale à courte vue: remplacer les ouvriers par des robots. Sauf que, c'est parce qu'il y a du travail vivant à la production qu'il y a production de valeur. Si on imagine une production sans aucun travail vivant, les coûts de vente de cette production vont tendre vers zéro puisque la concurrence aura recours aux mêmes procédés. Pour faire simple, l'usine produira autant de bagnoles (ou deux fois plus, si vous voulez) mais les bagnoles ne vaudront plus rien puisqu'elles ne coûteront à produire. Bénéfices pour les patrons: bésigue, surtout que, faute de salaires, personne ne pourra acheter les bidules produits par les robots.
 



Les délires techno-scientistes ou l'art de ne pas résoudre les problèmes et de résoudre ce qui n'est pas un problème, ou encore le fantasme de l'économie, de la chrématistique (l'art de faire de l'argent) libérée de l'humain. Pourquoi s'arrêter en si bon chemin et ne pas également libérer la production de l'humain-actionnaire et pourquoi ne pas le remplacer par un robot-actionnaire complètement gratuit?