Contre le salaire, pour l'impôt et pour l'emploi

C'est en Espagne que ça se passe (mais ça se passe partout).

C'est une valse en trois temps:

1. On baisse les cotisations sociales pour nourrir les bénéfices qui gavent les propriétaires d'entreprises.

2. La sécurité sociale est sous-financée, les besoins criant de la population ne sont pas rencontrés puisque la baisse des cotisations sociales ne crée pas le moindre emploi.

3. On taxe les contribuables pour couvrir les besoins les plus criants qui ne sont plus couverts par les cotisations - ce qui baisse la valeur réelle des salaires amputés d'une TVA augmentée, salaires essentiellement dévolus à la consommation.

Résultat: ce qui était cotisation sociale est devenu impôt, la valeur ajoutée créée par les salariés hors emploi devient ponction sur le salaire. Les salaires réels sont donc amputés dans cette guerre au salaire au nom de l'emploi.

Mais les entreprises n'embauchent pas parce qu'elles ont de l'argent mais parce qu'elles ont un carnet de commande rempli, parce que des gens dépensent du salaire en biens de consommation (voir l'article de Lordon ici) ... or les salaires ont été amputés. Face au marasme économique, les politiques remettent donc le couvert et repartent pour une valse. Le chômage s'élève à plus de 25% en Espagne (ce qui n'est pas un problème en soi, le problème, c'est l'exclusion sociale et salariale que le chômage peut impliquer).


Extrait et traduction d'un article de Diagonal de Isabel Otxoa (ici, en espagnol) sur le premier temps, sur la baisse des cotisations sociales décidée par le très employiste Rajoy au nom de .... l'emploi, bien sûr. Résumé et traduction

Depuis le deux mars, toutes les entreprises, quelle que leur taille et leurs bénéfices, ne paient plus que 100 € de cotisation à la sécurité sociale pour les risques communs pour les temps pleins - les contrats à temps partiels cotiseront proportionnellement.

Cette réduction de cotisations sociales sera d'application pendant deux ans et sera à la charge de la sécurité sociale. Le taux forfaitaire de Rajoy [premier ministre espagnol en fonction] est présenté à l'opinion publique comme une mesure en faveur du bon emploi, du salaire fixe mais la cotisation sociale des entreprises à la sécurité sociale est un salaire différé [pour nous, c'est une forme socialisée de salaire, mais nous traduisons]. Ce qu'annonce cette mesure, c'est un coup de pouce à la distribution des richesse en faveur des quelques uns. 

La mesure enlèvera au système de sécurité sociale l'équivalent de 10 mois et demi de prestation de 399,38 € mensuelles que les gens au chômage reçoivent pendant six mois. Elle rapportera aux entreprises 4142 € par an, sur base d'un salaire moyen. Ce plan veut favoriser le contrat à durée indéterminée mais il le rapproche simplement du contrat à durée déterminée: les calculs d'indemnisation de chômage deviennent aussi peu avantageux - elle passe de 45 à 33 jours par an, comme pour les contrats durée déterminée.

La diminution des cotisations ouvre la brèche de la diminution des prestations.

Extrait d'un article du Monde (ici) sur l'augmentation des impôts (troisième temps de la valse)

Afin de doper la croissance et de créer des centaines de milliers d'emplois, le gouvernement espagnol de Mariano Rajoy s'apprêterait à engager un plan de « dévaluation fiscale », comparable par certains aspects au projet de TVA sociale envisagé un temps en France,
Le conseil des ministres étudiera, vendredi 14 mars, un projet de réforme fiscale qui, selon des sources gouvernementales, conduira à aligner sur le taux normal de TVA, à 21 %,  les taux réduits de 4 % et 10 % dont bénéficent certains produits et services.
Les taxes sur l'immobilier et les carburants seraient aussi relevées. Parallèlement, l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur le revenu des tranches inférieures seraient réduits.