La SECU

Face à l'impasse économique et politique de l'Europe, nous avons une piste intéressante garantie 100% sans emploi.

Il s'agit d'une idée déjà appliquée aux États-Unis d'Amérique (si, si) dans la seconde moitié du XIXe siècle. Ceux qui connaissent le Magicien d'Oz ont en fait été confrontés à une série d'allusions littéraires à cette innovation monétaire fulgurante. Les autorités des différents états puis les autorités fédérale ont imprimé des billets à partir de rien, sans aucune contre-valeur (genre avoirs, pétrole, or, devises étrangères ou terrains) et les ont distribués sous forme de salaires pour équiper le pays.(1)


Si l'on néglige le court épisode de la Guerre de Sécession, forcément inflationniste, cette création monétaire salariale n'a générée rigoureusement aucune inflation. Cette monnaie s'appelait le Greenback, elle était entièrement maîtrisée par les autorités publiques et était créée sans impôt et sans crédit.


Nous pourrions faire la même chose au niveau européen. Nous pourrions inventer la Social Exchange Currency Unit ou, pour les familiers, la SECU. Le principe serait tout simplement pillé aux ancêtres de nos amis états-uniens avec, bien sûr, une touche bismarckienne qui rendrait cette intéressante pratique 100% anti-employiste.

La création monétaire salariale du Greenback se faisait par l'État qui demandait, à l'occasion de la distribution monétaire, une contrepartie. Mais il existe en Europe contemporaine une pratique salariale sans contre-partie: la sécurité sociale.

On pourrait imaginer une création monétaire à partir de rien (l'informatique nous épargnerait même les frais d'impression) sur une base salariale sans passer par l'emploi, c'est-à-dire une base salariale fondée sur la qualification individuelle. Les salaires universels que recevraient les salariés européens seraient dévolus à la satisfaction de leurs besoins et de leurs envies alors que le temps des salariés serait utilisé à leur guise pour produire comme ils l'entendent, pour participer aux collectifs de production selon leurs propres affinités.

Notamment, pour répondre aux nombreux besoins collectifs auxquels l'emploi empêche de répondre. Par exemple:

- l'éducation des enfants
- la formation des adultes
- la culture au sens large
- la rénovation des infrastructures
- la souveraineté alimentaire
- la transition énergétique
- l'aménagement de nos villes
- l'amélioration des offres de services publics dans les campagnes

etc.

L'idée vous paraît délirante? Non seulement elle a été appliquée aux États-Unis pendant une quarantaine d'années, inspirant un parti politique alors fort populaire mais, si l'on examine la création monétaire actuelle, le quantitative easing, pratiqué par la Banque Centrale Européenne pour sauver les banques, on voit que l'idée n'est même pas impossible.

On consacre 80 milliards d'euros par mois pour sauver les banques. Un salaire de 2000 euros par Européen représenterait une création monétaire de 800 milliards par mois. Or, la création monétaire pour sauver les banques ne crée manifestement pas d'inflation (sauf sur les avoirs financiers et immobilier, ce qui est loin d'être négligeable).

Mais cette mesure, pour intéressante qu'elle semble ne suffit pas. Nous avons produit l'ensemble des outils de production par notre travail. Il faudrait qu'on nous les rende pour que nous puissions avoir les moyens de nos ambitions.

(1) Voir l'excellent: E.H. Brown, The Web of Debt, Third Millenium Press, 2008,
pp. 11-23 pour les allusions littéraires du Magicien d'Oz
pp. 35-47 pour l'expérience du Greenback.