Aux employés du secteur non marchand

17 août 2013, 16:03


L'emploi au prix du salaire

Certains producteurs dans le non-marchand sont tentés par les avantages extra-légaux ou par la réduction de cotisations sociales au nom de l'emploi. Il s'agit là de démarches suicidaires du point de vue de producteurs qui tirent leur salaire du budget de la sécurité sociale.
Je vous propose quelques pistes de réflexions qui pourraient vous parler à vous, travailleuses et travailleurs dans le secteur des soins de santé.

1. le social est un investissement, pas un coût

Dans les discours médiatiques, plus ou moins bien intentionnés, on assimile les dépenses de chômage, les dépenses de santé ou les dépenses de soin à un coût. Cette façon de voir est absurde : l'économie arrange la production, la gère, en fonction des besoins humains. Il faut donc évaluer l'économie et ses effets sur les populations en fonction des besoins humains et non l'inverse. Les besoins humains ne doivent pas s'adapter à l'économie, ils ne doivent pas se justifier ;c'est l'économie qui doit justifier de son utilité en terme humain.Le besoin humain ne peut constituer un coût, il est le moteur final,il est ce qui nourrit l'économie : sans besoins humains, plus d'usines et sans usines, plus de bourse.

2. les conditions de travail peuvent écraser l'humain

Dans le secteur social, les employés s'entendent régulièrement dire qu'ils sont trop chers, qu'ils ne travaillent pas assez rapidement, que leur motivation est sujette à caution. De manière plus pernicieuse, on peut aussi remplacer la sensibilité professionnelle, le savoir faire par des protocoles, on peut aussi automatiser les tâches. L'automatisation implique la dépossession de savoir-faire et, surtout, la disparition d'une fierté professionnelle au profit d'une mécanisation des actes. Bien sûr, la mécanisation, notamment dans le social, empêche l'utilisation de l'instinct, elle rend l'acte inadapté à la situation et elle appauvrit la nature de l'intervention du professionnel. Tous ces facteurs, dévalorisation, automatisation,stigmatisation comme poids mettent en danger le travailleur, la travailleuse, ils peuvent être fatals pour sa santé, pour sa confiance en soi, pour le plaisir d'accomplir une tâche qualifiée.À notre modeste mesure, nous vous invitons à résister, à ne jamais oublier votre valeur humaine, à ne jamais croire que vos compétences n'ont pas d'importance.
Cette situation est vécue dans tous les secteurs de l'économie, elle est particulièrement violente pour les chômeurs et les chômeuses, elle peut aboutir au burn-out, à la dépression et à des maladies secondaires.
La situation de mise à l'écart professionnelle, la placardisation, est une forme de harcèlement professionnel. Le harcèlement professionnel est un délit puni parla loi.


3. les improductifs sont productifs

Dans les médias, on entend également des discours anti-chômeurs, anti-retraités ou anti-malades. Dans le secteur de la santé, vous dépendez des cotisations sociales à l'instar de ces populations stigmatisées. Il est donc vital de défendre les cotisations sociales comme une forme particulièrement efficace de salaire.
Paradoxalement, le salaire social –les prestations de sécurité sociale, le chômage, la retraite, les pensions invalidité, les dépenses de santé – ne coûtent à personne.
Nous démontrons la chose par le dessin ci-dessous.

Les travailleurs d'une entreprise créent de la valeur ajoutée par leur activité. La valeur ajoutée,c'est le prix de ce qui est vendu moins les frais. Dans la valeur ajoutée, nous avons :
- le salaire individuel
- le salaire social
- les investissements
- les profits

(voir le dessin)

Entre 1950 et 1970, on a augmenté les dépenses sociales. L'augmentation des dépenses sociales n'a rien coûté aux salaires individuels mais elle a baissé les profits.Suite au pacte de la sécurité sociale, en 1944, on distingue les salaires sociaux et les salaires individualisés. À l'époque, les mouvements sociaux étaient puissants, armés, massifs alors que le pouvoir politique était en position de faiblesse. De nombreuses grèves exigeaient une augmentation substantielle des salaires. Cette augmentation a été (partiellement) accordée sous forme de cotisations sociales (qu'elles soient employeur ou travailleur). Les cotisations sociales payaient les pensions, les soins de santé, les allocations familiales, les congés payés, le chômage, etc. Un comptable met ces dépenses dans la colonne 'salaire' parce que historiquement et socialement, ce sont des salaires.

Depuis quarante ans, au motif de crises successives, les salaires ont été comprimés. Il s'agit, à chaque fois, de rendre les producteurs plus 'compétitifs', compétitivité organisée par l'Europe et relayée fidèlement par les représentants nationaux ou régionaux. Entre 1990 et 2010, on a diminué les dépenses sociales. La diminution des dépenses sociales n'a rien rapporté aux salaires individuels mais elle a augmenté les profits.

Les dépenses sociales reconnaissent une activité productive en dehors de l'emploi – qu'elles soient le fait de médecins, de retraités, de malades, de chômeurs ou de fonctionnaires ne changent rien à l'affaire. Ces gens sont actifs,produisent des choses utiles, économiquement valorisées mais seul le salaire social parvient à reconnaître leur contribution. Sans salaire social, plus d'indemnité de chômage, pour les travailleurs sociaux, plus de travail, pour les retraités, plus de retraite, pour les malades, plus de soin, etc.

4. L'intérêt des producteurs

Ce qui unit les salariés sociaux (chômeurs, pensionnés, etc.), les travailleurs sociaux et les autres salariés, c'est la notion de producteurs. Tous, nous dépendons d'un salaire, tous nous produisons la valeur correspondant à ce salaire et tous, nous avons intérêt à défendre les salaires, notamment les salaires sociaux. Ils nous permettent une reconnaissance économique de notre qualification, ils nous permettent un ancrage dans la vie économique.
Cet ancrage est éminemment profitable pour l'économie en général : des travailleurs sans soin de santé deviendraient improductifs, des travailleurs obligés de travailler jusqu'à la tombe deviendraient dangereux, des chômeurs sans indemnité ne pourraient plus dépenser l'argent qu'ils gagnent ce qui … empêcherait les entreprises de trouver des débouchés.Toute forme de salaire étant dépensée, elle ne 'coûte' rien à l'économie, elle lui permet de tourner. Si les travailleurs devaient s'occuper des handicapés de leur famille, ils ne pourraient pas aller à l'usine, etc.

5. Le salaire social

La forme du salaire social permet une forme particulière d'activité professionnelle : le producteur y est détaché du marché de l'emploi. Quand on sait que l'organisation de l'emploi en marché oblige les producteurs à l'automatisation, qu'elle motive le management par objectif,l'autonomisation de l'activité de ce marché de l'emploi est un enjeu de bien-être, de santé mentale, de plaisir au travail pour tous et … de productivité.