Quel employé es-tu? (test)

On a le souci du bien commun sur la plateforme. C'est pourquoi, nous proposons à nos courageux lecteurs un test pour déterminer leur rapport à l'emploi - maladie du siècle s'il en est.

Bien sûr, nous sommes tous plus ou moins amenés à faire des concessions, à devoir accepter un emploi de temps en temps pour payer nos factures ou pour ne pas se retrouver à la rue mais l'enjeu du test est de déterminer ce que l'emploi signifie pour nous.

Vous êtes prếts?

  • C'est parti.

1. Un chômeur, c'est
(a) quelqu'un qui doit retrouver absolument un emploi

(b) quelqu'un en parcours formation-emploi

(c) quelqu'un qui peut être utile dans votre entreprise

(d) un producteur salarié libéré d'employeur, malheureusement souvent harcelé par des administrations économiquement obtuses

2. Vous voyez une annonce pour un emploi. Il s'agit d'un stage à temps plein. Il n'est pas payé mais, selon l'annonce, offre la perspective d'un emploi en CDI à terme dans une entreprise d'envergure internationale.

(a) Les chômeurs doivent sauter sur cette offre. C'est une opportunité. Les candidats risquent de se battre pour cette offre formidable .

(b) Je peux travailler beaucoup, je suis engagé dans mon secteur d'activité. La perspective d'un CDI à terme m'intéresse beaucoup au vu du prestige de l'employeur.

(c) Quelle bonne idée, cette annonce. Je devrais en parler au DRH.

(d) Est-ce qu'on doit aussi porter un uniforme rayé?

3. Le gouvernement veut durcir les conditions d'indemnisation des chômeurs.

(a) C'est tout de même logique: il faut mériter son salaire, il faut faire des efforts et prouver qu'on a bien le droit aux allocations (je résume).

(b) Ce n'est pas grave, avec mon CV et mes expériences professionnelles, avec mes nombreux stages en entreprises (gratuits) et mes formations langue, je devrais rapidement trouver un poste.

(c) Logique après toutes les exemptions de cotisations sociales. C'est peut-être le moment de remplacer les employés les plus âgés par des collègues plus jeunes et moins remuants.

(d) Idiot, antiéconomique, réactionnaire. Dommage pour ce gouvernement que la connerie humaine ne soit pas rémunérée, ils seraient loin devant Bill Gates. Mais pourquoi les syndicats ne réagissent pas par une grève générale?

4. Nabila gagne des millions en disant: allô, non, mais quoi et dépose un brevet de propriété intellectuelle.
(a) L'argent reconnaît le mérite, la valeur. Nabila a créé de la valeur par son mérite. C'est normal qu'elle veuille défendre ses intérêts.

(b) Je ne regarde pas les autres avec jalousie. Moi, j'essaie de m'en sortir. Après tout, ce qu'on me demande au travail n'est pas toujours reluisant ni pertinent mais il faut bien gagner sa croûte et obéir.

(c) Peut-être, une campagne marketing avec elle ... J'ai quand même peur qu'elle ne passe rapidement de mode mais je crois qu'il y a moyen de lui faire faire à peu près n'importe quoi.

(d) Qui ça?

5. Un jeune apprenti maçon meurt de manière sur un chantier. Çà et là, on incrimine la négligence des entrepreneurs, le sous-financement des inspecteurs, le manque de formation du personnel et la corruption des intermédiaires
(a) C'est une erreur humaine terrible. C'est la faute à pas de chance. Quand on pense qu'on a marché sur la lune ... Mais qu'est-ce qu'on pourrait bien faire pour éviter ça?

(b) Heureusement, ce n'est pas dans mon secteur. 

(c) Quelle bande de crétins. Quand on pense qu'on peut avoir de faux indépendants roumains pour 10 € de l'heure! Un management à la petite cuiller comme ça, ça devrait être interdit.

(d) Les actionnaires sont des criminels psychopathes qui n'ont même pas le cran d'assumer les conséquences de leurs actes.

6. La politique d'austérité du gouvernement a creusé le déficit public.
(a) Il faut plus d'austérité. Il faut reculer l'âge de la retraite, baisser les salaires, diminuer les indemnisations chômage, les pensions invalidité et réduire les vacances pour rester compétitifs. Au bout d'une trentaine d'années à ce régime, quand on sera ramenés au niveau de l'Érythrée, on sera compétitifs et on aura un emploi.

(b) C'est une passe pas facile. S'il faut faire des sacrifices, s'il faut renoncer à des droits sociaux ou à du salaire pour surmonter le cap, j'y suis prêt.

(c) C'est l'État obèse, les impôts et les cotisations qui creusent les déficits. Il faut diminuer les recettes de l'État et nous n'aurons plus de déficit [comprenne qui pourra, moi, je renonce].

(d) Le problème, c'est la solution. Comme l'austérité - la guerre aux salaires et aux salariés - réduit l'économie et que c'est le problème, il n'y a qu'à investir massivement dans les salaires. Tant qu'à faire, autant investir dans des salaires sans patrons, socialiser les outils de production et démocratiser l'économie - pour rester dans le pragmatisme centriste.

7. C'est bientôt Noël.

(a) Je donne tous les ans à une organisation caritative pour orphelins bègues parce que, eux, ils n'y peuvent rien.

(b) Est-ce que j'ai bien acheté tous mes cadeaux?

(c) Bon, en gros ils ont tous encore un peu de congés à prendre. Je vais faire l'inventaire cette semaine.

(d) Encore ce matraquage publicitaire! S'ils veulent vraiment qu'on consomme, ils suffit de nous filer des salaires décents (inconditionnels et individuels).

8. J'ai mal garé ma voiture. J'en avais pour cinq minutes mais ça n'a pas manqué: j'ai droit à une contravention, à une prune.

(a) C'est tout de même incroyable, ces fonctionnaires qu'on paie à rien foutre avec nos impôts!

(b) C'est un métier utile, ça, aubergine. C'est vrai que ma voiture empêchait les gens de passer. C'est un peu difficile, cette amende, vu que j'ai déjà une hypothèque et deux crédits sur le dos mais je vais y arriver.

(c) Bon, un coup de fil à Georges Lemaire, il ne peut rien me refuser après ce qu'il me doit et ce sera réglé. Mais pourquoi est-ce que ces policiers font du zèle?

(d) Bon, d'accord, j'étais mal garé. Nom de nom. Je râle mais c'est juste - après tout j'ai abusé. 

9. Le gouvernement décide de ne pas remplacer les fonctionnaires qui partent à la retraite.

(a) C'est bien. Il faut que les gens travaillent pour gagner un salaire. Travailler, c'est se faire embaucher par un patron qui fait des bénéfices, des profits pour des actionnaires.

(b) Je travaille dans le secteur privé/ je cherche de l'emploi dans le secteur privé. Cette mesure ne me concerne pas.

(c) Des impôts en moins pour moins de fonctionnaires... c'est bien, mais qui va soigner mes ouvriers, réparer mes routes ou former mes employés?

(d) Je propose d'envoyer le gouvernement à la retraite et de faire gérer la fonction publique par les intéressés: les fonctionnaires. On va se retrouver en Érythrée avec leur politique à la noix. Il y a trente ans, le tiers-monde faisait l'objet de pitié, aujourd'hui, c'est un idéal économique.

10. Les syndicats appellent à la grève pour protester contre les baisses de salaires et (on peut rêver) le harcèlement des chômeurs.

(a) Toujours prêts à faire grève ceux-là! Heureusement, il y en a qui bossent.

(b) Je peux en profiter pour déposer des CV dans les boîtes d'intérim. Ça m'étonnerait qu'ils débraient.

(c) Grève! Quoi, ils veulent encore conquérir des droits, nous extorquer des avantages. Pourvu que le gouvernement mate vite ça, je ne pourrais pas tenir mes comptes longtemps.

(d) Il faut s'organiser pour tenir, organiser des réseaux de solidarité, parler de notre cause, partout dans le monde, avec nos camarades. Si on tient - mais ce sera dur de tenir entre le gouvernement en arme et les syndicats jaunes vifs - on peut obtenir des trucs inouïs. Et si on en profitait pour se débarrasser de l'emploi?
  • Résultats
Vous avez une majorité de 

(a): vous êtes employiste. 
Pour vous, ce n'est pas que tout travail mérite salaire; c'est que tout salaire mérite travail et, pour vous, un travail, c'est un employé qui est embauché par un patron qui va enrichir un propriétaire lucratif. Les artistes, les retraités, les syndicalistes, les chômeurs, les parents? des fainéants. Vous rêvez d'une société où tous les inutiles, les malades, les vieux n'auraient pas le droit de cité. Qu'on leur donne une aumône, un revenu de base à 400 € comme le recommandait Maris mais qu'ils ne viennent pas emmerder ceux qui bossent. Parce que, bien sûr, pour vous, ceux qui ne travaillent pas un patron ne travaillent pas vraiment. Oh, ils font des choses utiles mais ils ne travaillent pas vraiment. En Belgique (en France), il y a pour vous à peu près 2 millions et demi (15 millions) d'habitants. Les autres sont inutiles.

Vos modèles économiques: l'Érythrée et l'Ukraine. 
Vos modèles politiques: l'Union Européenne - vous aimez beaucoup Sarkozy et De Wever.

Méfiez-vous tout de même du surmenage et de la solitude, cela pourrait vous être fatal.

(b): vous êtes employable. 
Vous êtes l'employé idéal, celui qui pense à ses intérêts, certes, mais d'abord à ceux de son employeurs. Vous n'allez pas rouspéter, faire grève ou vous révolter. Vous essayez en toute circonstance de tirer votre épingle du jeu. Votre indifférence au sort de vos semblables fait de vous l'employé du mois.

Vos modèles économiques: les États-Unis et la Chine (ce qui prouve votre esprit d'ouverture, tant qu'il y a des affaires à faire).
Vos modèles politiques: vous ne faites pas de politique.

Méfiez-vous tout de même du retournement de conjoncture. Il ne sera pas nécessairement possible d'émigrer - sauf si vous être très riche mais, si vous êtes très riche, vous n'êtes pas l'employé idéal.
(c): vous êtes employeur.
Vous ne voyez pas le problème à donner du travail à ceux qui vous enrichissent même si vous aimez qu'on vous remercie pour cela. Pour vous, ils sont des coûts à réduire, ces employés. Mais ce sont des coûts que vous êtes éventuellement prêts à payer. Pour pouvoir continuer ce petit jeu.

Certains d'entre vous sont complètement sous la coupe d'actionnaires. D'autres préfèrent l'entreprise à papa, celle qui fait des usines et des boudins. Certains sont passionnés par leur activité, d'autres emploient des gens pour y penser à leur place. 

Vos modèles économiques: certains voient la sécurité sociale, les salaires d'un bon œil à condition que la concurrence doivent les payer également; d'autres voient tous ces trucs comme des coûts qui grèvent la compétitivité. Les premiers n'ont rien contre la Scandinavie, les seconds sont plus proches de l'Érythrée. Vous êtes partagés.

Méfiez-vous de l'appât du gain: le jour où vous vous en lasserez, le jour où vous voudrez être aimé pour vous-même et non plus craint pour votre argent, il sera peut-être trop tard.

(d): vous êtes des irrécupérables.
C'est certainement le plus beau compliment qu'on peut faire à quelqu'un dans une société malade. Être inadaptés à une société malsaine est un signe de santé mentale.

Vous voyez les contradictions des modèles économiques traditionnels (ou alternatifs, d'ailleurs), vous pensez que les crabes, les pingouins, les tortues et les phasmes s'en sortent très bien, qu'ils mangent, se nourrissent, se logent, se chauffent et font société sans employeurs. Vous ne voyez pas très bien pourquoi les humains n'en seraient pas capables.
Surtout, vous ne comprenez pas sur quoi repose la légitimité de celui qui emploie, qui prend de la richesse du travail d'autrui. Pour vous le salaire est aussi légitime que l'emploi est nuisible. Alors que le salaire à la personne ouvre l'économie à la démocratie, l'emploi nuit à l'environnement, à la santé mentale et physique des êtres humains. Vous ne comprenez pas au nom de quoi, parce qu'un être humain a des avoirs, il doit être obéi d'autres êtres humains alors qu'il n'a ni compétence, ni projet, ni expertise à faire valoir.

Vos modèles économiques: vous trouvez que l'économie est organisée de façon inefficace et que cela obère les ressources à long terme. Certains d'entre vous rêvent d'une société sans argent (mais sans chef); d'autres préfèrent une société salariale sans emploi, sans propriétaire lucratif, sans employeur. On peut citer pour les premiers les Nations indiennes et pour les seconds la sécurité sociale après guerre qui était entièrement gérée par les seuls salariés.

Méfiez-vous d'un excès d'idéalisme. Il vaut parfois mieux ne pas avoir raison contre la terre entière, c'est que, la solitude, ça pèse. N'hésitez pas à jeter des passerelles, des ponts, à vous amuser dans des activités extra-employiques. Tout le monde a tout à y gagner. Quant à l'intendance, comme on dit, elle suivra.

Merci patron

Les syndicats réclament de l'emploi, le leader empapillonné de l'opposition ambitionne de promouvoir l'emploi, les partis dits d'extrême gauche veulent taxer capital et capitaliste pour ... faire de l'emploi.

Comme je ne suis pas du genre à ne pas partager mon ignorance, je vous fais part de mes petites réflexions sur le sujet.

Si on veut de l'emploi, si on lutte pour de l'emploi, si on exige de l'emploi, si on ambitionne de l'emploi, le jour où on l'obtient, on dit merci.

On dit merci patron. Merci de nous donner de l'emploi
- c'est curieux, certains employistes voient pourtant bien que le patron embauche parce qu'il gagne de l'argent ce faisant, d'autres, poussant l'analyse encore plus loin voient que l'emploi capitaliste est un vol de valeur ajoutée

- pourtant, en dépit de toutes ces considérations qui devraient obérer la notion même d'emploi, les employistes de gauche réclament et ambitionnent l'emploi.
Mais, puisque l'emploi est l'objet d'une quête, le jour où est embauché, on oublie la lutte des classes, les revendications salariales, les luttes syndicales pour l'amélioration des conditions de travail: on est tellement content d'avoir un emploi: c'est d'ailleurs ce que nous disent les patrons, ne te plains pas, il y en a dix qui attendent; de quoi tu te plains, tu as un emploi, etc.

Donc, si réclamer un emploi, ambitionner un emploi est parfaitement légitime à un niveau individuel (pour ne pas crever de faim, pour faire court), assimiler cette démarche à une revendication politique soumet l'employé à l'employeur, tue les revendications sociales et syndicales, ce qui est profondément ... réactionnaire.

Et anti-économique mais, ça, c'est une autre histoire dont j'ai déjà parlé en long en large et en travers dans ce blogue.

Que la droite conservatrice formule le politique en des termes réactionnaires, c'est légitime et opportun. La pensée conservatrice doit avoir voix au chapitre dans une société démocratique, elle doit être représentée et doit être une option pour les électeurs, pour les producteurs.

Par contre, si la gauche politique, si la gauche syndicale veulent occuper le champ politique de la gauche, il est nécessaire qu'elles cessent de formuler leur horizon politique en termes réactionnaires, faute de quoi, les électeurs et les syndicalistes de gauche demeureront orphelins de toute représentation politique.

Pour formuler la demande d'emploi en termes de gauche, en termes progressistes, c'est simple. Ce qu'on veut, derrière l'emploi, c'est la dignité du salaire du producteur et la maîtrise des outils de production, la socialisation des outils de production.

Les actionnaires ont détourné 25 milliards

Ce ne sont pas les patrons qui ont "économisé" cet argent. Ce sont les actionnaires, les propriétaires qui l'ont retiré de l'économie productive en l'amassant sur des comptes virtuels aux Caïmans ou au Luxembourg.

Les profits profitent aux profiteurs.

L'argent n'a pas été économisé, il a été perdu. Il a été perdu comme moyen de stimuler l'activité pour s'équiper d'écoles, d'universités, de crèches, de transports en commun, pour produire de manière plus écologique ou encore (par exemple) pour assurer la transition énergétique. Il a contribué à jeter dans la misère les producteurs qui auraient pu porter l'ensemble de ces ambitions.
Cet argent a surtout été perdu pour l'ensemble de l'économie comme prestations sociales, comme salaires hors emploi, comme possibilité de formes de vie sans employeur.

La ponction de 25 milliards (en France) représente plus de 1% du PIB. Comme cette ponction se reproduit chaque année et qu'elle prive de l'économie une masse monétaire perdue dans des coffres de propriétaires lucratifs insatiables, on peut parler de saignée.

Mais sous la houlette des Macrons, les employeurs et leurs actionnaires vont encore proliférer au nom de ... l'emploi et au détriment de l'économie, des salaires hors emploi.

Voir l'article de Challenge

Extrait
Les exonérations de cotisations de sécurité sociale ont représenté 27,6 milliards d'euros en 2012 (-2,2% par rapport à 2011), dont 25,6 milliards de cotisations patronales, selon les chiffres publiés vendredi 6 décembre par l'Acoss, la caisse nationale des Urssaf.
Ces exonérations, qui représentent 8,9% du total des cotisations dues aux Urssaf, sont notamment destinées à baisser le coût du travail pour les employeurs. L'Etat compense ce manque à gagner pour la sécurité sociale à hauteur de 90%.
En 2012, le montant global des exonérations est de nouveau en diminution (-2,2%), après une baisse de 5,7% l'année précédente.
Les allègements généraux sur les bas et moyens salaires (inférieurs à 1,6 Smic), mis en place à partir de 1993, représentent 80% de l'ensemble des exonérations. Ils sont en baisse en 2012 (-2,3%), sous l'effet notamment de la modification de la législation relative aux heures supplémentaires.

5% de la masse salariale dans le privé

Dans le secteur privé, les exonérations de cotisations représentent 5% de la masse salariale.
Parallèlement, les Urssaf ont encaissé l'année dernière un total de 316,5 milliards d'euros, un chiffre en hausse de 4% par rapport à 2011.
Cette progression fait suite à une augmentation exceptionnelle de 14,3% en 2011, liée notamment au transfert aux Urssaf du recouvrement des contributions d'assurance chômage et de la cotisation au régime de garantie des salaires.

Le procès de l'emploi

Cet article est disponible en PDF ici

Il ne sera pas dit que la plateforme néglige les faits divers. Récemment, les minutes d'un procès glauque à Lille impliquant un ancien responsable politique nous ont inspiré une nouvelle métaphore de l'emploi.

Nous avons donc un client. Touchant: à l'entendre, il n'a rien compris à ce qui s'est passé. Il semble innocent, de bonne foi même. Certes, c'est tout de même curieux de laisser de l'argent après une soirée de débauche, mais l'ancien responsable du FMI n'a rien remarqué d'anormal. Peut-être qu'il s'agit là d'une ébauche d'explication à la politique de cette institution?

Certes, ses relations étaient tarifées, certes les jeunes femmes impliquées prenaient des sourires (un peu forcés, un peu figés) mais elles débordaient d'imagination, de créativité. Même si cela n'excuse rien, c'est vrai que quand, comme clients, on achète un bidule industriel, un jouet, une poupée, un i-phone, une télévision, une voiture ou un meuble en kit, on ne se pose pas non plus nécessairement la question des conditions de travail derrière l'emballage sympathique.

C'est que les professionnelles, hautement qualifiées, sous la pression de l'aiguillon de la nécessité, ont bien dû adapter leurs prestations aux demandes de l'employeur, j'ai nommé: Dodo la Saumure.

Résumons la scabreuse affaire:

- nous avons un client qui utilise son argent en toute ingénuité (enfin, c'est ce qu'il dit)

Les couloirs de l'ANPE
- nous avons un employeur qui achète la force de travail d'employées contre de faibles salaires, des conditions de travail atroces et des prestations de travail (que nous aurons la charité de ne pas qualifier)

- nous avons des employées amenées à faire des choses que leur conscience morale réprouve, des choses qu'elles ne souhaitent pas faire. Pire, sous la pression de la misère, leur employeur leur demande même d'inventer elles-mêmes les jeux scabreux qui ravissent les clients, elles doivent développer leur employabilité, en quelque sorte.

Nous avons, derrière ce procès, le résumé universel et tragique de l'emploi. Un employeur sans scrupule achète des travailleurs étranglés par la nécessité. Il leur fait faire n'importe quoi (pour rester poli), ce qui dégrade leur santé physique et mentale, ce qui menace leur environnement ou leurs ressources.

Les producteurs sont amenés contre un salaire notoirement insuffisant à obéir aux fantasmes (de productivité) de l'employeur, à se battre les uns contre les autres pour obtenir les faveurs du clients en faisant assaut d'imagination, de créativité, d'efficacité.

Au fond, c'est tout le système de l'emploi qui est en procès à Lille. La prostitution n'est qu'un cas particulier de l'emploi; un cas qui en illustre parfaitement la logique.
L'employeur est un proxénète, l'employé est un prostitué et le client est un micheton.

Inutile de dire que, pour les tenants de ce système, les prestations sexuelles les plus performantes sont tarifées et que les relations humaines les plus productives sont des relations de domination économique.

Inutile de dire que et pour le sexe et pour l'amour, et pour la rencontre et pour le temps partagé, les êtres humains se passent allègrement de micheton et de proxénètes.

Inutile de dire que pour les employés en général et pour les prostitués en particulier, le système de l'emploi ne génère que souffrances et humiliations.


Quant au programme économique de la majorité minoritaire belge, de l'entièreté (ou presque: merci Aléxis) des dirigeants européens, si on poursuit l'image du monde de l'emploi inspirée de ce fait divers, il pourrait se résumer à


- rendre les prostituées-employés plus attrayantes,
Les salons de l'emploi, les stages de formation à l'écriture de CV construisent des employés plus attrayants pour les acheteurs-employeurs. On arrange la vitrine, le décors, on réécrit les bouts d'une vie pour les rendre acceptables et désirables par l'employeur-proxénète.
- faciliter l'accès des clients-consommateurs aux prostituées-employés
C'est la flexibilisation du marché du travail, l'extension des horaires de travail (comme dans la désastreuse loi Macron), etc.
- diminuer le taux d'imposition et les cotisations sociales des Dodos-employeurs,
- empêcher la vie sexuelle et affective, le travail, en dehors des relations tarifées
Les producteurs ne peuvent travailler librement hors emploi. Les chômeurs ne peuvent pas être bénévoles sans subir des sanctions, les retraités peuvent être bénévoles mais la diminution régulière de leurs pensions les pousse à travailler ... en emploi.

- pousser les producteurs hors prostitution-emploi à chercher un jules-employeur
Les chômeurs ne touchent le salaire qui leur appartient légitimement (et qu'il réalisent voir ici) que s'ils prouvent qu'ils cherchent un emploi. C'est dire que le salaire-chômage n'est pas reconnu comme une forme de production alternative mais qu'il doit, au contraire, se justifier par rapport à l'emploi.

- harceler les formes de vie hors prostitution-emploi, à les culpabiliser, à les présenter comme des coûts
Ouvrez votre télévision ou votre radio à n'importe quelle heure, sur n'importe quelle chaîne et prenez le discours de n'importe quel intervenant. Pour tous, politiques, syndicalistes, de droite ("le coût du chômeur et du retraité doit diminuer") ou de gauche ("le coût du chômeur et du retraité est légitime et doit même augmenter), le chômeur, le malade, le retraité, le parent sont des coûts alors que l'employeur, l'actionnaire, le propriétaire ne sont jamais des coûts. D'où la question métaphysique, des coûts, mais pour qui?
- donner l'exclusivité de la légitimité économique aux proxénètes-employeurs.
Les malades, les chômeurs, les retraités sont tolérés mais ils doivent prouver qu'ils sont de "bons" chômeurs, malades ou retraités. Parce qu'il y aurait des chômeurs, des malades, des retraités qui ne sont pas "bons"? Ils sont suspects ceux qui ne recourent pas à la prostitution obligatoire, ils pourraient avoir choisi leur liberté dans la pauvreté plutôt que l'asservissement au lucre de propriétaires lucratifs?

Nous vous rassurons tout de suite: le salaire hors emploi permet bien sûr de déconnecter l'emploi-prostitution du travail. Le salaire hors emploi permet de supprimer les proxénètes-employeurs, la prostitution-emploi.

Or nous savons bien que le sexe-travail n'a nul besoin de la prostitution-emploi pour s'épanouir, au contraire.

Heureusement.

Pour un État libéré de la religion de l'emploi

Nécessaire moment d'intelligence dans une société envahie par l'ombre, nécessaire moment d'humanité dans une société envahie par les loups.

On ne pourra pas reprocher à la plateforme de ne pas être engagée dans le combat laïc contre le dieu-emploi.

Puis, cette fois-ci, promis, le son est très bon.




puis


puis


puis 


Clochardisation

Depuis quelques jours, les clochards se multiplient dans la petite ville du petit royaume que j'habite. Ils dorment à même le sol, sans avoir trouvé de place dans les centres d'hébergement pour sans abris.

Le petit royaume que j'habite se situe au Nord de l'Europe. Les températures nocturnes y flirtent habituellement avec le zéro degré en cette saison.

Les clochards dorment donc dehors par temps de gel. Ces clochards sont apparus parce que les chômeurs ont été exclus de leurs prestations sociales dans le petit royaume que j'habite. La majorité minoritaire représente 27% des électeurs. Elle a décidé de s'attaquer au chômage en excluant les salariés-chômeurs de leur salaire socialisé.

Les représentants de la majorité du petit royaume expliquent doctement que les chômeurs doivent crever de faim pour trouver un emploi. Ils expliquent que l'emploi est la seule forme digne de travail, la seule façon légitime de gagner de l'argent - en quoi ils sont d'accord avec l'opposition et les syndicats du petit royaume.

Alors, les chômeurs d'hier qui pouvaient se payer un loyer, un coiffeur, des formations, des remises à niveau, des savonnettes et des costumes ne peuvent plus rien se payer. Ils sont à la rue parce que, nous explique le gouvernement, ils doivent chercher un emploi.

Mais quel employeur voudrait d'un clochard dans son entreprise?

Alors demain, les petits commerçants chez qui les anciens-chômeurs-nouveaux-clochards se ravitaillaient vont faire faillite faute de clients. Les propriétaires immobiliers qui louaient leur bien à ces chômeurs n'auront plus ces rentrées et vont, à leur tour, diminuer leur consommation dans les commerces du coin.

En deuxième ligne, donc, les commerces vont faire faillite, la classe moyenne va se paupériser soit faute de clientèle, soit parce qu'elle va devoir garder et financer ses enfants sans emploi jusqu'à leur mort, soit enfin parce qu'elle sera écrasée par les taxes qui payeront les policiers.

Quels policiers? Eh bien, ceux qui éviteront que les nouveaux clochards ne se laissent pas mourir de faim, ceux qui les empêcheront de s'organiser pour piller les magasins ou les banques pour ne pas mourir de faim.

En troisième ligne, les salariés affligés d'un emploi verront leur salaire diminuer puisqu'ils seront menacés par la rue, par la misère absolue. Les usines verront leurs carnets de commande fondre comme neige au soleil puisque les commerçants qui vendent les produits auront fait faillite faute de clients.

Derrière l'armée de prolétaires en haillons que notre gouvernement nous concocte, c'est une guerre à l'économie qui se profile.

Imaginez que l'on donne un salaire inconditionnel à tous. Les commerçants retrouvent leurs clients, les carnets de commandes se remplissent et les clochards sont salariés (éventuellement pour ne rien faire, cela n'a pas beaucoup d'importance), les exigences de qualité de travail et de salaire augmente. L'économie reprend.

Mais ce qui manque à ce petit gouvernement de ce petit royaume docile aux bureaucrates hostiles à la démocratie, c'est une chose devenue rare, un parfum d'aventure collectif, le goût de l'avenir. Ce qui leur manque, c'est l'ambition.

Le fait que, à New-York, dans une grande république, le nombre de sans-abris passe les 60.000 ne console en rien. Cela veut dire que la guerre au salaire et à l'économie fait rage là-bas aussi. En grand.

Quelle paix sans justice?

On nous envoie ceci, un commentaire critique aux très employistes interventions de la CSC, du syndicat chrétiens belge.

Notre modèle économique n'est pas fait que d'activités dans l'emploi. Notre modèle socio-économique confère aux pensionnés, aux invalides, aux malades, aux chômeurs (avec ou sans complément d'entreprise), à tous les prestataires sociaux ainsi qu'aux fonctionnaires, une activité qui n'est ni réductible ni conditionnée à l'emploi. Cette activité produit des dizaines de milliards de notre PIB : les prestations sociales.

L'emploi est aujourd'hui devenu, par les prétentions des partenaires sociaux et du gouvernement à en faire un passage obligé de toute activité économique, un instrument de destruction sociale.

Une simple demande de ma part : que les représentants des travailleurs salariés, de tous les travailleurs salariés (qu'ils soient affiliés ou non, qu'ils soient employés, ouvriers ou prestataires sociaux - pensionnés, invalides, malades, chômeurs avec ou sans complément d'entreprise), représentent TOUS les travailleurs salariés et

1. ne se contente pas de représenter les salariés dans l'emploi

2. ne se substituent pas à l'UCM, à l'UNIZO ou au Boerenbond pour représenter et défendre les travailleurs indépendants - même si ces derniers, tout comme les entrepreneurs, méritent notre respect.

La concertation sociale doit redevenir un dia-logue social (salarié / employeur) où les intérêts des uns et des autres sont clairement représentés. Elle doit cesser d'être cette communion dans l'emploi qui est un peu la Pax Romana ou la paix de cimetière dont tu parles.

Ce texte réagit à un texte du représentant de la CSC:


QUELLE PAIX, SANS JUSTICE ?
Notre gouvernement et les représentants patronaux appellent chaque jour à la paix sociale. Mais de quelle paix parlent-ils ?
On connaît la paix des cimetières : là où toute vie a été écrasée, plus aucun bruit, plus aucun mouvement n’est à craindre - ni à espérer.
On connaît aussi la Pax Romana : la paix par la terreur, la division, le découragement – celle que les armées de l’empire romain imposaient aux peuples conquis.
Mais la paix véritable est très différente. Elle est beaucoup plus que l’absence de combats. Dans cette paix véritable, si les gens arrêtent de se battre, ce n’est pas parce qu’ils sont écrasés ; ce n’est parce qu’ils sont découragés et divisés : c’est parce qu’ils peuvent vivre dans un monde suffisamment juste. Il en va de même pour la paix sociale.
Le projet d’accord interprofessionnel négocié ce 30 janvier est évidemment insatisfaisant. Si la CSC a pourtant décidé de soumettre ce projet à ses instances (décision ce mardi 10), c’est pour deux raisons. Primo le gouvernement se tenait derrière la porte, menaçant d’imposer une norme de 0%. Secundo, le texte n’impose pas d’accepter le saut d’index.
Car une chose est sûre : un maximum à négocier (à 0,5% ou à 0,8%...) avec un saut d’index, ce serait une perte énorme pour tout le monde. Certains gagneraient un peu et perdraient le triple ou le quadruple, d’autres – les secteurs les plus faibles, les pensionnés, les inactifs ne feraient que perdre. Pour rappel, une personne de 30 ans perdra, sur sa carrière, environ 30000 € si le saut d’index est appliqué.
Et ce saut d’index (absurde économiquement dans une Europe en déflation où l’urgence est d’augmenter les salaires) n’est pas la seule chose injuste et inacceptable du programme De Wever-Michel : la pension à 67 ans, la quasi suppression des prépensions et du crédit-temps, les coupes dans la santé, les pertes pour les travailleuses à temps partiels et les chômeurs âgés, l’exclusion des chômeurs, la justice fiscale, etc.
C’est pourquoi, pour la CNE, que le pré-accord soit accepté ou pas, il n’y aura pas de paix sociale véritable tant que ce gouvernement maintient ses projets de destruction sociale.
Le but des représentants patronaux, en négociant ce pré-accord, était de diviser les syndicats et de briser le mouvement exceptionnellement puissant que les travailleurs et de nombreux groupes à leur côté ont montré en décembre. A l’heure où j’écris, il n’est pas certain que cet objectif de division soit atteint. On peut comprendre les arguments de la FGTB, qui souligne les défauts évidents de ce texte (une marge salariale faible, pas de suppression de saut d’index). On peut évidemment choisir plutôt le raisonnement de la CSC, qui met en avant les acquis du texte : fin du chantage patronal sur la liaison au bien-être, une marge plus grande que zéro, et pas de confirmation du saut d’index.
Mais quoi qu’il arrive de ce pré-accord (la CNE en décidera ce lundi 9), l’essentiel sera de conserver – et, au besoin, de reconstruire – un front commun syndical et social pour se battre contre un gouvernement au service de l’argent et qui détruit notre modèle social.
C’est ce que la CNE a fait en 2014, c’est ce qu’elle fera en 2015, que je vous souhaite pleine de santé, de bonheur, de solidarité et de combativité. Et remplie d’une paix véritable, qui sera basée sur la justice, et non sur la peur, la division ou la résignation.