Le rapport de la Confédération Internationale des Syndicats

L'Ituc (Confédération des syndicats, en français) a publié son atlas des pays selon le respect du droit de l'emploi (ici, en anglais). Cette organisation a un point de vue employiste (ce qui n'est pas très grave quand il s'agit d'information) et son classement repose sur des critères exclusivement législatifs, notamment des critères relatifs à la liberté syndicale (sauf la catégorie 5+, voir ci-dessous).

Ce biais n'est pas nécessairement inintéressant, il s'appuie sur un remarquable travail de fourmi mais il fait l'impasse sur les salaires (les salaires minimums, les salaires sociaux ou les salaires effectifs), sur la quantité horaire de travail, sur les congés payés, sur les limites à la propriété lucrative, sur les considérations écologiques, sur le harcèlement qui sont au cœur de l'entreprise actuelle.

  • Le classement

La catégorie 5+ reprend les pays en guerre où l'État ne peut faire appliquer la loi - la législation sociale n'a plus lieu d'être dans ces pays.

Centrafrique, Libye, Palestine, Somalie, Soudan du Sud, Soudan, Syrie, Ukraine

On comprend l'intérêt des employeurs à faire entrer l'Ukraine dans un espace de concurrence libre et non faussée!

La catégorie 5 reprend les pays où l'emploi est un enfer. Le droit social existe éventuellement mais il n'est pas appliqué et les travailleurs sont confrontés à l'arbitraire, à l'autocratie patronale la plus débridée.

Algérie, Bangladesh, Biélorussie, Cambodge, Chine, Colombie, Côte d'Ivoire, Égypte, Fidji, Grèce, Guatemala, Inde, Laos, Malaisie, Nigeria, Philippine, Qatar, Corée, Arabie Saoudite, Swaziland, Turquie, Émirats Arabes Unis, Zimbabwe, Zambie 
Exploit remarquable pour l'Europe de la paix, pour l'Europe sociale puisque l'un de ses membres se retrouve dans la catégorie des pays de l'emploi les plus pourris.

La catégorie 4 reprend les pays dans lesquels il y a des violations de droits systématiques, dans lesquels les droits sociaux sont menacés par les gouvernements ou les entreprises.

Argentine, Bahreïn, Botswana, RD Congo, Salvador, Haïti, Honduras, Hong-Kong, Indonésie, Iran, Irak, Jordanie, Kenya, Koweït, Liban, Mali, Mauritanie, Maurice, Mexique, Maroc, Myanmar, Népal, Oman, Pakistan, Panama, Pérou, Sierra Léone, Thaïlande, États-Unis d'Amérique, Yémen

On remarquera que les frères ennemis: Iran-Irak ou États-Unis-Pakistan se réconcilient quand il s'agit de bafouer les droits syndicaux.

La catégorie 3 reprend les pays dans lesquels les gouvernements ou les compagnies interviennent contre les droits des travailleurs, droits souvent lacunaires.

Australie, Bahamas, Bénin, Bolivie, Brésil, Bulgarie, Burundi, Canada, Tchad, Chili, Costa-Rica, Djibouti, Équateur, Éthiopie, Géorgie, Ghana, Israël, Lesotho, Madagascar, Mozambique, Namibie, Paraguay, Pologne, Portugal, Congo, Roumanie, Singapour, Sri Lanka, Taïwan, Tanzanie, Ouganda, Grande-Bretagne, Venezuela

La catégorie 2 reprend les pays dans lesquels les droits existent mais sont compromis dans leur exercice par les attaques répétées du gouvernement ou des compagnies.

Albanie, Angola, Belize, Bosnie-Herzégovine, Burkina-Faso, Cameroun, Croatie, République Tchèque, Dominique, Hongrie, Irlande, Jamaïque, Japon, Lettonie, Macédoine, Malawi, Moldavie, Nouvelle-Zélande, Russie, Rwanda, Sénégal, Serbie, Espagne, Suisse

La présence de la Suisse dans cette catégorie prouve qu'il ne suffit pas d'être un pays riche pour que les droits syndicaux soient respectés. Ce pays fait d'ailleurs son entrée dans cette catégorie du fait de la dégradation des droits syndicaux là-bas.

La catégorie 1 reprend les pays où les travailleurs jouissent de la liberté d'association et, généralement, ont des droits respectés.

Barbade, Belgique, Danemark, Estonie, Finlande, France, Allemagne, Islande, Italie, Lituanie, Monténégro, Pays-Bas, Norvège, Slovaquie, Afrique du Sud, Suède, Togo, Uruguay.

La présence de la Belgique dans cette catégorie interroge la finesse d'une étude basée sur les témoignages syndicaux: la liberté syndicale y est fortement entravée puisque, pour créer un nouveau syndicat qui soit un interlocuteur social, il faut un nombre minimum de membres (60.000). Cette règle limite la représentation syndicale aux trois grands syndicats, des syndicats d'État inscrits dans une logique de concertation, très peu combatifs. La FGTB, par exemple, a, à plusieurs reprises, exclu des membres trop intègres dans leur lutte pour les travailleurs. Ces syndicats ne vont évidemment pas faire rapport de leurs propres pratiques anti-démocratiques.

D'autre part, en Belgique toujours, ce sont les syndicats qui détiennent les mandats de la délégation et non les délégués de sorte que la hiérarchie syndicale prend l'habitude de se débarrasser des délégués trop remuants, ce sont les permanents qui décident pour les délégués et, au sein des permanents, ce sont les responsables qui décident. Cette façon de faire obère la démocratie sociale de manière particulièrement voyante quand les secrétaires généraux des syndicats passent dans des partis politiques ou quand leur conjoint occupe une place de choix dans les structures partisanes.

  • Cinq pays
Le rapport fait ensuite le tour de cinq pays exemplaires de leur niveau de liberté syndicale.

Le Cambodge (5) utilise la violence armée contre les revendications légitimes des travailleurs. Ils travaillent dans des conditions dangereuses, sont menacés, etc.

 Le Koweït (4) dont les immigrés connaissent des conditions de travail particulièrement pénibles intimide et menace les représentants syndicaux et les organisateurs de grèves légales.

Le Ghana (3) en dépit d'un cadre légal favorable ne combat pas les discriminations et restreint le droit de grève.

En Suisse (2), les droits des représentations des travailleurs sont souvent sapés par sous-informations des intéressés. Les délégations syndicales demeurent marginales.

Le droit d'association et de grève est pleinement reconnu en Uruguay (1). Les syndicats n'en rapportent aucune plainte et, logiquement, ce pays accède à la première catégorie. Ce pays connaît pour le moment une forte mobilisation pour le salaire chez les enseignants - mobilisation qui n'est pas entravée.