Suggestion d'expérience

Juste comme ça, en y réfléchissant ...

Si l'on admet que la lutte des classes a conquis notamment deux formes de reconnaissance,
- le salaire comme rétribution d'une qualification (d'un poste ou, mieux, d'une personne) et l'investissement par subvention

- le code du travail comme ensemble d'inscriptions du droit personnel limitant le droit commercial de propriété lucrative (limitation du temps de travail, encadrement des conditions de travail et définitions des droits salariaux y afférents - retraite, vacances, chômage ou santé)
et que cette lutte a été le fait d'un sujet social agissant, les productrices et les producteurs,

on peut imaginer s'attribuer à nous-mêmes, en tant que producteurs et productrices, une reconnaissance de qualification et de droit à la personne.


L'expérience de pensée que je vous propose est la suivante
si l'ensemble des membres d'un groupe donné définis comme producteurs s'attribuent par création monétaire un salaire à la qualification personnelle - un peu comme une monnaie locale qui serait distribuée à toutes et à tous sous forme de reconnaissance de la qualification personnelle

si l'ensemble des membres de ce groupe contribue à la solvabilisation des salaires à vie de chacun en proposant des marchandises à prix (en monnaie créée, donc) à l'ensemble du groupe

si ces marchandises à prix abondent des caisses de salaire (dont le montant est reversé à l'ensemble des membres du groupe) et des caisses d'investissement (qui permettent la production de marchandises à prix)
alors, un groupe quelconque peut attribuer un salaire à vie à chacun de ses membres sur base d'une monnaie qu'il crée. La valeur de ce salaire à vie sera fonction de la production de marchandises à prix de tous et toutes et de la contribution de chacun et chacune.

Cette expérience - que je vous invite à réfléchir, à peaufiner, à expérimenter à votre échelle - est susceptible
- de ne pas pouvoir créer grand chose dans un premier temps (le salaire à vie sera alors un salaire papier)

- d'élargir les capacités de production et de consommation collectives

- de faire émerger les questions de la nature de la production de chacun, de la nature des besoins, de la gestion des contraintes, des investissements

- de créer non seulement un sujet collectif révolutionnaire en soi puisque les membres du groupes dans une démarche de salaire à vie par création monétaire dépendent de fait les uns des autres et qu'ils sont forts les uns des autres mais aussi un sujet révolutionnaire pour soi puisque l'ensemble de la question économique deviendra, du fait de la démocratisation de l'économie, une question politique.
À grande échelle, c'est tout de même notre travail à chacun et à chacune qui solvabilise la monnaie. Il s'agit de passer le pas, de se reconnaître comme créateur de valeur économique et de le faire selon nos modalités propres, à savoir une reconnaissance de chaque personne comme producteur, un investissement par subvention (sans remboursement, donc) et une inclusion de l'économique dans le politique.

Si cette expérience devait fonctionner à une échelle donnée, elle ferait tache d'huile et serait susceptible d'imposer une nouvelle pratique de l'économie, plus humaine, plus efficace, plus écologique, plus démocratique, une pratique salariale de l'économie qui pourrait nous débarrasser en fait si ce n'est en droit des pratiques archaïques de la propriété lucrative et de l'emploi (ou de l'infraemploi). 

Cette expérience rend inutile toute négociation ou toute revendication: elle ouvre à l'action et à la révélation de ce qui est déjà-là en puissance.

Règles (en attendant de faire mieux) de la reconnaissance salariale:

  • la monnaie commune créée comme reconnaissance salariale sera appelée le thaler
  •  à chacun et à chacune est attribué un salaire inconditionnel de 15 thalers chaque mois. Cette somme correspond à la facturation de quinze heures de travail. Elle pourra être portée à quinze salariaux par semaine ou davantage selon la quantité de marchandises à prix qui viennent rendre la monnaie solvable
  • les prix sont déterminés par: le nombre d'heures de travail (en salariaux) + les investissements consentis pour la production du bien ou du service vendu X 1,2 (cette formule doit être affinée à l'usage et selon les résultats de l'expérience)
  • tous les membres participants sont invités à abonder la caisse commune en facturant les marchandises à prix, les biens et les services qu'ils, qu'elles produisent seulEs ou en collectif de production et en détruisant la quantité de monnaie créée correspondant au prix de la marchandise chez le producteur, chez la productrice auquel ils vendent la marchandise à prix
ex: je produis un massage d'une heure et demie, je le facture un salarial et demi à celle ou celui que je masse. Pour vendre, pour signifier l'achat, l'acheteur et moi supprimons un salarial et demi sur son compte
  • les membres participants sont dits producteurs et productrices. Ils, elles décident ensemble des règles du jeu, discutent des choix économique et de la modification des règles du jeu ou de leur permanence, abondent la caisse commune par destruction de monnaie salariale créée 
  • les producteurs en salaire à vie ont une importance cruciale pour produire des marchandises à prix, biens ou services, mais tous et toutes peuvent participer à la production
  • la richesse collective et la fiabilité du système dépend de l'implication de l'ensemble des producteurs et productrices impliqués mais le bénéfice du salaire reste individuel
  • l'expérience peut être internationale, transgénérationnelle, elle peut s'étendre à des personnes de différentes confessions, convictions, ethnies ou langues
  • l'ensemble des producteurs et productrices est dit souverain sur l'ensemble des choix économiques, sur l'attribution des investissements, sur l'attribution d'éventuelles échelles de salaire et sur le montant des salaires à vie

  • l'idée de l'expérience, c'est de faire tache d'huile, c'est de rendre le modèle économique salarial économiquement viable, politiquement pertinent et politiquement révolutionnaire. L'expérience a vocation a devenir universelle mais la participation à l'expérience se fait sur une base volontaire, non contrainte
  • l'expérience vise à se passer d'investisseurs, de propriétaires lucratifs mais elle peut reconnaître la propriété privée (y compris des moyens de production) à condition qu'elle soit strictement limitée à une propriété d'usage: les usagers de l'outil de production en décident l'affectation
  • l'expérience vise à démocratiser l'économie. Si elle devait amener à un effet opposé, elle perdrait son sens et son intérêt.