Bien sûr, nous sommes tous plus ou moins amenés à faire des concessions, à devoir accepter un emploi de temps en temps pour payer nos factures ou pour ne pas se retrouver à la rue mais l'enjeu du test est de déterminer ce que l'emploi signifie pour nous.
Vous êtes prếts?
- C'est parti.
1. Un chômeur, c'est
(a) quelqu'un qui doit retrouver absolument un emploi
(b) quelqu'un en parcours formation-emploi
(c) quelqu'un qui peut être utile dans votre entreprise
(d) un producteur salarié libéré d'employeur, malheureusement souvent harcelé par des administrations économiquement obtuses
2. Vous voyez une annonce pour un emploi. Il s'agit d'un stage à temps plein. Il n'est pas payé mais, selon l'annonce, offre la perspective d'un emploi en CDI à terme dans une entreprise d'envergure internationale.
(a) Les chômeurs doivent sauter sur cette offre. C'est une opportunité. Les candidats risquent de se battre pour cette offre formidable .
(b) Je peux travailler beaucoup, je suis engagé dans mon secteur d'activité. La perspective d'un CDI à terme m'intéresse beaucoup au vu du prestige de l'employeur.
(c) Quelle bonne idée, cette annonce. Je devrais en parler au DRH.
(d) Est-ce qu'on doit aussi porter un uniforme rayé?
3. Le gouvernement veut durcir les conditions d'indemnisation des chômeurs.
(a) C'est tout de même logique: il faut mériter son salaire, il faut faire des efforts et prouver qu'on a bien le droit aux allocations (je résume).
(b) Ce n'est pas grave, avec mon CV et mes expériences professionnelles, avec mes nombreux stages en entreprises (gratuits) et mes formations langue, je devrais rapidement trouver un poste.
(c) Logique après toutes les exemptions de cotisations sociales. C'est peut-être le moment de remplacer les employés les plus âgés par des collègues plus jeunes et moins remuants.
(d) Idiot, antiéconomique, réactionnaire. Dommage pour ce gouvernement que la connerie humaine ne soit pas rémunérée, ils seraient loin devant Bill Gates. Mais pourquoi les syndicats ne réagissent pas par une grève générale?
4. Nabila gagne des millions en disant: allô, non, mais quoi et dépose un brevet de propriété intellectuelle.
(a) L'argent reconnaît le mérite, la valeur. Nabila a créé de la valeur par son mérite. C'est normal qu'elle veuille défendre ses intérêts.
(b) Je ne regarde pas les autres avec jalousie. Moi, j'essaie de m'en sortir. Après tout, ce qu'on me demande au travail n'est pas toujours reluisant ni pertinent mais il faut bien gagner sa croûte et obéir.
(c) Peut-être, une campagne marketing avec elle ... J'ai quand même peur qu'elle ne passe rapidement de mode mais je crois qu'il y a moyen de lui faire faire à peu près n'importe quoi.
(d) Qui ça?
5. Un jeune apprenti maçon meurt de manière sur un chantier. Çà et là, on incrimine la négligence des entrepreneurs, le sous-financement des inspecteurs, le manque de formation du personnel et la corruption des intermédiaires
(a) C'est une erreur humaine terrible. C'est la faute à pas de chance. Quand on pense qu'on a marché sur la lune ... Mais qu'est-ce qu'on pourrait bien faire pour éviter ça?
(b) Heureusement, ce n'est pas dans mon secteur.
(c) Quelle bande de crétins. Quand on pense qu'on peut avoir de faux indépendants roumains pour 10 € de l'heure! Un management à la petite cuiller comme ça, ça devrait être interdit.
(d) Les actionnaires sont des criminels psychopathes qui n'ont même pas le cran d'assumer les conséquences de leurs actes.
6. La politique d'austérité du gouvernement a creusé le déficit public.
(a) Il faut plus d'austérité. Il faut reculer l'âge de la retraite, baisser les salaires, diminuer les indemnisations chômage, les pensions invalidité et réduire les vacances pour rester compétitifs. Au bout d'une trentaine d'années à ce régime, quand on sera ramenés au niveau de l'Érythrée, on sera compétitifs et on aura un emploi.
(b) C'est une passe pas facile. S'il faut faire des sacrifices, s'il faut renoncer à des droits sociaux ou à du salaire pour surmonter le cap, j'y suis prêt.
(c) C'est l'État obèse, les impôts et les cotisations qui creusent les déficits. Il faut diminuer les recettes de l'État et nous n'aurons plus de déficit [comprenne qui pourra, moi, je renonce].
(d) Le problème, c'est la solution. Comme l'austérité - la guerre aux salaires et aux salariés - réduit l'économie et que c'est le problème, il n'y a qu'à investir massivement dans les salaires. Tant qu'à faire, autant investir dans des salaires sans patrons, socialiser les outils de production et démocratiser l'économie - pour rester dans le pragmatisme centriste.
7. C'est bientôt Noël.
(a) Je donne tous les ans à une organisation caritative pour orphelins bègues parce que, eux, ils n'y peuvent rien.
(b) Est-ce que j'ai bien acheté tous mes cadeaux?
(c) Bon, en gros ils ont tous encore un peu de congés à prendre. Je vais faire l'inventaire cette semaine.
(d) Encore ce matraquage publicitaire! S'ils veulent vraiment qu'on consomme, ils suffit de nous filer des salaires décents (inconditionnels et individuels).
8. J'ai mal garé ma voiture. J'en avais pour cinq minutes mais ça n'a pas manqué: j'ai droit à une contravention, à une prune.
(a) C'est tout de même incroyable, ces fonctionnaires qu'on paie à rien foutre avec nos impôts!
(b) C'est un métier utile, ça, aubergine. C'est vrai que ma voiture empêchait les gens de passer. C'est un peu difficile, cette amende, vu que j'ai déjà une hypothèque et deux crédits sur le dos mais je vais y arriver.
(c) Bon, un coup de fil à Georges Lemaire, il ne peut rien me refuser après ce qu'il me doit et ce sera réglé. Mais pourquoi est-ce que ces policiers font du zèle?
(d) Bon, d'accord, j'étais mal garé. Nom de nom. Je râle mais c'est juste - après tout j'ai abusé.
9. Le gouvernement décide de ne pas remplacer les fonctionnaires qui partent à la retraite.
(a) C'est bien. Il faut que les gens travaillent pour gagner un salaire. Travailler, c'est se faire embaucher par un patron qui fait des bénéfices, des profits pour des actionnaires.
(b) Je travaille dans le secteur privé/ je cherche de l'emploi dans le secteur privé. Cette mesure ne me concerne pas.
(c) Des impôts en moins pour moins de fonctionnaires... c'est bien, mais qui va soigner mes ouvriers, réparer mes routes ou former mes employés?
(d) Je propose d'envoyer le gouvernement à la retraite et de faire gérer la fonction publique par les intéressés: les fonctionnaires. On va se retrouver en Érythrée avec leur politique à la noix. Il y a trente ans, le tiers-monde faisait l'objet de pitié, aujourd'hui, c'est un idéal économique.
10. Les syndicats appellent à la grève pour protester contre les baisses de salaires et (on peut rêver) le harcèlement des chômeurs.
(a) Toujours prêts à faire grève ceux-là! Heureusement, il y en a qui bossent.
(b) Je peux en profiter pour déposer des CV dans les boîtes d'intérim. Ça m'étonnerait qu'ils débraient.
(c) Grève! Quoi, ils veulent encore conquérir des droits, nous extorquer des avantages. Pourvu que le gouvernement mate vite ça, je ne pourrais pas tenir mes comptes longtemps.
(d) Il faut s'organiser pour tenir, organiser des réseaux de solidarité, parler de notre cause, partout dans le monde, avec nos camarades. Si on tient - mais ce sera dur de tenir entre le gouvernement en arme et les syndicats jaunes vifs - on peut obtenir des trucs inouïs. Et si on en profitait pour se débarrasser de l'emploi?
- Résultats
(a): vous êtes employiste.
Pour vous, ce n'est pas que tout travail mérite salaire; c'est que tout salaire mérite travail et, pour vous, un travail, c'est un employé qui est embauché par un patron qui va enrichir un propriétaire lucratif. Les artistes, les retraités, les syndicalistes, les chômeurs, les parents? des fainéants. Vous rêvez d'une société où tous les inutiles, les malades, les vieux n'auraient pas le droit de cité. Qu'on leur donne une aumône, un revenu de base à 400 € comme le recommandait Maris mais qu'ils ne viennent pas emmerder ceux qui bossent. Parce que, bien sûr, pour vous, ceux qui ne travaillent pas un patron ne travaillent pas vraiment. Oh, ils font des choses utiles mais ils ne travaillent pas vraiment. En Belgique (en France), il y a pour vous à peu près 2 millions et demi (15 millions) d'habitants. Les autres sont inutiles.
Vos modèles économiques: l'Érythrée et l'Ukraine.
Vos modèles politiques: l'Union Européenne - vous aimez beaucoup Sarkozy et De Wever.
Méfiez-vous tout de même du surmenage et de la solitude, cela pourrait vous être fatal.
(b): vous êtes employable.
Vous êtes l'employé idéal, celui qui pense à ses intérêts, certes, mais d'abord à ceux de son employeurs. Vous n'allez pas rouspéter, faire grève ou vous révolter. Vous essayez en toute circonstance de tirer votre épingle du jeu. Votre indifférence au sort de vos semblables fait de vous l'employé du mois.(c): vous êtes employeur.
Vos modèles économiques: les États-Unis et la Chine (ce qui prouve votre esprit d'ouverture, tant qu'il y a des affaires à faire).
Vos modèles politiques: vous ne faites pas de politique.
Méfiez-vous tout de même du retournement de conjoncture. Il ne sera pas nécessairement possible d'émigrer - sauf si vous être très riche mais, si vous êtes très riche, vous n'êtes pas l'employé idéal.
Vous ne voyez pas le problème à donner du travail à ceux qui vous enrichissent même si vous aimez qu'on vous remercie pour cela. Pour vous, ils sont des coûts à réduire, ces employés. Mais ce sont des coûts que vous êtes éventuellement prêts à payer. Pour pouvoir continuer ce petit jeu.
Certains d'entre vous sont complètement sous la coupe d'actionnaires. D'autres préfèrent l'entreprise à papa, celle qui fait des usines et des boudins. Certains sont passionnés par leur activité, d'autres emploient des gens pour y penser à leur place.
Vos modèles économiques: certains voient la sécurité sociale, les salaires d'un bon œil à condition que la concurrence doivent les payer également; d'autres voient tous ces trucs comme des coûts qui grèvent la compétitivité. Les premiers n'ont rien contre la Scandinavie, les seconds sont plus proches de l'Érythrée. Vous êtes partagés.
Méfiez-vous de l'appât du gain: le jour où vous vous en lasserez, le jour où vous voudrez être aimé pour vous-même et non plus craint pour votre argent, il sera peut-être trop tard.
(d): vous êtes des irrécupérables.
C'est certainement le plus beau compliment qu'on peut faire à quelqu'un dans une société malade. Être inadaptés à une société malsaine est un signe de santé mentale.
Vous voyez les contradictions des modèles économiques traditionnels (ou alternatifs, d'ailleurs), vous pensez que les crabes, les pingouins, les tortues et les phasmes s'en sortent très bien, qu'ils mangent, se nourrissent, se logent, se chauffent et font société sans employeurs. Vous ne voyez pas très bien pourquoi les humains n'en seraient pas capables.
Surtout, vous ne comprenez pas sur quoi repose la légitimité de celui qui emploie, qui prend de la richesse du travail d'autrui. Pour vous le salaire est aussi légitime que l'emploi est nuisible. Alors que le salaire à la personne ouvre l'économie à la démocratie, l'emploi nuit à l'environnement, à la santé mentale et physique des êtres humains. Vous ne comprenez pas au nom de quoi, parce qu'un être humain a des avoirs, il doit être obéi d'autres êtres humains alors qu'il n'a ni compétence, ni projet, ni expertise à faire valoir.
Vos modèles économiques: vous trouvez que l'économie est organisée de façon inefficace et que cela obère les ressources à long terme. Certains d'entre vous rêvent d'une société sans argent (mais sans chef); d'autres préfèrent une société salariale sans emploi, sans propriétaire lucratif, sans employeur. On peut citer pour les premiers les Nations indiennes et pour les seconds la sécurité sociale après guerre qui était entièrement gérée par les seuls salariés.
Méfiez-vous d'un excès d'idéalisme. Il vaut parfois mieux ne pas avoir raison contre la terre entière, c'est que, la solitude, ça pèse. N'hésitez pas à jeter des passerelles, des ponts, à vous amuser dans des activités extra-employiques. Tout le monde a tout à y gagner. Quant à l'intendance, comme on dit, elle suivra.