Commentaires sur la CGT

18 août 2013, 15:32
La CGT a sorti une petite vidéo sur la sécurité sociale en France. Si nous adhérons pleinement à l'analyse économique des cotisations, de l'effet des cotisations sociales et de leur importance comme investissement économique, ou à la présentation historique de la genèse de la sécurité sociale comme fruit d'un rapport de forces, nous nous permettons quelques remarques par rapport au cadre de pensée dans lequel s'inscrit la vidéo. De nouveau, nous commentons un texte d'un point de vue qui nous est proche non pour le détruire mais pour interpeller ses auteurs.

1. le risque
La sécurité sociale est présentée comme une protection contre les risques de la vie. Si elle est un salaire, elle n'est pas une reconnaissance de valeur économique mais une assurance publique efficace. Notons que les risques constituent des événements négatifs qui interrompent le cours 'normal' d'une vie. Parmi ces événements, la maladie, la vieillesse et, de manière plus étonnante, la maternité et le chômage qu'on pourrait considérer en soi comme d'heureux événements.

Cette vision de la vie comme siège d'une normalité susceptible de se voir dérangée par l'avènement de l'inattendu, de ce qui est impossible à assumer, dessine en creux le contour d'une existence assiégée, menacée dont les risques individuels seraient socialisés. Par ailleurs, le chômage ou la vieillesse étant assimilés à des risques, ils sont présentés comme des événements malheureux, tristes. Ils pourraient aussi être présentés comme de formidables opportunités de faire quelque chose hors de l'emploi.

Par ailleurs, la présentation de la sécurité sociale sous forme d'assurance implique que les vieux, les chômeurs, les malades ou les enfants sont des poids. Cette présentation fait l'impasse sur leur extraordinaire productivité - y compris économique.

2. le coût
Si toute valeur ajoutée est effectivement fruit du travail, la partie socialisée de la valeur ajoutée ne fait que reconnaître une valeur produite par le travail hors du cadre de l'emploi. Si les cotisations sociales disparaissent, ce sont les profits qui s'en repaissent avant de ... sombrer dans le néant du fait de la concurrence. Une marge excessive finira toujours par disparaître sous la pression des concurrents. De ce fait, le rapt de la cotisation sociale par les profits ne dure qu'un temps avant de disparaître. L'on peut donc dire après Bernard Friot que le producteur hors emploi (et le fonctionnaire) crée la valeur qui lui est attribuée.

3. l'emploi
Le piège ultime a malheureusement aussi fonctionné pour la CGT: réclamer un emploi, demander un emploi ou même considérer l'emploi comme un droit, comme une nécessité, c'est se placer sur un terrain où, en tant que syndicat de producteurs, on est sûrs de se faire aplatir. C'est un principe de l'art de la guerre: ne pas se placer sur le terrain de l'ennemi, se placer sur son terrain. Pour le dire autrement, il est absurde de vouloir se battre à la boxe contre un boxeur professionnel, il vaudra mieux essayer de le battre aux échecs, à la parole ou au solfège. Le combat sera moins dangereux et l'issue en sera moins sûrement fatale. La notion même d'emploi est une notion patronale: ce sont les patrons qui emploient, ils paient (chichement) des gens pour revendre ce que ces gens (les employés) ont fait plus cher. L'engluement du temps dans la grisaille de l'emploi sert les intérêts des propriétaires et eux seuls. L'emploi est un cadre dans lequel le patron définit la quantité de travail, l'organisation du travail, le but du travail et le mode d'évaluation du travail.

En conclusion, pour faire court, l'emploi doit cesser d'être une revendication, c'est le salaire qu'il faut défendre; les cotisations ne coûtent rien aux producteurs soumis à l'emploi et la sécu reconnaît une valeur produite hors emploi - ce qui la rend révolutionnaire - et ne couvre nul risque, n'a rien à voir avec l'assurance.

Par cette exégèse nous entendons poser le problème de ce qu'on veut:
- s'agit-il d'aménager un cadre, celui de l'emploi, pour le rendre plus habitable pour ceux qui n'ont pas la malchance d'être asservis à sa logique?
- s'agit-il de pousser le salaire hors emploi, la reconnaissance de la valeur hors emploi et de libérer les gens, l'activité dans ce qui serait une perspective émancipatrice?


http://www.youtube.com/watch?v=ktp77xtt6DY&feature=youtu.be