Le patron demande de l'emploi, le chômeur offre de l'emploi

Mais oui, les termes 'offre d'emploi' et 'demande d'emploi' sont des abus de langage. En fait, c'est le travailleur qui propose, qui offre un emploi alors que l'employeur le demande.



La preuve? C'est très simple. En vertu de la loi libérale de l'offre et de la demande, plus un produit est abondant, moins il est cher et, proportionnellement à la demande, plus il est rare, plus il est cher. Nous constatons que, quand le chômage est élevé, le prix de l'emploi baisse, c'est-à-dire que l'emploi est abondant alors que, quand le chômage est bas et les besoins des entreprises élevés, le prix de l'emploi augmente - ce qui atteste sa rareté. Donc, ce sont les chômeurs qui offrent la marchandise nommée 'emploi' et les employeurs qui demandent la marchandise nommée 'emploi' puisque le prix de cette marchandise augmente quand les chômeurs sont rares et diminue quand ils sont nombreux.

Pourquoi ce renversement dans les termes, alors? Simplement, en faisant croire au travailleur qu'il demande un emploi alors que c'est lui qui l'offre, on lui fait également croire à ...

- La toute-puissance de l'employeur.
- Un rapport de force dans lequel il est demandeur alors que ce sont les propriétaires qui le sont.
- Une activité professionnelle dans laquelle il attend patiemment, passivement, des 'opportunités'.
- La valeur, la chance pour l'employé d'être soumis à l'emploi.




Répétons-le aucun de ces mythes urbains aussi bien partagés par les syndicats que par le monde patronal ou politique n'a la moindre once de vérité: si c'était le cas, tout ce beau monde se réjouirait des grèves.

En fait, chaque être humain est usager de son temps. Il en a l'usage et la liberté. Les croyants verront la chose comme un don de Dieu, les athées la verront comme une liberté liée à la condition humaine. De toutes façons, ils seront d'accord pour reconnaître à cette liberté dans le temps un caractère sacré, intouchable, inaliénable.

Le producteur détenteur de cette liberté personnelle doit la vendre sous la pression de l'aiguillon de la nécessité. S'il ne la vend pas, il se condamne, lui et les siens, à un déclassement, à une marginalisation sociale voire à la misère. Cet aiguillon aliène donc la liberté humaine liée au temps (elle est criminelle du point de vue athée et sacrilège, simoniaque du point de vue des croyants).



La marchandise-emploi est donc vendue, 'offerte', par le producteur sur le marché de l'emploi, comme un marchand de fraises propose ses marchandises sur le marché. S'il y a des amateurs, les fraises s'arrachent et les prix s'envolent, s'il n'y a personne pour acheter, le vendeur baisse ses prix jusqu'à la misère. Il en va de la même façon pour le travail organisé par la convention capitaliste de l'emploi.

Le hic, c'est que le demandeur d'emploi, le patron n'est pas poussé par l'aiguillon de la nécessité alors que le vendeur d'emploi, le producteur, est lui tenu de payer ses factures et de nourrir sa progéniture. L'aiguillon induit donc des rapports de force parfaitement déséquilibrés, malsains, contre-productifs. Il faut donc le proscrire.



Pour éviter l'aliénation du temps humain, il nous faut songer non pas à vendre le temps mais à sanctuariser le statut du producteur, ce qui, en outre, rééquilibrerait la balance.

Le vendeur d'emploi (le producteur) ne devrait plus aliéner son temps mais pourrait épanouir son activité dans la liberté intégrale de son temps. Il deviendrait plus libre, ne serait plus soumis au chantage anxiogène de l'aiguillon et ne serait plus contraint à la simonie (pour les croyants) ou à l'indignité (pour les athées). Le demandeur d'emploi (le patron) ne disposerait plus du droit de vie et de mort sociale sur ses employés. De sorte que, de manière assez libérale au fond, le temps de travail se trouverait hors du champ du marché mais la demande et l'offre d'activité pourraient alors s'adapter aux besoins ... du marché.