Le PPES

Pour faire avancer les débats démocratiques, nous suggérons la création du parti pour l'élimination des salaires (PPES). Tous les partis, tous les syndicats qui souhaitent diminuer les cotisations ou les prestations sociales, qui souhaitent dégrader les conditions de travail (augmenter ce que, en termes marxistes, on appelle le taux d'exploitation) ou diminuer les salaires directs en les finançant par les impôts ou en en baissant le montant.

Tony Blair et Gerard Schröder méritent assurément le titre de membres d'honneur du PPES. François Hollande et Elio di Rupo n'ont pas non plus démérité pour le PPES. Les syndicats co-gestionnaires de nos salaires, les patrons, le Medef ou la FEB sont membres de plein droit du PPES.

L'Europe a été conçue comme officine du PPES. Tous les partis libéraux et sociaux-démocrates en sont les pierres angulaires. Les PS, les UMP (ou MR), les chrétiens ou les groupes d'extrême-droite (FN), le PS européen ou le PPE conservateur, dénoncent tous les salariés sociaux comme des coûts, ils prônent tous la réduction des "charges" (et des prestations) sociales pour ... rester compétitifs. Le FN a proposé de réduire les cotisations sociales des bas salaires (l'État épongeant le manque à gagner), Manuel Valls l'a fait. Le PS français vient de signer le pacte de responsabilité; le PS belge a signé le plan d'exclusion des chômeurs; les partis de droite et d'extrême-droite proposent de faire plus fort, d'aller plus vite pour garantir la "compétitivité" des entreprises, pour réduire les "coûts".

J. Prévert
Les syndicats approuvent devant les travailleurs médusés mais le PPESS atteint peu à peu ses objectifs. Les salaires réels stagnent ou baissent, les prestations sociales se dégradent (et le PIB diminue, les supermarchés pour classes moyenne doivent baisser leur voilure faute de clients), ce qui installe la crise durablement. Les conditions de travail se dégradent aussi (du fait de la concurrence entre travailleurs par le recours aux travailleurs détachés), les gens travaillent plus longtemps, dans des conditions de sécurité dégradées, les horaires coupés se généralisent, le harcèlement managérial et les heures sup' gratuites se multiplient alors que le chômage de masse de généralise. Le PPES a la solution: continuons ce qui ne marche pas, mais continuons-le plus fort.

Puis, comme l'actionnaire engraisse, comme la valeur de l'argent est préservée des affres de l'inflation, l'activité réelle, elle, reste morose. Et c'est même pire. Les gens sous la pression de leurs salaires faméliques prennent n'importe quel emploi; les actionnaires font faire n'importe quoi pour peu qu'ils conservent leurs marges.

Mais ce n'est pas grave - plus de 20 millions de chômeurs en Europe, ce n'est pas grave pour le PPES. Face à la chronique d'une crise et de guerre annoncées, les opposants, la gauche ou les syndicats ont la solution: l'emploi. Seulement, pour obtenir le sésame de l'emploi, il faut consentir à quelques sacrifices au premier rang desquels, le salaire et les conditions de travail. Le PPES s'élargit alors au Front de Gauche, à Syriza ou au PTB. Le drapeau rouge qui se battait pour l'émancipation, pour la liberté des ouvriers, pour les congés payés, pour la retraite, se bat maintenant pour l'emploi - un emploi de gauche: on va baisser le "coût" du travail, le salaire en taxant les riches, hein!

À quand un parti pour le salaire? À quand un parti qui considère que le salaire est la source de la richesse de l'économie et que l'emploi est une forme pernicieuse d'esclavage?