Le sous-commandant Marcos appelle à s'approprier les moyens de production

Nous traduisons et résumons un article de La Jornada du 30 avril 2006 (ici, en espagnol) qui partage une déclaration du porte-parole de l'EZLN à l'occasion d'une rencontre entre les travailleurs et le sous-commandant. Il y est question du premier mai et, par là même, de quelques sujets qui nous intéressent: les conditions de travail, la propriété des outils de production, etc.

Le sous-commandant Marcos a appelé les travailleurs à ne pas se contenter de lutter pour la démocratie syndicale ou de meilleurs salaires mais à "lutter pour détruire les capitalistes et leur enlever la propriété des moyens de production". [voir nos articles sur la démocratie, le syndicat et les salaires]

Selon Marcos, ce sera la détermination des travailleurs sur ce sujet qui permettra de célébrer un "autre premier mai" avec "un autre mouvement ouvrier, un mouvement qui sorte de la honte". Il a également souligné que cette détermination déterminera le "caractère de classe, d'exploité contre exploiteurs" et il a appelé à cette détermination, parce que "nous avons vu beaucoup de souffrance et de douleurs partout et nous avons touché beaucoup de cœurs rebelles disposés à se lever contre l'oppression, contre le système capitaliste".

En participant à la première rencontre ouvrière nationale de l'Autre Campagne, dans les locaux du Syndicat national des travailleurs de Uniroyal, le délégué Zéro, après avoir exprimé sa sympathie pour les mineurs "massacrés" de Sicartsa (Michoacan), a exposé que la cause de tous les maux de la classe ouvrière, c'est justement le capitalisme. D'où l'importance pour les travailleurs de combattre ce modèle économique. 

"Nous Zapatistes, nous pensons que capitalisme naît, prospère et se reproduit dans et par l'injustice. Les riches et les puissants le sont parce qu'ils enlèvent la richesse à ceux qu'ils exploitent, à ceux qui travaillent dans les villes, dans les champs, dans les montagnes, dans les rivières, sous la terre, sur la mer. Nous disons également que le capitalisme transforme tout en marchandise et qu'il organise toute la société pour produire des marchandises, pour qu'elles s'achètent et se vendent. De ce fait, nous, zapatistes, nous voyons que le responsable de nos peines et de nos malheurs, c'est le système, le système capitaliste. Nous comprenons que le capitalisme est l'ennemi et que nous ne pourrons vivre dans la dignité et dans la paix tant que ce système et tout ce qui le soutient ne sera pas détruit ". La rencontre a montré l'ampleur récente des mouvements de travailleurs au pays du néolibéralisme de Fox [le Mexique]. On a pu mesurer le lien transcendant avec les révoltes de migrants sans-papier aux États-Unis comme reflet indirect du démantèlement social et économique dont souffrent les ouvriers, les paysans et les Indiens au Mexique. Les participants ont mentionné une autre référence internationale: les révoltes de la jeunesse et des travailleurs en France font partie d'une nouveau cycle de protestation, de regroupement de travailleurs et de syndicats dans le monde capitaliste actuel.

Marcos a expliqué un aspect de l'impact capitaliste: la chute du pouvoir d'achat des salariés et il a illustré la misère dans le District Fédéral [à la capitale]: pour payer le loyer, les aliments de base, l'énergie, les vêtements, l'éducation et la culture, une ouvrier mexicain devrait travailler 47 heures et 47 minutes par jour en janvier 2006.

Le délégué Zéro a montré que les effets du capitalisme sur les prestations salariales ont été énormes à Mexico: "Les travailleurs sans salaire, c'est-à-dire sans argent de poche, sans retraite, sans assistance médicale sont passés de 5,5 millions en 1988 à plus de 26 millions en 2004. Simultanément, l'exploitation s'est intensifiée dans le pays. Le temps de travail qui retournait en salaire à l'ouvrier était de trois heures par jour en 1976, il est de 13 minutes aujourd'hui. Le reste de la journée de travail part pour le patron et l'État." [c'est ce que nous appelons le surtravail]

Il a également souligné que la relation marché-salaire masque l'exploitation des travailleurs. Il a remarqué que la base fondamentale du système capitaliste, c'est la propriété [lucrative] des moyens de production, et il a assuré que "[l]e propriétaire était capitaliste s'il ne remettait pas en cause cette relation de propriété."
Il a affirmé que les zapatistes pensent que les travailleurs du champ et de la ville non seulement devaient lutter pour de "meilleurs salaires, de meilleures conditions de travail, de sécurité dans l'emploi, pour des prestations, de l'argent de poche, pour la liberté et la démocratie syndicales" mais que l'autre mouvement ouvrier "devait lutter pour nous arracher les capitalistes à la propriété privée des moyens de production. "Si nous sommes les dépossédés et eux les possédants, nous devons utiliser cette force pour en finir avec eux, pour que la possession change de camp, qu'elle soit celle des travailleurs et des travailleuses".

 Marcos s'est étonné du fait que le premier mai prochain défilent des organisations aux idéaux politiques opposés. Lors de ces rencontres qui ont rassemblé plus de 100.000 personnes, des participants ont notamment dénoncé les leaders syndicaux jaunes et ont raconté leurs tentatives de nécessaires dissidences - on a aussi évoqué les syndicats qui se rangeaient du côté patronal, contre le droit du travail et les travailleurs ou une grève de 50 jours non indemnisée par le syndicat jaune CTM [que l'on songe au fameux Roberto Dorazzio en Belgique dont le mouvement de grève avait été saboté par le syndicat dont il faisait partie]. Les travailleurs de maquiladoras ont annoncé qu'ils commençaient à se structurer en syndicats.