Mélenchon se tire presque bien de la glu pujadienne

28 août 2013, 18:33
vidéo extraite du jité: Vidéo JT France 2, Jean-Luc Mélenchon

Certes, se tirer des griffes de la pensée automatique, de la pensée petit écran total est une gageure et il faut saluer l'exploit: non la réforme n'est pas une bonne réforme pour les salariés, oui, les pensions sont un salaire, oui faire baisser les salaires poche pour augmenter les cotisations, c'est une forfaiture (puisque les cotisations en question ont été constamment diminuées par divers plans d'aide aux patrons depuis quarante ans) mais, mais, mais

- la cotisation n'est pas un salaire différé sauf à considérer que la sécurité sociale est une assurance individuelle. C'est un salaire direct, une répartition directe à l'instant t de la richesse produite sans décalage dans le temps entre le moment où la valeur est produite et le moment où elle est touchée en salaires (directs ou sociaux). La cotisation est un salaire direct socialisé et c'est à ce titre qu'il faut défendre (et étendre) son potentiel révolutionnaire puisque ce salaire dissocie le poste, la prestation et la rémunération, il change les rapports de production.

- l'augmentation (très relative) de cotisation est compensée dit le héraut audiovisuel par la CSG, c'est dire qu'il n'y a pas augmentation de cotisation mais fiscalisation de la sécurité sociale (en deux temps, donc, on augmente la cotisation puis on diminue par la fiscalité). La fiscalité étouffe les salaires et ne change pas les rapports de production au sein de l'emploi. A ce titre, c'est une catastrophe alors que les cotisations sont une bénédiction du point de vue des producteurs.

- l'argument keynésien est correct (les salaires sont dépensés donc ils constituent un chiffre d'affaire pour les entreprises) mais la conclusion que tire Jean-Luc est catastrophique de notre point de vue: cela augmente l'emploi - quand l'emploi est une machine à polluer et à casser les employés, on se demande où trouver un représentant des producteurs qui les protège du fléau qu'est l'emploi. L'augmentation de l'emploi n'est en aucun cas le but, il faut, au contraire, augmenter les salaires, les socialiser autant que faire se peut et détacher l'activité humaine de ce mode d'organisation criminel

- Le leader du Parti de Gauche dénonce à juste titre le chantage du vieillissement pour augmenter le temps d'emploi effectif, pour diminuer la retraite et les salaires sociaux mais il demeure dans le paradigme employiste: il faut relancer l'activité pour relancer l'emploi. Vieille erreur de la gauche: favoriser un régime de production qui consiste à se vendre à des gens qui exploitent le travail pour en tirer une plus-value. La gauche doit se libérer de l'emploi et non nous y amener. La droite, d'ailleurs, aurait de bonnes raisons de faire la même chose (voir notre argumentaire anti syndrome de Stockholm sur cette même page).

- Mélenchon dénonce l'austérité et la ponction sur le pouvoir d'achat comme une source de problème. A raison mais le paradigme du pouvoir d'achat est également un piège pour la gauche puisqu'il pose l'enrichissement collectif comme bien alors que son horizon d'espérance porteur s'accommode mal de l'enrichissement. Ce faisant, les troupes se démobilisent, elles sont perdues. Le pouvoir d'achat ne pourra jamais mobiliser sur la gauche, il faut davantage - ne fût-ce que de manière tactique - faire appel aux valeurs de justice, d'équité, de partage, au destin collectif. Des troupes mobilisées par des croyances fermes, profondes, sincères iront à la victoire plus sûrement que des fantassins assoiffés de gain.

- Sur les impôts, même remarque stratégique: Mélenchon veut que les riches paient en impôts de quoi faire des choses utiles. C'est là un double piège: d'abord, cette politique met les pouvoirs publics à la merci des capacités contributives des plus riches et ... donc de leurs profits et puis, au niveau métaphysique, on ne mobilise que faiblement des gens sur une idée de faire rendre gorge aux nantis. La négativité ne fonctionne que dans les épisodes politiques violents mais, pour constituer une force politique, il importe d'incarner un projet positive qui agrège.

- Excellente conclusion, par contre, sur l'esprit de la réforme: il s'agit d'une ponction sur les salariés.

En un mot, la gauche aurait intérêt à reconsidérer son rapport à l'emploi. Rappelons que Marx le trouvait abominable, que toute l'histoire de la gauche pourrait se résumer à la réappropriation des moyens de production, des terres, du temps, de la liberté humaine contre les propriétaires , les ayants-droit.

Le jour où la gauche bascule dans son camp naturel, celui de l'anti-employisme, le jour où la droite la rejoint tout aussi naturellement sur ce terrain (vous pensez, vendre le temps de Dieu!), nous pourrons alors réfléchir sereinement à nos problèmes et y trouver une solution.