Lutte des intermittents

Les intermittents luttent en France pour conserver leur statut. La frange la plus réactionnaire du patronat, le Medef, entend remettre en question un régime d'assurance-chômage particulier.

Le Monde nous raconte leurs actions à travers la France ici. Extrait.

Une centaine d'intermittents du spectacle, rejoints par des intérimaires – dont le régime est également discuté dans le cadre des négociations concernant l'assurance-chômage – occupaient jeudi 13 mars dans l'après-midi la Cour des comptes, à Paris, a annoncé la CGT Spectacle dans un communiqué.
A Toulouse, entre trois cents et six cents personnes — suivant les évaluations de la police et des organisateurs — ont défilé « pour la justice sociale » en traînant des centaines de chaises derrière eux dans un grand vacarme. « Ces chaises symbolisent celles des spectateurs, mais aussi la chaise vide des ministères et des partenaires sociaux », a expliqué Coco Guimbaud, une des animatrices du Collectif des intermittents-es et précaires (CIP) de Midi-Pyrénées, soutenu par les syndicats CGT, FSU et SUD-Solidaires.
 Un régime qui n'a rien d'un privilège mais - à l'instar des autres régimes de salaires sociaux - rapporte énormément à la collectivité en termes socio-culturels, bien sûr mais aussi en termes économiques.

Mathieu Grégoire rappelle ce fait, toujours dans le Monde (ici)

Le régime des intermittents représente-t-il malgré tout un « surcoût » par rapport au régime général ? C'est l'idée qui a émergé, après la publication en avril 2013 d'un rapport parlementaire rédigé par le député (PS) Jean-Patrick Gille. Si on supprimait le régime des intermittents, l'économie réalisée ne serait pas de 1 milliard mais seulement de 320 millions, dans la mesure où une partie des intermittents basculerait au régime général et continuerait de percevoir des allocations.
Depuis lors, le débat est focalisé sur cette somme de 320 millions de « surcoût »: certains en font le nécessaire, mais raisonnable, « prix de la culture ». D'autres (comme les auteurs d'un rapport sénatorial aux recommandations radicales paru en décembre 2013) en font un objectif d'économies à atteindre.

Le Medef, de son côté, s'est saisi de cette opportunité pour demander à l'Etat de financer ce surcoût au titre de sa politique culturelle. Mais ce surcoût existe-t-il vraiment ? On peut en douter. Les intermittents ne coûtent pas plus cher que les autres chômeurs : ces 3,5 % des effectifs indemnisés représentent 3,4 % des dépenses. La mesure du surcoût de 320 millions n'est que l'incarnation comptable de l'idée préconçue selon laquelle les intermittents seraient des privilégiés. Il ne s'agit ni plus ni moins que de quantifier ce « privilège » en se demandant à combien le « coût » des 100 000 intermittents s'élèverait si on les mettait au régime général.
Ce faisant, on confond adaptation du dispositif à l'intermittence de l'emploi et privilège. Pour s'en convaincre, il suffit de faire le raisonnement symétrique : que coûteraient 100 000 chômeurs du régime général si on les basculait dans le régime « privilégié » des annexes VIII et X ? 320 millions de plus ? Certainement pas !
Les plus précaires d'entre eux ne seraient plus du tout indemnisés dans la mesure où les règles d'éligibilité sont beaucoup plus strictes chez les intermittents (507 heures en dix ou dix mois et demi selon qu'ils sont techniciens ou artistes) que dans le régime général (610 heures en vingt-huit mois, soit quelques heures en plus à effectuer dans une période de référence plus de deux fois plus longue)
A l'autre bout de l'échelle, les chômeurs issus d'un CDI (ou d'un CDD long) seraient exclus au bout de huit mois, alors qu'ils peuvent bénéficier, dans le régime général, d'indemnités pendant une durée allant jusqu'à deux ans. Et on sait qu'à huit mois plus de la moitié des chômeurs n'ont pas encore retrouvé d'emploi.
Au final, ces chômeurs seraient donc bien moins lotis dans le régime des intermittents que dans le régime général. Pour une simple raison : le régime général est plus adapté à l'emploi stable, le régime des intermittents à l'emploi intermittent. Mais l'un n'est pas plus coûteux ou privilégié que l'autre. Et les 320 millions ne correspondent à rien d'autre qu'à la menace qu'on fait peser sur les intermittents lorsqu'on suggère de supprimer un régime adapté à leur forme d'emploi.