Cet article est disponible en PDF ici
Chères vous, chers vous,
Je me permets de vous écrire non pour vous convaincre, non pour vous toucher, non pour vous vendre un projet, une idée, une idéologie ou une façon de penser mais parce que je ressens une urgence à vous partager deux ou trois choses susceptibles de vous intéresser.

Pour rappel, en Belgique, les MMPP ont été inventés pour mettre des malades et des gens en détresse psychique ou physique en emploi; pour rappel, on parle de mettre les malades au travail par des plans d'activation plus ou moins forcés; pour rappel, les conditions d'octroi des prestations invalidités deviennent de plus en plus sévères; pour rappel, les handicapés et les malades au chômage sont les premières victimes des mesures d'exclusions Di Rupo - Michel; pour rappel, enfin, le montant des prestations invalidités est raboté via l'impôt et via la diminution des remboursement des soins de santé. Nous condamnons bien sûr chacune de ces attaques contre des gens désarmés, peu organisés.
Je me permets de vous écrire que, pour moi, vous n'êtes pas, vous n'avez jamais été et vous ne serez jamais des coûts. Vous êtes une richesse. Ce n'est pas que vous soyez meilleurs (ou pires, d'ailleurs) que les autres, c'est que votre présence participe de la complexité de la société, elle l'enrichit. Comme tous les autres producteurs, vous participez pleinement à la construction, à l'édification de cette société. Vous n'êtes pas en périphérie. Vous êtes au centre du vivre ensemble.

Oubliez les bilans comptables, oubliez la logique qui veut que gagner de l'argent a le moindre intérêt. Réfléchissez à ce qui tient à la vie, à ce que l'on voit disparaître à regret à l'heure dernière. Les avoirs financiers? Les bilans bancaires? Non, c'est la présence, c'est ce tissu de rencontres, de devenirs, de différances qui nous a construits, peu à peu. C'est cette vie-là, cette capacité-là à se transformer avec ceux qui nous entourent qui nous attachent désespérément à la vie.

Une société qui sombre dans l'utilitarisme vénal, qui confond avidité et utilité sociale meure dans la barbarie. Ce que nous disent votre handicap et votre maladie, c'est cette vie nue, cette vérité de la vie comme sens en soi.

Par cette lettre, je ne voulais rien vous apprendre, je n'avais aucune solution à vous apporter. Je voulais simplement vous dire que vous êtes précieux, que vous êtes dans la société - largement autant que les zombies esclaves de leur travail, de leur mode de vie - que vous n'êtes ni meilleurs ni pires que les autres mais que votre manière de vivre, de travailler hors de l'emploi rend notre société plus riche. C'est cette richesse que je voulais défendre dans cette lettre, je voulais vous remercier d'être là, d'être ce que vous êtes.
bien à vous,